Les espèces-ingénieurs qui modifient significativement leur environnement, comme les castors ou les termites, sont nombreuses. Ces espèces-ingénieurs et leurs prouesses peuvent servir d’inspiration pour améliorer les constructions humaines ou bien d’autres technologies !
Les espèces-ingénieurs, des maîtres d'œuvre de la nature !
Une espèce-ingénieur, ingénieur-écologique ou organisme-ingénieur, est une espèce qui modifie significativement son environnement. Ces modifications sont souvent bénéfiques pour la biodiversité, en permettant, par exemple, la présence d’autres espèces.
On distingue deux catégories d’espèces-ingénieurs : les espèces qui sont ingénieurs “intrinsèquement” et celles qui le sont par leurs activités.
Les ingénieurs autogéniques sont les espèces qui, par leur présence et leur architecture naturelle, modifient profondément leur environnement, comme les récifs coralliens ou les arbres. Pour ces derniers, leur tronc et leurs branches sont l’habitat d’un grand nombre d’espèces et les forêts abritent une grande partie de la biodiversité terrestre.
Les espèces allogéniques utilisent ou transforment des matériaux de leur environnement et ainsi modifient profondément leur écosystème. Parmi ces espèces nous retrouvons les termites, avec leurs gigantesques termitières et leurs grands réseaux de galeries sous le sol. Les constructions faites par les termites jouent un rôle d’oasis de vie, car elles permettent de stocker des nutriments et de l’humidité et d’améliorer la pénétration de l’eau dans le sol. La végétation à proximité des termitières résiste donc bien mieux aux saisons sèches !
Moins connus mais tout aussi impressionnants, les monts des mégapodes de Reinwardt. Ces oiseaux présents en Australie construisent des monts au sol qui mesurent en moyenne 12 m de diamètre pour 3,5m de haut ! Ces monts sont principalement constitués de matière organique en décomposition. La femelle pond son œuf au sein du mont, que le mâle entretient. C’est la chaleur produite par la décomposition de la matière organique qui couve l'œuf, une alternative bon marché à une nourrice !
Les castors : quand les animaux nous embêtent, et pas l’inverse !
L’homme aussi est une espèce-ingénieur allogénique, et nous sommes habitués à entendre que nos constructions et l’urbanisation croissante nuisent fortement à la biodiversité; et si pour une fois, les rôles s’inversaient ?
L’activité de certaines espèces-ingénieurs peut en effet embêter les activités humaines. C’est par exemple le cas des castors qui vivent dans des milieux urbains aux États-Unis et au Canada. Pour construire un barrage, les castors abattent des arbres, et cela peut réduire l’esthétisme des espaces verts. Ces mêmes barrages peuvent causer des dégâts, via des inondations, en empêchant l’écoulement de l’eau ou lors de ruptures soudaines. Les barrages construits par les castors peuvent donc être considérés par l'être humain comme une nuisance.
Nous pourrions aussi citer les écureuils, parfois à l’origine de coupures de courant. Les écureuils stockent des graines pour se nourrir durant l’hiver, et parfois ils en cachent de grandes quantités dans des infrastructures des réseaux d’électricité ce qui peut engendrer des pannes !
Bien évidemment, ces animaux (à la différence des humains), ne sont pas conscients des impacts négatifs de leurs constructions. De plus, les bénéfices pour la biodiversité de l’activité d’espèces-ingénieurs telle que le castor éclipsent largement les impacts négatifs ! La construction de barrages, et les modifications de l’environnement qui en sont issues, permettent notamment l’augmentation de la diversité des espèces de plantes et d’animaux comme les poissons, les insectes ou les oiseaux.
Quand le génie des espèces-ingénieurs nous inspire
Les espèces-ingénieurs et les structures qu’elles construisent peuvent même inspirer nos ingénieurs !
L’un des exemples historiques du biomimétisme est basé sur les termitières qui sont dotées d’un ingénieux système de climatisation passive. Des cheminées au sommet de la termitière permettent la sortie de l’air chaud et cela entraîne en retour l’entrée d’air frais dans les tunnels, près ou sous le sol. Ce concept simple a permis la construction de bâtiments climatisés passivement, qui permettent d'importantes économies d’énergie. En effet, ils n’ont besoin que de 10% de l’énergie liée à la climatisation d'un bâtiment équivalent conventionnel.
Les espèces-ingénieurs peuvent aussi nous inspirer sur des thématiques où on ne les attend pas. Les castors et la structure bien définie de leurs barrages ont par exemple inspiré une membrane qui pourrait améliorer les capacités des batteries au lithium-soufre. Ils sont faits d'une base composée de troncs et de branches enfoncées dans la boue, sur laquelle des bâtons, cailloux, herbes, feuilles (et autres matériaux disponibles) sont ajoutés. La diversité des matériaux qui composent le barrage assure une bonne durabilité structurelle et permet le passage de l’eau mais retient les gros éléments qui viennent renforcer sa stabilité. Reproduisant ce concept, la membrane bio-inspirée est composée de nanotubes de carbone, faisant office de branches, et de nanofibres, qui jouent le rôle des pierres. Tout en permettant un passage rapide des ions, cette membrane possède des propriétés de stabilité thermique et mécanique très intéressantes. Si son développement continue, elle pourrait devenir plus performante que les solutions actuellement utilisées !
Finalement, les espèces-ingénieurs participent à l’augmentation de la biodiversité grâce aux modifications qu’elles apportent à leur environnement. Elles sont aussi une très bonne source d'inspiration pour nos chercheurs afin de développer des technologies performantes et sobres dans des domaines très variés !
Il serait donc intéressant pour nos sociétés de s’intéresser de plus près à la biodiversité qui nous entoure et notamment aux espèces-ingénieurs. Tant pour développer de nouvelles technologies ou améliorer celles existant, que pour apprendre à ne pas nuire à la biodiversité lorsque nous modifions l’environnement !
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