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Biomimétisme et santé : quand la nature inspire la médecine

Dernière mise à jour : 3 avr. 2023

Biomimétisme et santé : de l’aiguille en forme de trompe de moustique aux nano-capsules de médicament inspirées d’algues en passant par la peau antibactérienne du requin, la médecine et la santé sont bien plus proches du vivant et de la biologie que vous ne le pensez. Bioxegy vous propose un petit tour d’horizon de quelques exemples biomimétiques dans le secteur de la santé.


Biomimétisme et santé : limiter les douleurs et lésions


Le moustique, une redoutable inspiration pour la santé


Qui peut se vanter d’aimer les piqûres ? A priori personne. Pourtant, notre santé nous contraint tous à subir ce désagrément de temps à autre : vaccin, prise de sang, don de sang, perfusion, etc…

Schéma de la forme du proboscis du moustique. © A.D.R. Li, 2020

De simplement désagréable à purement insoutenable selon les personnes, les aiguilles feraient sans doute moins peur si leur piqûre était indolore. C’est pour cela que depuis 2001, grand nombre de chercheurs se sont intéressés à la piqûre du moustique qui est quasiment imperceptible. S'en inspirer pour créer des seringues utilisables dans toutes les branches de la santé paraît donc évident. Pour “piquer sans piquer”, la trompe du moustique, appelée proboscis, est en fait un ensemble complexe de différents composants qui vibrent, scient, écartent et explorent les tissus pour pénétrer le vaisseau sanguin et récupérer le précieux liquide ! C’est fin 2022 que des chercheurs de l’Université Temple de Philadelphie ont mis au point un nouveau prototype d’aiguille chirurgicale s’inspirant à la fois de la forme du moustique et de son fonctionnement type “scie-sauteuse”. La forme dentelée du proboscis permet d’avoir moins de points de contacts entre le tissu et l’aiguille que pour une seringue lisse facilitant ainsi la perforation du tissu. Quant au fonctionnement “scie-sauteuse”, cela permet de pénétrer le tissu tout en réduisant sa déformation et donc la douleur ressentie. Il en résulte une aiguille qui nécessite 60% de force en moins pour pénétrer un tissu qui en conséquence se déforme moitié moins, réduisant la douleur et les lésions pour le patient.


Grâce à ces avancées scientifiques bio-inspirées pour le secteur de la santé, des instruments médicaux de précision peuvent être fabriqués pour réduire la douleur. Que ce soit pour une biopsie, un vaccin ou une chirurgie cérébrale, vous pourrez remercier ces insectes quand vous ne sentirez pas l’aiguille !


Adhésion de microseringues au tissu décuplée


Le moustique n’est pas le seul être vivant à faire preuve de piquant ! En effet c’est en s’inspirant des micro-crochets des parasites, des dards des abeilles ou encore des épines du porc-épic que des chercheurs américains de l’Université Rutgers ont pu développer des microseringues. Le principe est simple : s’inspirer de ces structures comme les petites dents orientées vers l’arrière de l’épine du porc-épic pour adhérer 18 fois plus au tissu d’un patient. Que ce soit pour injecter des médicaments ou pour extraire du sang par exemple, ces microseringues indolores et qui adhèrent au tissu révolutionneront plusieurs pans de la santé. En s’inspirant des mêmes animaux, des chercheurs d’Harvard et du MIT ont même développé des pansements secs et des agrafes chirurgicales qui endommagent moins les tissus. La forme de harpons de ces microstructures réduit le nombre de points de contact et facilite donc la pénétration et l’adhérence à l’épiderme. Comme quoi, la nature n’a pas fini d’affecter notre santé !

Vidéo illustrant le prototype de microseringue bio-inspirée. © Han et al., 2018


Biomimétisme et santé : et si la nature s’invitait à l'hôpital ?


Le requin et sa peau antibactérienne


Si le biomimétisme est indéniablement prometteur pour la santé au quotidien, notamment pour les pansements et piqûres comme vu précédemment, qu’en est-il à l’hôpital ? Là encore, la nature sait se montrer inspirante, parfois de manière inattendue.

Vue au microscope électronique de la peau d’un requin. © Science Photo Library

Un exemple très connu du biomimétisme en dehors du domaine de la santé est celui de la peau des requins. Recouverte de minuscules denticules, elle permet de plaquer contre le requin un film d’eau qui réduit les frottements lors de la nage ! Déjà utilisée dans l’aviation, l’automobile ou pour des maillots de bain, cette technologie est si efficace que la Fédération Internationale de Natation a banni ce type de maillots en 2009, après que 108 records du monde aient été battus l’année précédente (aux JO de Pékin) ! Mais la performance n’est pas le seul avantage de ce revêtement. Saviez-vous que la peau du requin était également antibactérienne ? Pour être exact, la peau du requin est faite pour préserver sa santé et ne pas laisser les corps étrangers adhérer dessus : algues, balanes, mais aussi bactéries et parasites.


C’est ainsi que la société Sharklet a développé des équipements antibactériens inspirés de la peau du requin pour le domaine de la santé. Cela se matérialise par des cathéters, des sondes endotrachéales ou tout simplement des films antibactériens pour limiter la transmission d’infections par les surfaces qui coûtent près de 30 M$ par an aux Etats-Unis. Il s’agit donc d’une alternative innovante aux produits chimiques et aux antibiotiques, permettant de réduire d’au moins 70% le développement bactérien. D’autres chercheurs continuent de travailler sur cette technologie antibactérienne qui n’a pas fini de nous livrer tous ses secrets pour améliorer notre santé.


Une colle biologique inspirée d’un ver marin


Toujours à l’hôpital, diverses opérations de santé peuvent avoir lieu et un certain nombre d’entre elles impliquent de refermer une plaie, notamment avec des sutures. Ces sutures peuvent se montrer invasives et parfois endommageantes pour les tissus, en particulier sur des organes internes. C’est pourquoi l’entreprise française Tissium a développé une colle biologique pour la santé inspirée d’un ver marin, parfois appelé “ver à château de sable”. Ce ver peut créer des petits amas de sable à la forme caractéristique pour s’y cacher. Pour cela, il utilise des protéines qui servent de liant et permettent au sable former des structures qui restent agglomérées, même sous l’eau ! En reproduisant une formulation similaire, Tissium a créé une colle biologique à usage médical qui polymérise en quelques secondes lorsqu’elle est exposée aux UV. Il suffit alors de déposer la colle et de “l’activer” une fois en place. Le résultat est une colle souple, résistante à l’humidité, biocompatible et biodégradable sans danger pour la santé du patient !


Tas de sable formé par un ver Phragmatopoma californica. © kqedquest, iNaturalist

Un robot de chirurgie en forme de serpent

Robot médical inspiré du serpent. © Will Kirk / JHU

Le lien entre le vivant et la santé dans le milieu hospitalier ne se limite pas à une colle biologique et une surface antibactérienne. En effet, la nature s’immisce jusque dans les robots chirurgicaux ! Certaines opérations très localisées, dans le cerveau par exemple, nécessitent un contrôle des mouvements d’une précision extrême. C’est ainsi que des chercheurs chinois de l’Université de Shandong ont récemment mis au point un prototype de robot inspiré du serpent. En rampant avec tout son corps, ce dernier possède une étonnante capacité de locomotion dont les chercheurs s’inspirent pour créer des bras articulés. Ces derniers permettent de réaliser des chirurgies peu invasives réduisant le risque de lésions et de conséquences négatives pour la santé du patient. Concrètement, la structure du robot permet d’effectuer des mouvements complexes et de contourner des organes afin de pouvoir opérer des parties profondes du corps humain. Le développement de ces robots chirurgicaux bio-inspirés permet d’atteindre une dextérité jamais atteinte auparavant. Les applications sont très nombreuses et concernent la plupart des types de chirurgie, expliquant l’intérêt grandissant depuis les années 2000 pour ce type de robot bio-inspiré. C’est un exemple de plus qui montre que votre santé et le biomimétisme sont de plus en plus liés.


Biomimétisme et santé : quand on a la nature dans le sang


Du sang artificiel & de l’hémoglobine surperformants


Les surprises que nous réservent les vers marins pour notre santé ne s’arrêtent d’ailleurs pas là ! En effet, le sang (plus particulièrement l’hémoglobine) du ver arénicole possède des propriétés très intéressantes. Premièrement, grâce à son hémoglobine, le ver arénicole est adapté pour survivre à de longues périodes sans oxygène, et ce sans risque pour sa santé. C’est très pratique pour survivre hors de l’eau entre deux marées ! Ainsi, l’hémoglobine du ver est plus efficace que l’hémoglobine humaine pour la fixation de l’oxygène. Mais il y a mieux : contrairement à l’hémoglobine humaine contenue dans des cellules (les globules rouges), celle du ver est extracellulaire (elle n’a pas besoin de globule rouge pour transporter l’oxygène) ! Cela facilite grandement son usage comme transporteur d’oxygène pour des applications médicales dans le domaine de la santé. En effet, l’absence de globule rouge permet à cette hémoglobine d’être compatible avec tous les groupes sanguins. Inspiré par ce ver, le laboratoire biopharmaceutique français Hemarina développe et commercialise avec l’accord de l’Union Européenne un “sang artificiel”. Il est utilisé pour mieux préserver les organes en attente de greffe ou pour essayer de satisfaire le besoin en sang, insuffisamment rempli par le don.


Poche de sang artificiel HEMO2life. © Hemarina

Des nano-capsules de transport de médicaments

Illustration de diatomées. © NASA

Enfin, la nature peut également participer à un autre enjeu important de la santé en améliorant la distribution de médicaments dans l’organisme. Depuis quelques années, la recherche et le développement autour des nanotechnologies a irrigué le secteur de la santé. Des objets d’attention sont les nano-capsules de transport de médicament, permettant des administrations ciblées dans le corps et réduire les potentiels effets secondaires sur la santé du patient. Des chercheurs de plusieurs universités indiennes ont proposé en janvier 2021 de s’inspirer des frustules des diatomées pour servir de capsules. Les diatomées, déjà évoquées dans notre podcast, sont des algues unicellulaires microscopiques qui s’entourent d’une capsule de silice poreuse pour se protéger. D’après les chercheurs, ce type de capsule serait plus efficace que celles actuellement utilisées en termes de capacité de chargement et de flexibilité de la vitesse de libération des substances (en adaptant la taille des pores). Ce type de capsules possède un très grand potentiel pour guérir certaines maladies qui nécessitent un traitement focalisé avec des substances qui pourraient être néfastes pour certains organes. Encore une innovation bio-inspirée pour le secteur de la santé !


Conclusion


Les quelques exemples que vous avez pu lire montrent qu’il est clair que le biomimétisme se montre efficace pour améliorer de nombreux aspects de votre santé. Pour creuser, vous trouverez des exemples déjà abordés sur notre site pour en apprendre plus sur le biomimétisme appliqué à la santé : le rat-taupe nu est bien connu pour inspirer la recherche contre le cancer, ou la méduse immortelle pour la recherche sur le vieillissement !

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