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  • Biomimétisme et économie d’énergie

    Biomimétisme et économie d’énergie : optimiser les systèmes de chauffage en s’inspirant du rein humain et de la peau du caméléon, concevoir des algorithmes d’optimisation à partir des réseaux mycorhiziens ou encore améliorer l’aérodynamisme des surfaces en s’inspirant de la muqueuse des poissons — autant de systèmes biologiques dont le biomimétisme s’inspire pour imaginer des solutions plus économes en énergie. Le biomimétisme est l’une des pistes crédibles face à l’impératif de sobriété énergétique et nous vous expliquons pourquoi dans cet article ! Economies d’énergie thermique La consommation d’énergie pour se réchauffer (ou se refroidir) est la principale source de toutes nos dépenses énergétiques, puisqu’elle représente plus de 50 % des dépenses mondiales. L’économie d’énergie thermique est donc un enjeu primordial pour répondre à nos besoins tout en diminuant notre impact et nos consommations. Le vivant étant un expert des échanges thermiques entre les corps et leur environnement, le biomimétisme a énormément de sujets inspirants sous la main à développer. Par exemple, l’isolation thermique : un sujet essentiel pour faire face aux “passoires thermiques” énergivores que représentent nos habitations. En effet, une bonne isolation nous permet de moins chauffer ou moins refroidir les pièces. Les meilleurs exemples biologiques d’isolation thermique sont ceux qui vivent dans un environnement froid, voire glacial. C’est le cas de l’ours polaire, qui, pour survivre dans des conditions extrêmes de température (eau et air), dispose d’un duvet poilu très dense et imperméable à l’eau. Le cœur de ses poils, creux et rempli d’air, lui procure un excellent isolant thermique. Sa peau noire (sous les poils) lui permet d’absorber plus d’énergie solaire et donc de mieux se réchauffer. Enfin, son épaisse couche de graisse, située sous sa fourrure, fait partie de cet ensemble très isolant. C’est de cette structure en poils creux que se sont inspirés des chercheurs intéressés par le biomimétisme pour développer un textile isolant, réalisant une superposition de couches de nano-fibres textiles poreuses. Ce procédé permet d’isoler le matériau thermiquement car l’air est piégé entre les couches poreuses. De plus, la présence des pores contraint le déplacement des molécules excitées par la chaleur et donc sa transmission. Le rayonnement infrarouge (IR), émis par les corps chauds, est également conservé car la lumière est réfléchie dans les interfaces solides-air entre chaque couche. Les résultats sont probants : le textile est un bon isolant thermique et il est résistant à l’usure. Cette innovation par biomimétisme peut s’utiliser sur des bâtiments où il peut conduire à près de 30 % d’économie d’énergie. Ou bien sur des vêtements auxquels il donne, en plus des propriétés isolantes, une très bonne respirabilité ! Il est aussi possible de limiter notre consommation énergétique dans le bâtiment en agissant sur les vitres. Il est ainsi possible de se servir de ces vitres autrement que pour l’éclairage. C’est le cas des vitres dites électrochromes, capables de changer de couleur, du moins d’opacité et de transparence, pour répondre à nos besoins thermiques. Leur mécanisme s’inspire des propriétés stupéfiantes de changement de couleurs des caméléons ou des céphalopodes (pieuvres, seiches, calamars). Pour se camoufler, communiquer ou s’adapter à la température de leur environnement, ces animaux changent de couleur pour absorber plus ou moins la lumière. Par exemple, une couleur proche du noir absorbera davantage d’énergie qu’une couleur plus claire. Cette capacité est notamment due aux cellules présentes dans leur peau, appelées chromatophores ou encore iridophores, qui en se contractant ou se dilatant absorbent des couleurs différentes. C’est ce mécanisme qui a inspiré les vitrages électrochromes pour réduire la consommation énergétique des bâtiments. Cette économie d’énergie est rendue possible par le biomimétisme en faisant varier l’opacité de la vitre selon les conditions et les besoins. Grâce aux réactions chimiques dans le film électrochrome posé sur la vitre, semblables à celles des cellules chromatophores, l’opacité est pilotée par des impulsions électroniques. L’augmentation de l’opacité des vitres engendre une diminution de la transmission du rayonnement solaire à l’intérieur du bâtiment (comme le feraient des rideaux ou des volets) et il est donc moins nécessaire de refroidir ces pièces en été avec de l’air conditionné énergivore. A l’inverse, pour limiter au maximum le chauffage dans des périodes froides, les vitres sont rendues les plus transparentes possible afin d’accueillir le maximum de chaleur provenant des rayonnements solaires, toujours grâce au biomimétisme. Pour économiser l’énergie thermique, le biomimétisme peut également s’inspirer de l’anse de Henlé du rein humain. Le rôle des reins est de récupérer les substances intéressantes (eau et minéraux) lors du passage de l’urine dans le rein. Ils ont donc un rôle de filtration. L’anse de Henle en forme de “U” maximise ce pouvoir filtrant car l’urine augmente graduellement en concentration au fur et à mesure qu’elle se rapproche de la base du U, ce qui permet de mieux extraire les substances intéressantes. C’est à partir de ce phénomène, appelé multiplication à contre-courant, qu’a été développé un échangeur thermique passif pour maximiser la chaleur récupérée. Cet échangeur par ventilation passive vise à récupérer la chaleur de l’air sortant et la transmettre à l’air entrant pour minimiser la puissance de chauffage nécessaire. Ce système permet ainsi de réduire l’utilisation du chauffage jusqu’à 30 % par rapport à une utilisation classique, et donc de réduire notre consommation d’énergie et, partant, notre empreinte écologique. Algorithmes d’optimisation bioinspirés et économie d'énergie Pour trouver des solutions qui consomment un minimum d’énergie, l’économie d’énergie doit parfois passer par des algorithmes d’optimisation. Ces derniers permettent en général, avec les mêmes technologies, d’améliorer les rendements, de réduire les pertes ou de dimensionner un système. Le biomimétisme peut s'inspirer du comportement et de l’organisation très sophistiquée des êtres vivants pour développer de nouveaux algorithmes intelligents et perfectionnés. Et il y en a de nombreux exemples ! C’est le cas par exemple de CLONAG, un algorithme inspiré du système immunitaire. L’idée de cet algorithme biomimétique est de reproduire la stratégie de conservation de l’immunité pour déterminer la taille optimale d'un réseau électrique hybride, utilisant au mieux sa production avec le moins d'interruptions possibles et un coût réduit. L’objectif est de dimensionner un système électrique hybride à approvisionnement photovoltaïque, éolien et sur batterie. L'intérêt de la batterie est de conserver l'énergie préalablement produite au cas où les deux autres parties productrices ne pourraient pas fonctionner (conditions météorologiques défavorables par exemple) et ainsi garantir un approvisionnement en électricité le plus continu possible. Cet algorithme est capable de trouver la solution optimale pour utiliser les 3 sources d’énergie en fonction de leur production, de la même façon que le système immunitaire choisit les bons anticorps pour se défendre contre une certaine maladie ! Les résultats sont bien plus rapides ou moins coûteux qu’avec d’autres algorithmes. L’algorithme biomimétique CLONAG permet d’optimiser la consommation et la production d’énergie, de mieux la stocker et d’éviter un maximum les pertes énergétiques. Un autre exemple provient du réseau mycorhizien, association symbiotique entre plantes et champignons, très utile pour échanger des ressources et optimiser leur développement mutuel. Ce réseau biologique se forme lorsque plusieurs plantes sont colonisées par le même champignon mycorhizien. Elles sont alors reliées entre elles par ce réseau de champignons et de racines. Ce type de réseau a inspiré un algorithme biomimétique d’amélioration des réseaux électriques du type smart grid (par exemple des maisons équipées de panneaux solaires). Ces réseaux sont moins centralisés qu'un réseau de distribution électrique classique et comportent plus de connexions redondantes. Ils sont plus résilients et plus fonctionnels. A l'inverse d'un réseau où la source d'énergie impose les flux, ce sont les individus (maisons, appareils) qui imposent les flux dans ce modèle. Cet algorithme biomimétique inspiré des champignons permet également d’économiser de l’énergie en la distribuant mieux et en évitant une production trop élevée non nécessaire. Les algorithmes biomimétiques qui découlent des comportements et méthodes biologiques ont ainsi énormément de potentiel pour permettre l’économie d’énergie. Ils sont extrêmement nombreux et variés, on peut citer des exemples inspirés des chats, des dingos, des loups, des papillons de nuit, des bancs de poisson, des nuages d’insectes ou encore des colonies de fourmis ! Economie d’énergie par réduction des frottements L’économie d’énergie passe également par la limitation des frottements sur les systèmes physiques, qui sont la cause de plus de 20 % de notre consommation d’énergie dans tous les domaines et les secteurs dans le monde. Ces frottements peuvent être fortement limités par des lubrifiants performants ou des structures particulières là où le vivant, encore une fois, est une grande source d’inspiration. Le biomimétisme peut nous apporter les clés pour réduire au maximum la part de ces frottements dans notre consommation énergétique et ainsi permettre l’économie d’énergie. Par exemple, la carapace du pangolin possède une structure en écailles superposées très spéciale. Ses écailles sont composées de kératine et sont très résistantes aux chocs et aux prédateurs. Leur agencement permet d’optimiser les propriétés de résistance tout en conservant une grande souplesse de la carapace. Cette structure en écailles permet aussi de réduire drastiquement les frottements secs et l’usure des matériaux. En effet, les écailles du pangolin (dont la structure peut être retrouvée également chez le tatou) sont espacées les unes des autres en profondeur. Cela engendre un effet de “rainures” profondes sur sa carapace. Des chercheurs s’en sont inspirés et ont découvert par exemple que les rainures sur un matériau très solide comme du métal apportent des performances bien supérieures en termes de frottements et de résistance à l’usure. Une structure plane dans laquelle on vient creuser des rainures formant une grille sur toute la surface peut réduire l’usure du matériau de plus de 57 %. Une forte réduction des frottements dans toutes les directions est également observée grâce à cette exemple de biomimétisme. Les écailles du pangolin ne sont pas les seules qui ont inspiré des scientifiques pour développer des systèmes diminuant les frottements et donc la consommation d’énergie. En effet, les poissons sont l’exemple parfait pour deviner l’intérêt des écailles. Pour glisser au maximum dans l’eau, réduire les frottements avec l’eau et ainsi économiser le plus d’énergie possible pour chasser ou se protéger, les poissons disposent d’écailles. Elles leur permettent de se déplacer rapidement en étant silencieux, de résister aux chocs et de réduire leur traînée dans l’eau. Une innovation biomimétique a été développée par des chercheurs sur ce même principe. L’objectif est de reproduire la forme et le chevauchement des écailles de poisson sur une surface plane pour améliorer les propriétés aéro ou hydrodynamiques du matériau. Les résultats des tests sont très bons et conformes aux propriétés biologiques. Les écailles modifient les profils d'écoulement des fluides (eau ou air). Au total, une réduction maximale de la traînée allant jusqu’à 27 % dans l’air a été mesurée pour des écailles aux dimensions optimisées. Les cas d’application d’un tel progrès technologique biomimétique sont nombreux. Les frottements des coques de bateaux peuvent être grandement réduits, les ailes d’avions ou n’importe quel autre profil aérodynamique (par exemple sur des voitures) peuvent être améliorés, etc. Le biomimétisme peut ainsi participer à une économie d’énergie à l’échelle mondiale, en limitant par exemple une grande partie des frottements dus aux transports. D’autres surfaces performantes existent dans la nature et peuvent inspirer les scientifiques. C’est le cas par exemple des piquants du poisson globe. Ces derniers, tout comme les écailles, bien que très différents, peuvent aussi réduire drastiquement les frottements. La transposition biomimétique peut ainsi atteindre jusqu’à 23 % de réduction des frottements dans l’eau, lorsque les pics sont disposés d’une manière optimisée. Agencés en lignes, espacés de quelques millimètres et inclinés à 45° dans le sens de l’écoulement, ils rendent la surface plus performante qu’une surface lisse. Cette performance est rendue possible grâce à l’effet des piquants sur l’écoulement qui vont notamment réduire les turbulences et la traînée par rapport à une surface plane. Enfin, il est possible d’économiser de l’énergie en évitant les frottements sans pour autant changer de structure. Ceci est rendu possible grâce aux lubrifiants qui en créant du glissement permettent d’éviter les frottements entre 2 pièces mécaniques solides. L’huile moteur d’une voiture a par exemple ce rôle extrêmement important. Les lubrifiants sont essentiels à toute chaîne de production, dans l’utilisation de moteurs, de machines ou encore d’appareils électroniques. La nature, pour les mêmes raisons (celles de réduire les frottements et d’économiser de l’énergie), a développé des liquides aux propriétés lubrifiantes. Le mucus des poissons a par exemple un rôle de protection contre les microorganismes mais surtout sert à se déplacer plus efficacement dans l’eau. Ce lubrifiant naturel se colle à la peau du poisson pour améliorer son hydrodynamisme et donc économiser son énergie. Ce mucus est principalement composé d’eau, emprisonnée dans des protéines. En s’inspirant de ce lubrifiant naturel, le biomimétisme a permis le développement d’un hydrogel, contenant des composés chimiques et beaucoup d’eau. Ce gel possède des propriétés variables, en fonction de la température d’utilisation et du pH de l’environnement. Il peut notamment atteindre un très faible coefficient de frottements (0.05 pour le mucus contre 0.15 pour des skis sur de la neige) et agir comme un très bon lubrifiant. Il existe évidemment beaucoup d’autres exemples du biomimétisme dans l’économie d’énergie et la diminution des frottements. Conclusion Le biomimétisme a encore une fois prouvé son intérêt sur des sujets et des enjeux cruciaux pour des technologies actuelles et futures. L’économie d’énergie est une démarche essentielle à adopter, partout où nous le pouvons, pour réduire notre impact sur la planète, mieux consommer et plus équitablement. Cet article fait suite à un article publié précédemment sur le Biomimétisme et la production d’énergie. Un dernier article sur le même thème paraîtra prochainement sur le stockage de l’énergie et les batteries ! Pour aller plus loin, les sources utilisées pour la rédaction de cet article : https://www.bioxegy.com/post/fourmi-et-innovation#:~:text=Cet%20algorithme%20g%C3%A9n%C3%A8re%20des%20solutions,de%20ph%C3%A9romone%20des%20autres%20fourmis. https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_%C3%A9lectrique_intelligent https://www.economie.gouv.fr/entreprises/blockchain-definition-avantage-utilisation-application https://www.bioxegy.com/post/biomim%C3%A9tisme-et-production-d-%C3%A9nergie

  • Rat-taupe nu, la clé de l’immortalité ?

    Le rat-taupe nu, rongeur de la famille des Bathyergidés, possède une multitude de propriétés étonnantes et intéressantes pour le domaine de la santé : lutte contre le cancer, ralentissement du vieillissement… Tant de problématiques qui font l’objet de recherches et que le rat-taupe a déjà résolu ! Le rat-taupe croque la vie à pleines dents en creusant des tunnels Les rats-taupes sont des rongeurs qui vivent en Afrique de l’Est. Parmi cette famille, une espèce se distingue par son aspect particulier : c’est le rat-taupe nu. Ce mammifère souterrain quasi-aveugle vit dans un réseau de tunnels qui mesurent jusqu’à 5 km de long. Le rat-taupe nu creuse ces tunnels avec ses dents, c’est une fonction tellement importante pour lui qu’un quart de sa musculature est dédié à sa mâchoire ! De plus, il est capable d’avancer en marche arrière aussi vite qu’en marche avant ! Son mode de vie souterrain s’explique par son régime alimentaire. Il est en effet herbivore et affectionne particulièrement les milieux arides. Dans ces zones sèches, les plantes stockent la majorité de leurs ressources (eau et nutriments) dans leurs bulbes et leurs racines. Ce sont ces parties qui sont visées par les rats-taupes nus. Ils n’ont ainsi même pas besoin de boire. Cependant, ils font preuve d’une gestion des ressources remarquable : ils laissent une partie des racines intacte après s’être servi afin que la plante puisse continuer à pousser. Cela leur assure ainsi une source de nourriture durable. La concentration en oxygène dans les tunnels dans lesquels il vit étant très faible, il a développé une capacité à survivre sans oxygène inédite : il peut passer 18 minutes sans oxygène sans ressentir de changement ! Rat-taupe nu creusant un tunnel avec ses dents Credits : Justin O’Riain Le rat-taupe nu, un animal qui vit en société très organisée Le rat-taupe nu et le rat-taupe de Damara sont les 2 seules espèces de mammifères eusociaux : ils s’organisent en colonies dirigées par un individu fertile, à l’instar des abeilles et des fourmis. Ils vivent en colonies de 80 individus en moyenne, mais leur nombre peut monter jusqu’à 300 individus ! Ils s’organisent autour d’une reine et de 3 mâles reproducteurs alors que le reste de la colonie est stérile. Il y a un système de castes, avec des soldats (les plus gros) et des ouvriers. Une étude publiée le 29 janvier dans Science a montré que chaque colonie de rat-taupe avait son propre dialecte. Ils repèrent ainsi très rapidement les intrus dans la colonie et peuvent les chasser. D’autre part, lorsqu’une colonie est en expansion, elle n’hésite pas à enlever des bébés chez des colonies voisines pour en faire des esclaves, d’après une étude publiée dans le Journal Of Zoology. Colonie de rats-taupes nus Credits : Gregory G Dimijian / Getty Images/Science Source Le rat-taupe détient-il la clé de la lutte contre le cancer ? Ce petit rongeur est plein de ressources et donne des idées à de nombreux chercheurs à travers le monde. En effet, il a une longévité hors du commun pour un rongeur : il peut vivre jusqu’à 32 ans, alors que les souris ne vivent pas plus de 4 ans. Cela est dû à son métabolisme beaucoup plus lent qui lui permet d’économiser son énergie. Encore plus fort, il ne montre pas de signes métaboliques de vieillissement. Les individus âgés sont tout aussi forts physiquement et aptes à se reproduire que les plus jeunes ! C’est le résultat surprenant qu’a découvert Rochelle Buffenstein qui les étudie depuis plus de 30 ans dans la revue eLife. Non seulement la vieillesse ne les atteint pas, mais ils ne développent pas de cancer non plus. Ils ont en effet un gène spécial, qui empêche la prolifération des cellules, donc le développement de tumeurs. D’autre part, ils ont des molécules d’acide hyaluronique 5 fois plus grosses que celles des humains dans leurs cellules d’après une étude publiée dans Nature. Cette molécule empêche l’agglutination de cellules, donc lutte là encore contre la prolifération de cellules cancéreuses. Division cellulaire d’une cellule Le rat-taupe est donc un message d'espoir pour le domaine de la santé. Tout comme la méduse, ce rongeur défie les lois du temps et du vieillissement, ce qui laisse imaginer toute une panoplie de possibilités de biotechnologies pour lutter contre les cancers et autres maladies dégénératives. L’équipe française de biologie cutanée de l’Institut Cochin, mènent des recherches sur la thématique du vieillissement de la peau : dans le monde de demain, grâce à eux plus de rides ni de cancers de la peau ! Credits photo de couverture : J. Adam Fenster / University of Rochester

  • Biomimétisme et Agriculture

    Biomimétisme et agriculture : le point commun entre un blaireau, une feuille de canna, un scarabée du désert et une branche d'origan ? Ils sont tous à l'origine d'innovations en agriculture, grâce au biomimétisme ! A travers quelques exemples, goûtons le potentiel et la diversité du biomimétisme pour développer et guérir l'agriculture. Quels outils bio-inspirés pour l’agriculture de demain ? Depuis toujours, pour pouvoir réaliser de nombreuses tâches spécifiques qu’il ne peut pas réaliser naturellement, l’homme confectionne des outils. L’agriculture n’échappe pas à ce constat et depuis plus de dix millénaires, les hommes ont développé des outils pour labourer la terre ou découper des végétaux pour les récolter. Dans le contexte actuel, avec une demande de plus en plus importante, il est nécessaire d’avoir des outils très efficaces. Mais l’homme n’est pas le seul à avoir ce genre de problématique : nombreuses sont les espèces qui doivent creuser la terre ou être capable de découper des végétaux. De plus, leurs mécanismes, éprouvés par des millions d’années d’évolution sont redoutablement efficaces. Et une fois de plus, le biomimétisme a de quoi nous surprendre par sa richesse ! Lorsqu’il s’agit de creuser la terre, le blaireau est un exemple fascinant ! Cet animal peut déplacer jusqu’à 40 tonnes de terre au cours de sa vie pour aménager son terrier, qui peut atteindre une superficie de 2000m2 ! Des chercheurs chinois se sont intéressés à la griffe du blaireau afin de développer une nouvelle dent de roue de labour pour l’agriculture. En reproduisant la forme de la griffe sur les dents, on améliore grandement l’efficacité de l’outil, en termes de force à appliquer et d’usure lors du labour : un bel exemple de biomimétisme ! Une des autres problématiques en agriculture est la découpe des végétaux lors de la récolte ou de la taille. Et encore une fois, la nature a beaucoup à nous apprendre sur ce point. Les feuilles de végétaux, comme la feuille de Canna par exemple, doivent être toujours propres afin que la plante réalise au mieux la photosynthèse. Pour ce faire, les feuilles présentent une micro-texture de surface permettant de fortement réduire l’adhésion des différentes particules. En s'inspirant de cette micro-texture, le biomimétisme a pu développer des lames de sécateurs beaucoup plus résistants à l’usure ! L’eau, une ressource essentielle mais précieuse On le sait tous, pour pousser les plantes ont besoin en majorité d’eau et de soleil (les plantes sont composées à 95 % d’eau). L’accès à l’eau et sa collecte ont toujours été des enjeux cruciaux en agriculture, d’autant plus aujourd’hui avec les nombreuses problématiques liées à l'approvisionnement en eau. Mais encore une fois, la nature peut nous inspirer ! En effet, de nombreuses espèces vivent dans des conditions désertiques où la moindre trace d’humidité, même dans l'air, doit être valorisée et captée. C’est notamment le cas du scarabée du désert (Onymacris unguicularis), vivant dans le désert de Namibie, réputé pour sa capacité à boire le brouillard ! Comment réalise-t-il cette prouesse ? Ses élytres (constituants de sa carapace) possèdent des rugosités qui permettent de condenser l’eau présente dans le l’air et la guider jusqu’à sa bouche. En biomimétisme, on peut s’inspirer de cette structure en agriculture pour développer une grille, qui présente ce type de rugosité et des surfaces hydrophobe et hydrophile, permettant de collecter l’eau présente dans l’air. Ce type de grille permet de collecter jusqu’à 11 L d’eau par m2 ! Engrais et pesticides ? Pas forcément néfastes… Lorsque l’on aborde le sujet de l’agriculture, d’autant plus dans le contexte actuel, il vient assez rapidement le thème des engrais et/ou pesticides. En effet, avec une demande croissante, il faut être efficace dans les cultures. C’est le but des engrais qui stimulent la croissance des végétaux en apportant des éléments nutritifs en plus aux végétaux. Pour éviter les pertes, il faut que les cultures soient résistantes face à des organismes nuisibles (végétaux, insectes…). Il est vrai que lorsque l’on traite des pesticides ou des engrais pour l’agriculture, on a généralement une vision très négative. On pense à des grandes firmes phytosanitaires qui commercialisent des produits aux effets néfastes, que ce soit pour les agriculteurs ou pour l'environnement. Cependant, dans la nature, les végétaux doivent aussi lutter face à d’autres organismes nuisibles et ont développé des mécanismes de défense très efficaces et respectueux de l’environnement. Par exemple, l’entreprise turque Nanomik Biotechnology a développé une solution de fongicides et d’insecticides 100 % naturelle. Comment ? Certaines plantes, comme l’origan ou l’eucalyptus, lorsqu'elles sont attaquées par des champignons, produisent des composés qui sont capables de détruire les membranes des cellules des champignons. Ils ont développé un procédé d’encapsulation de ces composés, qu’ils répandent ensuite sur l’ensemble des cultures. Lorsque des champignons se développent à la surface des végétaux, les composés sont libérés et détruisent les cellules fongiques ! Sur les sujets des engrais agricoles, l’activité des sols et la décomposition des substances organiques permet dans la nature un apport suffisant en nutriments pour les végétaux. Parmi les éléments du sol, un est particulièrement important : les champignons mycorhiziens. Ces champignons forment une symbiose avec les plantes : elles lui apportent des sucres obtenues via la photosynthèse et les champignons transfèrent aux plantes des minéraux issus du sol, très importants pour le développement des végétaux. C’est ce procédé que développe l’entreprise française Mycophyto, en réintroduisant dans les champs ces champignons, en remplacement des engrais traditionnels ! Vive la diversité ! Lorsque l’on parle d’agriculture aujourd’hui, on visualise des immenses champs en monocultures, dans lesquels des plants identiques se succèdent à perte de vue. Cependant, cette forme si bien rangée et ordonnée n’est pas du tout naturelle ! Dans n’importe quel écosystème naturel, le mot clé est le suivant : Diversité. En effet, cette diversité est nécessaire à la résilience du milieu et à sa bonne survie. Un milieu pauvre en biodiversité sera très fragile en cas d’attaque d’un prédateur ou d’une menace extérieure. Comment s’inspirer de la résilience de la biodiversité pour une meilleure agriculture ? Si différentes espèces sont cultivées de façon alternée, chaque parasite (spécifique) n’aura qu’une portée limitée, ce qui permettra au système de se régénérer. En étant dépendant d’une seule culture, on s’expose à de grands dommages potentiels. Un exemple frappant est la grande famine irlandaise au XIXème siècle due à l’épidémie de mildiou qui décima les cultures de pomme de terre ! Et le désastre de ces monocultures pour le reste du vivant n’a même pas encore été mentionné : environnement pauvre en diversité et donc peu capable de fournir habitat et nourriture à différentes espèces un usage des pesticides démultiplié pour palier aux fragilités du système des populations humaines dépendantes de l’import et de l’export, car ne produisant plus localement leur consommation Mais alors, pourquoi continuer comme ça ? A cette question, la réponse est souvent économique : ce système serait le plus efficace, avec une productivité agricole maximale. Cependant, de nombreux modèles nous prouvent aujourd’hui que ce n’est pas toujours le cas, et qu’une agriculture plus résiliente est possible, et celà notamment grâce au biomimétisme ! C’est l’objectif que s’est fixé le Land Institute. Cet institut américain a cherché à concevoir une communauté végétale qui fonctionne comme une prairie (système autonome et résilient) mais qui permet d’avoir des rendements suffisants pour mériter d’être cultivé. Après de nombreuses expérimentations, ils ont obtenus une communauté de 8 espèces, persistantes tout au long de l’année qui permet d’avoir des rendements comparables voire meilleurs que les cultures classiques. Le tout sans utiliser d’engrais ou de pesticides ! L’objectif est de s’inspirer de ce modèle afin de concevoir pour chaque lieu la meilleure communauté végétale en fonction de ses spécificités. Pour en savoir plus, vous pouvez lire le livre Biomimétisme - quand la nature inspire des innovations durables, écrit par Janine Benyus, dont nous vous parlions déjà dans cet article.

  • Biomimétisme & exemples : algorithmes bio-inspirés

    Fruit de l’informatique et de la technologie, les algorithmes sont omniprésents dans nos vies. Qui croirait que le vivant pourrait nous aider à les concevoir ? Et pourtant, le biomimétisme regorge d’exemples d’algorithmes inspirés du vivant. Suivez-nous à la découverte des exemples d’algorithmes en biomimétisme ! Qu’est-ce qu’un algorithme ? Définition et origine Un algorithme est une suite d’instructions. C’est une méthode qui permet de résoudre un type de problème. Par exemple, la suite d’instructions qui permet de résoudre un Rubik’s Cube est un algorithme ! Le nom "algorithme" vient du nom du mathématicien persan Al-Khwârizmi, qui en a établi une classification au IXème siècle. Mais les plus vieux exemples d’algorithmes sont bien plus anciens ! Par exemple l’algorithme d’Euclide, qui permet de facilement calculer le plus grand diviseur commun de deux nombres entiers, est daté de la Grèce antique. Les algorithmes aujourd'hui Les algorithmes sont partout aujourd'hui, et il en existe de toutes sortes ! D’Internet à l’intelligence artificielle en passant par le traitement de données et le big data, tout vient des algorithmes. On peut par exemple citer le chiffrement RSA, un algorithme de cryptographie très utilisé pour coder et échanger des données confidentielles sur Internet. Et les algorithmes sont utilisés pour résoudre de plus en plus de problèmes. Par exemple, le contenu proposé par les réseaux sociaux est calibré par des algorithmes, pour le faire correspondre aux attentes des utilisateurs. Pour des problèmes complexes, comme l’évitement d’obstacles par des véhicules, la fonction de ces algorithmes est souvent de rechercher une bonne solution dans un temps suffisamment court. En effet, la solution rigoureusement exacte prendrait trop de temps pour être calculée, à cause des nombreux facteurs impliqués de façon complexe. Ainsi, on va vouloir trouver un chemin qui évite tous les obstacles, mais aussi suffisamment vite pour que le véhicule puisse le suivre en temps direct ! On appelle ce genre d'algorithmes qui recherchent une approximation des heuristiques. Ils sont très pertinents par exemple pour du pilotage automatique de drones ! Les algorithmes bio-inspirés Beaucoup d’efforts sont aujourd’hui dirigés vers l’amélioration des algorithmes. Améliorer un algorithme peut se faire de plusieurs manières : on peut par exemple réduire le temps nécessaire à son exécution, ce qui permet de trouver une solution en économisant de l’énergie et des ressources. Il est également possible d’améliorer les performances d’un algorithme, pour obtenir de meilleurs résultats. Par exemple, pour concevoir de meilleurs réseaux d’énergie. En la matière, le biomimétisme est un levier d’innovation surprenant mais extrêmement efficace ! On peut s’inspirer d’un mécanisme biologique ou du comportement individuel d’un être vivant pour concevoir un algorithme. Le cerveau humain est un exemple notable : nos neurones sont amenés à résoudre quantité de problèmes d’optimisation en des temps très courts ! Mais on peut aussi s’inspirer du comportement de populations animales et/ou végétales, voire d’un écosystème entier ! Les exemples de biomimétisme appliqué aux algorithmes sont légion. S’inspirer des comportements individuels et des mécanismes du vivant Le comportement individuel d’un être vivant (recherche de nourriture par exemple), peut être assimilé à un algorithme. Il en va de même pour certains mécanismes biologiques (analyse de signaux visuels, organisation du système immunitaire, etc.). Partant de ce constat, de nombreux algorithmes bioinspirés ont déjà vu le jour. Ces algorithmes sont par exemple appliqués à la cybersécurité. Explorons ensemble deux exemples, inspirés du blob et du cerveau humain. Le blob : une seule cellule, mais plus d’une corde à son réseau Le blob est un organisme unicellulaire (donc composé d’une seule cellule !). Ce n’est ni un animal, ni un végétal, ni un champignon : c’est ce qu’on appelle un myxomycète. Pour trouver sa nourriture, il crée des réseaux particulièrement ingénieux. En effet, il est vital pour lui de minimiser l’énergie déployée. Le blob parvient à relier différentes sources de nourriture avec des chemins redondants, ce qui permet au blob d’assurer son approvisionnement même si certains sont rompus. Par ailleurs, il arrive à ne pas créer trop de redondances, ce qui limite l’énergie qu’il dépense ! Le blob : un organisme unicellulaire aux réseaux ingénieux On peut ainsi s’inspirer du comportement du blob pour créer des algorithmes en biomimétisme, qui vont permettre la redondance des réseaux. En effet, les réseaux, par exemple routiers, électriques, ferroviaires, doivent permettre de relier des points de façon résiliente (résistante aux ruptures), en limitant la longueur totale nécessaire pour le faire. Des chercheurs ont montré que des réseaux créés par ces algorithmes inspirés du blob sont plus résilients grâce à cette redondance ! Ces modèles de réseaux plus fiables peuvent être appliqués dans de nombreux cas, par exemple à des réseaux urbains comme la collecte de déchets. Notre cortex visuel : un modèle pour les algorithmes Le cerveau humain possède des capacités incroyables de traitement d’image. Nous sommes en effet capables d’identifier très rapidement ce qui entre dans notre champ de vision. Pour cela, notre cerveau met en place un système de perception particulièrement astucieux : il génère, et corrige en permanence, une image mentale de notre environnement. Quand on ferme nos yeux, on visualise encore mentalement l’environnement qui nous entoure ! C’est ce qu’on appelle le fonctionnement prédictif du cerveau, ou encore le Predictive Coding. Pour comprendre ce qu’il se passe, on peut représenter le chemin neuronal entre notre œil et notre cerveau comme une succession de blocs, qui va de la rétine au cortex. Chaque bloc reconnaît un certain type de contenu : l’un va ajouter la reconnaissance des formes, un autre celle des couleurs, et un des derniers blocs celle des visages. Et chaque bloc conserve la dernière perception qu’il reçoit en attendant la prochaine, et s’en sert pour prévoir ce que les autres blocs ont perçu. Les erreurs de prédiction des blocs leur sont alors transmises. Organisation du cortex visuel : les prédictions sont transmises par les flèches oranges, et les erreurs de prédiction par les flèches grises Notre cerveau est ainsi extrêmement réactif pour détecter les anomalies. Un changement de couleur ? Pas besoin d’analyser l’image en détail pour le détecter ! En s’inspirant de ce principe, on peut générer des algorithmes de traitement d’image sous forme de réseaux de neurones, qui reproduisent une structure en chaîne de blocs. Ces algorithmes sont aujourd’hui la référence dans le domaine de la reconnaissance d’image en temps réel. En effet, le fonctionnement par chaîne de blocs est particulièrement adapté au traitement rapide d’un flux vidéo. Ces algorithmes ont donc de très belles applications dans la gestion des véhicules autonomes, avec par exemple des problématiques d’analyse de l’environnement et de détection des obstacles. Et il existe beaucoup d’autres exemples d’algorithmes de traitement de l’information bio-inspirés en biomimétisme ! S’inspirer des comportements des populations et des écosystèmes Les comportements de populations, animales ou végétales, sont aussi une excellente source d’inspiration ! En effet, les groupes d’animaux sociaux, par exemple, ont des organisations particulières, et sont régis par des règles complexes. Cela inspire des méthodes de recherche de solution pour des algorithmes. Algorithmes inspirés des comportements de groupe de certaines espèces animales La stratégie de chasse des loups gris a ainsi inspiré l’algorithme dit “Grey Wolf Optimizer” (GWO). Cet algorithme s’inspire de la répartition des rôles dans une meute de loups, et des mécanismes de chasse que la meute met en œuvre. Les loups sont répartis dans une meute selon 3 rôles : le mâle et la femelle dominants sont les alphas. Ce sont eux qui mènent la chasse. Leurs premiers subordonnés sont les bêtas. Ils participent à la chasse, sous les ordres des alphas. Enfin, les autres loups sont les omégas et ne participent pas à la chasse. L'algorithme GWO représente la solution recherchée comme la proie, la meilleure solution à l’essai comme un loup alpha, les deux solutions suivantes comme des loups bêtas et les autres solutions comme des omégas. La chasse des loups commence par une phase de traque. Pour cela, ils s’éloignent les uns des autres. Lorsque la proie est repérée, ils convergent alors pour l’encercler : c’est la phase d’encerclement. C’est exactement ce que fait l’algorithme GWO ! Cela définit un ensemble de solutions restreint pour les évaluer. La traque est guidée principalement par les alphas, avec l’aide des bêtas. Les loups convergent ensuite vers la meilleure solution, qui prend la place de l’alpha si elle s’avère meilleure. Après plusieurs essais, cet algorithme converge vers une très bonne solution. L’algorithme GWO permet donc de trouver une excellente solution en explorant les solutions possibles de manière ingénieuse : l’algorithme n’explore qu’un nombre limité de solutions, et résout donc le problème en un temps raisonnable. Cet algorithme a notamment été appliqué à la gestion de smart grids électriques, car il permettait de trouver de meilleures solutions que les algorithmes classiques, avec un temps de calcul raisonnable. Encore un exemple de coup de force du biomimétisme ! Une meute de loups chassant un bison : phase d'encerclement Conclusion Les algorithmes représentent aujourd’hui près de 10 % de l’ensemble de la recherche en biomimétisme ! Les algorithmes bio-inspirés trouvent des applications dans tous les domaines : de l’ingénierie au transport en passant par l’urbanisme et l’énergie. Que ce soit en s’inspirant des mécanismes ou des comportements du vivant, le nombre de possibilités est très élevé. Il existe encore d’autres catégories, comme celle des algorithmes évolutionnistes inspirés de l’évolution du vivant. Étant donné les besoins actuels en algorithmes, et le potentiel du biomimétisme dans ce domaine, il est certain que le nombre d’algorithmes bio-inspirés n’a pas fini de croître ! Sources Blob | Muséum national d'Histoire naturelle How predictive coding is changing our understanding of the brain - MIND Foundation A review on genetic algorithm: past, present, and future Article scientifique : Grey Wolf Optimizer

  • Le cactus : une solution pour faire face à l'épineuse question du réchauffement climatique ?

    Le cactus fascine par son allure et par ses capacités inédites de survie aux chaleurs extrêmes. Menacé par les activités de l'Homme, le cactus offre pourtant de riches enseignements pour penser les villes et bâtiments de demain, dans un contexte de réchauffement climatique. Cactus : du culte ancestral, à l'ornement victime de son succès planétaire Il existe plus de 1500 espèces de cactus. On en trouve de toutes les formes et tailles : cylindrés, sphériques, en forme de raquette, grands ou petits. Avec ses pics et son allure parfois incongrue, le cactus n'a pas toujours connu le même succès planétaire qu'aujourd'hui.  Jusqu’au 16e siècle, il n’avait ainsi été apprivoisé que par quelques tribus et chamans des civilisations amérindiennes, lui prêtant de singulières vertus médicinales et spirituelles.   Avec les grands explorateurs et les caravelles de Christophe Colomb, le cactus s'est exporté en Europe avant de s'imposer progressivement comme plante décorative dans nos logements. Son succès est aujourd'hui international et suscite même la convoitise des collectionneurs asiatiques et européens. Malheureusement, il subit aujourd’hui une pression touristique, démographique et économique accrue, exercée sur son habitat, par exemple dans le Salar d’Uyuni en Bolivie. Aujourd'hui, le cactus est en proie au commerce illégal, tant la demande a explosé ces dernières années. Indispensable à l’équilibre de la biodiversité des milieux arides, le cactus est désormais en danger : près d’un tiers de ses espèces sont aujourd’hui menacées d’extinction (d’après le Cactus and Succulent Specialist Group, commission dédiée de l’IUCN). Le cactus : une plante résistante, à l'épreuve des milieux les plus inhospitaliers. Les cactus poussent dans les régions arides du globe : les Amériques, le pourtour méditerranéen, le Sahara et l'Australie. Pour survivre aux conditions parfois extrêmes de leur habitat, ils déploient plusieurs stratégies. Pour faire face aux longues périodes de sécheresse, les cactus gorgent leurs tissus et stockent une grande quantité d'un suc à haute teneur en eau. Ce mécanisme de stockage, partagé avec le reste des plantes grasses, témoigne du génie de l’évolution végétale. Le métabolisme du cactus est particulier : contrairement à la plupart des plantes, il absorbe le CO2 pendant la nuit, et non le jour. Une fois le soleil couché, la température baisse et le taux d'humidité augmente. Le cactus ouvre alors ses stomates, qui sont des pores de surface. Il emmagasine ainsi la fraîcheur et le CO2 environnants. Le jour, il referme ses stomates pour éviter l'évapotranspiration (perte d'eau). Avec le retour des rayons lumineux, la magie opère : le CO2 stocké est transformé en sucres, alimentant eux même le suc de la plante ! Le cactus dispose également d’une anatomie savamment mise au service de sa thermorégulation. Le sommet, plus large, ainsi que les ondulations de son enveloppe, permettent de générer un maximum d’ombre tout au long de la journée. Ses épines, courtes et fines, minimisent aussi la surface exposée au soleil et la quantité d’énergie nécessaire au travail de photosynthèse. Elles permettent d'éviter les pertes de chaleur, et capturent aussi les molécules d'eau présentent dans l'air. Cactus et biomimétisme : inspirer l'architecture du futur ? Outre son aspect esthétique particulier, le cactus est un concentré d'enseignements pour trouver des solutions aux grandes chaleurs et à la sécheresse. Car à l'heure du réchauffement climatique, la thermorégulation et l'isolation des structures sera un défi essentiel, notamment dans les zones urbaines. Grâce au biomimétisme, le cactus pourra inspirer les architectes ou ingénieurs du domaine de la construction pour penser les villes et bâtiments du futur. En voici deux exemples parlants : À Doha au Qatar, le projet de construction du nouveau siège du Ministère des Affaires Municipales et de l'Agriculture fait appel au cactus pour améliorer la thermorégulation du bâtiment. La tour est couverte de brise-soleil pilotés, qui reproduisent l’ouverture et la fermeture des stomates du cactus, pour réguler la température intérieure au fil de la journée, notamment le soir, et ainsi réduire la consommation énergétique du bâtiment. Des chercheurs de l'université de Harvard ont également mis en évidence la capacité des épines du cactus à capturer l'eau atmosphérique. Ils se sont en partie inspiré de la forme conique de l'épine pour façonner un matériau capable de capter les moindres vapeurs d’eau dans les zones soumises à un dangereux stress hydrique. Une technologie qui pourrait équiper les bâtiments dans certaines régions arides du globe et diversifier l'approvisionnement en eau des habitations. Le biomimétisme semble ainsi tout droit désigné pour nous aider à s'inspirer du génie de cette plante, plutôt que de la surexploiter, afin de créer des technologies durables et intelligentes. Découvrez d'autres exemples d'architecture biomimétique !

  • Frères Montgolfier et araignée : la maîtrise de l'air appliquée

    Voler est l’un des plus grands fantasmes humains. Les frères Montgolfier en sont les pionniers : comparaison entre le plus connu des aérostats et les techniques d’envol remarquables du monde vivant. Frères Montgolfier : L’humain, conquérant des airs ? Les frères Montgolfier étaient passionnés par l’idée de faire voler un ballon grâce au phénomène de convection de l’air. En 1783, un coq, un canard et un mouton embarquent à Versailles, dans le premier vol de montgolfière transportant des êtres vivants : une ascension historique de 480 mètres pour atteindre  Vaucresson, à 7 kilomètres de là, en moins de 8 minutes ! Par la suite, le roi Louis XVI autorisa l'envol du premier humain. Les Frères Montgolfier n’embarqueront jamais, tenant la promesse faite à leur père, qui redoutait qu’un accident. Complexes à gonfler, il arrivait fréquemment que les montgolfières s’enflamment... En octobre 1783, Jean-François Pilâtre de Rozier, premier aéronaute au monde, s’élève pour une quinzaine de minutes. L’euphorie ne quitta plus le scientifique qui multiplia les vols jusqu’à sa mort lors d'un feu accidentel de montgolfière. Frères Montgolfier : Et s’ils avaient observé les araignées ? Si les Frères Montgolfier ont inauguré les airs, l’Homme a poursuivi son exploration, en partie grâce à la nature. Cette dernière continue à relever des défis qui stimulent encore et toujours l’ambition de nos pairs. En 2018, l’équipe allemande de Moonsung Cho étudie le phénomène du “ballooning” chez les araignées, étrange rappel de l’invention des Frères Montgolfier. L’araignée crabe, de la famille des Xysticus, produit de longs fils de soie (entre 2 et 4,5 mètres) lui permettant de voler sur des centaines de kilomètres, et de s’élever sur 5 km d’altitude : plus haut et plus loin que les Frères Montgolfier ! En premier lieu, l’araignée se dresse sur un point élevé, et lève une patte. Elle lui permettra d’estimer la température, la vitesse mais également les conditions relatives au champ électrique atmosphérique. Les araignées ne voleraient pas uniquement grâce au vent mais utiliseraient également les courants électriques ! Cette théorie développée par des chercheurs de Bristol, répond aux incohérences du vol basé uniquement sur les courants d’air. Ainsi, le vent n’explique pas comment les fils de soie conservent leur disposition en éventail ou comment l’insecte s’envole à grande vitesse, peu importe les conditions. Les Frères Montgolfier auraient-ils pu optimiser leur invention avec ce savoir-faire ? La Nature : un laboratoire à ciel ouvert S’il est difficile de dater le phénomène du ballooning, nous pouvons imaginer les Frères Montgolfier observant avec surprise une jeune araignée suspendue à ses fils de soie : voyage initiatique loin du cocon familial pour elle, et preuve de la connaissance inhérente à la nature qu’il nous suffirait d’étudier pour s’envoler !

  • Bioluminescence : quand le biomimétisme éclaire notre futur

    Qu’est-ce que la bioluminescence ? Est-ce une solution pour un éclairage bio-inspiré et durable ? Découvrez les technologies novatrices inspirées de la bioluminescence et qui éclaireront peut-être notre futur. Bioluminescence : comment fonctionne l'éclairage dans le vivant La bioluminescence est la production de lumière par le monde vivant. Dans des écosystèmes complexes, certaines espèces communiquent, leurrent leurs prédateurs, ou encore attirent leurs proies grâce à cette faculté. Le fonctionnement est simple : une réaction chimique (l’oxydation de la luciférine, en présence de luciférase) dans des cellules spécifiques produit de la lumière. Ce phénomène est surtout répandu en milieu marin où 76% des organismes sont bioluminescents. Sur terre, certaines espèces en sont également capables, comme les vers luisants et lucioles (Lampyridae), qui l’utilisent pour se reproduire. La bioluminescence fait ses preuves dans le domaine de la santé La bioluminescence génère des innovations encore balbutiantes, mais pas moins prometteuses. Dans le domaine de la médecine, ce phénomène biologique a déjà inspiré des techniques efficaces d’imagerie du cerveau et des tumeurs cancéreuses. En agroalimentaire, l’hygiène du matériel peut être contrôlée particulièrement efficacement, les bactéries (indésirables) produisant un composé nécessaire à la bioluminescence. A leur mise en contact avec un mélange de luciférine et de luciférase, les zones contaminées se mettent à briller ! La présence de microorganismes dans l’eau, indicateur de sa qualité sanitaire, pourrait être évaluée par ce même biomimétisme despropriétés de la nature. Des processus longs et coûteux seraient ainsi remplacés par des techniques d’une élégante simplicité et efficacité. Bioluminescence : une solution durable pour l’éclairage de demain ? En France, l’éclairage utilise près de 12% de l’électricité produite. La bioluminescence pourrait cependant constituer une voie alternative à notre éclairage électrique classique. Cette prouesse est rendue possible grâce à la biotechnologie, un domaine de recherche lié de près au biomimétisme. Des chercheurs ont réussi à introduire les gènes de la bioluminescence dans des plantes, qui s’éclairent naturellement. Ce concept est déjà développé et commercialisé par plusieurs startups, en France et aux Etats-Unis. Une jeune entreprise française a aussi relevé le pari de concevoir des lampes en forme de capsules qui contiennent un milieu de culture de bactéries émettrices de lumière. Annoncées en 2017, ces lampes, d’une autonomie de 6 mois, pourraient remplacer une partie de la signalétique urbaine et permettraient de réaliser de belles économies d'énergie. Le coût et la supply chain, pour le moment, demeurent les principaux challenges.  La bioluminescence et les les innovations disruptives qu’elle inspire peuvent ainsi éclairer la voie vers un monde plus durable, où l’Homme s’intègre à un environnement qu’il respecte et protège pour le bien commun.

  • Le petit rongeur : un mammifère inspirant !

    Le petit rongeur (comme la souris, le mulot, le castor ou l’écureuil) est un mammifère d’une grande ingéniosité. Il a inspiré des applications biomimétiques touchant à des domaines très variés ! Mécanismes de protection, recherche optimisée, détection de pointe : quelles perspectives offre cet animal pour demain ? Petit rongeur 1 : le castor, un modèle pour la fabrication de textiles Le castor est un petit rongeur très riche en inspiration biomimétique. La fourrure de cet animal lui permet de rester au chaud et au sec, malgré ses nombreux plongeons en eau froide. Comment procède-t-il ? La fourrure de notre petit rongeur capture l’air lorsqu'il plonge sous l’eau. Deux paramètres influencent la quantité d’air emprisonnée par la surface de son corps : l’espace entre les poils et la vitesse du plongeon. Des chercheurs du MIT ont conçu un matériau bio-inspiré, reproduisant la structure de la fourrure du castor. Ces chercheurs ont donc fabriqué un caoutchouc moulé découpé au laser pour reproduire les milliers de poils du petit rongeur, à la distance souhaitée. Ils ont également construit un modèle mathématique complexe afin de calculer le meilleur ajustement de ces paramètres. Ce caoutchouc permettrait à l’utilisateur, tel qu’un surfer par exemple, de rester au chaud et au sec dans une combinaison étanche et isolante directement inspirée de la stratégie d’emprisonnement d'air du castor. Ce modèle a également pu établir les conditions opératoires de pose de revêtements en industrie, dans le but contraire : ne pas capturer d’air autour de la surface concernée. Ainsi, la simple observation de la fourrure d'un petit rongeur permet d’envisager de nouvelles perspectives en matière de textile, et de trouver des applications jusqu’aux revêtements dans les industries. Petit rongeur 2 : les souris et leur moustache ultrasensible, une stratégie originale Le petit rongeur comme la souris a une stratégie pleine de sens pour détecter son environnement : en déplaçant sa moustache de façon rythmique sur une surface. Celle-ci est en effet équipée d’un système somatosensoriel qui permet à ce petit rongeur d’acquérir des informations sensorielles complexes et fiables sur son environnement. Elle vibre à une certaine fréquence, et cette fréquence est modifiée au contact d’un objet. Cette modification permet à la souris de connaître précisément la forme et la matière de l’objet. En s’inspirant de la moustache de la souris des chercheurs ont développé un capteur ultra-performant vibrant à des fréquences variables afin de détecter son environnement. N'est-ce pas fascinant ? Petit rongeur 3 : la méthode de recherche de nourriture optimisée signée l'écureuil volant ! Le petit rongeur le plus efficace dans sa recherche de nourriture est … l’écureuil volant ! Ses méthodes de recherche de nourriture ont même inspiré des algorithmes d’optimisation ! Voici très exactement sa stratégie : il recherche de la nourriture en volant d’arbre en arbre, ce qui lui permet de couvrir une grande zone de la forêt. Cette recherche a lieu au cours de l’automne, période durant laquelle les températures sont encore confortables pour lui. Il lui suffit donc de se nourrir de glands, présents en abondance, pour subvenir aux besoins de sa journée. Une fois repu, il recherche une nourriture optimale pour l’hiver : les noix de caryer. Il stocke ces dernières à des endroits stratégiques afin de ne pas devoir lancer un nouveau processus de recherche quand l’hiver arrivera. L’algorithme modélisant cette recherche est un algorithme d’optimisation très performant. Il converge vers la solution optimale plus rapidement que les algorithmes d’optimisation classiques (Particle Swarm Optimisation, Artificial Bee Colony, Bat Algorithm, Firefly algorithm). Il a été utilisé notamment pour contrôler la température d’expérience de flux thermique (HFE). Le petit rongeur est donc une source d’inspiration extrêmement riche. Il permet d’innover et de penser des technologies toujours plus performantes et économes. Des capteurs inspirés de sa moustache, des textiles inspirés de sa fourrure et enfin un algorithme inspiré de ses méthodes de recherche, voilà trois technologies biomimétiques parmi tant d’autres qu’il reste encore à découvrir !

  • Les espèces d’aigle dans le monde : préservation, symbolisme et biomimétisme

    Chaque espèce d’aigle présente des aptitudes inédites pour la prédation. Fleurons de technologie, nombre d’entre elles sont pourtant, de même que le célèbre panda géant, en voie de disparition. Qu’en est-il de la préservation de l’habitat et de l’environnement des différentes espèces d’aigle, en France et ailleurs ? Les espèces d’aigle les plus connues et leur statut Il en existe près de 60 sur Terre, réparties sur tous les continents, exception faite de l’Antarctique. La plus connue d’entre elles est certainement la pygargue à tête blanche ou “Bald Eagle” en anglais, l’emblème américain. Très présente au début du XXè siècle, elle est pourtant portée sur la liste rouge de l’UICN en tant que préoccupation majeure au milieu du siècle. Cette espèce d’aigle retrouve une certaine ampleur grâce à des réglementations sur le sol américain, jusqu’à être considérée comme préoccupation mineure sur cette fameuse liste en 2007. Plus proche de nous, la circaète Jean-Le-Blanc se retrouve sur tout le pourtour méditerranéen et est protégée en France. Cette espèce d’aigle se nourrit de reptiles. Elle chasse en vol stationnaire et ceux-ci peuvent atteindre 400m d’altitude. Elle fond alors sur sa proie grâce à sa vue perçante. De même que sa cousine outre-atlantique, la circaète est une espèce d’aigle qui se trouve sur la liste rouge de l’UICN dans la catégorie “préoccupation mineure” qu’elle a rejoint grâce à une forte réglementation. L’aigle royal, chassé, empoisonné et envahi depuis près de deux siècles, retrouve avec peine un effectif stable ces dernières années. Depuis l’interdiction de l’utilisation du DDT, un pesticide qui fragilise la coquille des oisillons et perturbe la reproduction, la population a recommencé à croître. Malgré tout, cette espèce d’aigle a un statut de conservation toujours considéré comme “défavorable”. Ce bilan peut se généraliser à toutes les espèces d'aigles moins connues. Elles sont considérées comme à la pointe de la chaîne alimentaire. Pourtant, victimes de saturnisme, de chasse ou encore de destruction de leur habitat, certaines pourraient bien disparaître. Le bald eagle, l’aigle royal : les espèces d’aigle comme symbole de puissance Le “bald eagle” américain est une des espèces d’aigle qu’on ne présente plus, symbole de suprématie et emblème du pays, sa puissance nous vient de l’Antiquité, et elle est l’une des rares à avoir été sortie (en 2007) de la liste des espèces en voie de disparition. (lien). De tout temps, outre-Atlantique comme sur le Vieux Continent et ailleurs, nombreuses sont les espèces d’aigle employées comme symbole céleste, de solaire, mais aussi de supériorité et de conquête. De Jules César à Napoléon, les grands conquérants ont souvent utilisé l’aigle comme marqueur de puissance. Peut-être que c’est ce qui fragilisé ces espèces d’aigle pendant un temps : elles fascinent autant qu’elles attirent, comme trophée ou bien comme animal de chasse. A nous d’utiliser cette symbolique pour les rétablir plutôt que les acculer. Point commun à toutes les espèces d’aigle : une inspiration biomimétique Chaque espèce d’aigle est unique en son genre : que ce soit par sa couleur, ses caractéristiques physiologiques ou encore sa zone géographique. Chacune a pourtant des propriétés d’aérodynamisme hors pair, qui ont abouti au développement d’une technologie bio-inspirée parmi les plus connues : le système de winglets, qui redirige les turbulences en bout d’ailes sous forme de vortex et freine un peu moins l’avion. Ce dispositif permet donc de limiter la traînée de l’avion, tout en garantissant la portance de l’aile, ce qui accroît le rendement du moteur et diminue donc la consommation de carburant. L’acuité visuelle sans précédent des différentes espèces d’aigle est étudiée par certains universitaires, notamment à l’université de Beijing pour développer une caméra du futur basée sur le système de la fovéa qui procure à ces rapaces leur oeil si perçant. Il s’agirait de monter un système de deux caméras différenciantes : l’une à champ large et l’autre à champ étroit, permettant un focus spécifique en fonction des zones d’intérêt. Fait bien plus étonnant, leur mode de chasse est étudié pour une transposition biomimétique hors du commun : une stratégie d’optimisation algorithmique à l’efficacité accrue. Nous pouvons donc apprendre beaucoup de toutes ces espèces d’aigle : leur disparition ne serait pas seulement une menace pour la biodiversité, mais aussi une grande perte scientifique et technologique.

  • Chouette Effraie & Biomimétisme : inventer un monde de silence ?

    La chouette effraie est un redoutable prédateur. Son secret ? Une furtivité à toute épreuve. Une source d'inspiration utile pour de nombreux industriels et chercheurs qui, grâce au biomimétisme, tentent de rendre notre quotidien plus silencieux ! Chouette effraie : une discrétion à toute épreuve La chouette effraie, aussi appelée effraie des clochers ou dame blanche, peuple la quasi-totalité des continents. Cet oiseau, dont l'envergure dépasse facilement le mètre, vit dans les campagnes et les bocages et passe ses journées assoupi dans des granges et greniers. Mais une fois la nuit tombée, il se transforme en formidable prédateur. Grâce à son ouïe extrêmement sensible, la chouette effraie peut repérer le bruissement d’une musaraigne dans la nuit noire et établir une carte auditive pour localiser finement la provenance du son. Elle s'élance alors à plus de 30km/h, sans aucun bruit. Au terme d'un fulgurant piqué, elle surprend sa proie et la capture. Pourquoi un tel succès ? Sa proie ne l'a même pas repérée, car la chouette effraie est l'oiseau le plus silencieux au monde. Chouette effraie et furtivité : une histoire de plumes ! Lorsqu'un oiseau vole, ses ailes créent un flux d'air turbulent, qui s'agite et tourbillonne sur son passage. C'est de ce frottement agité que provient le bruit. Le silence de la chouette s’explique par la structure unique de ses plumes. Le bord d'attaque de la plume est équipé d'un peigne rigide, qui canalise le flux d'air entrant. Ensuite, celui-ci est dirigé vers un revêtement particulier, un duvet intriqué, qui absorbe les turbulences. Enfin, le bord de fuite se présente sous forme de frange flexible et poseuse pour adoucir également les turbulences. Cette structure ingénieuse, méticuleusement observée au microscope, réduit drastiquement le bruit en le dispersant et en l'absorbant. C'est donc grâce à son anatomie que la chouette est capable de voler dans la plus grande discrétion, sans alerter ses proies. Un vol gracieux et furtif, comme le montre cette vidéo. La chouette effraie inspirera-t-elle des technologies silencieuses ? À l'heure de la transition écologique, les éoliennes sont massivement déployées à travers le monde. Malheureusement, elles sont souvent "freinées" pour minimiser le bruit qu'elles génèrent et éviter les plaintes des riverains. La chouette et ses technologies embarquées pourront peut-être offrir une solution d'atténuation du bruit et des vibrations grâce au biomimétisme ? Des chercheurs de l’Université de Cambridge et de l'Université Virginia Tech ont ainsi cherché à développer des prototypes de pales d’éoliennes munies d’un revêtement inspiré des plumes des chouettes. Imprimé en 3D ce revêtement reproduit la structure en velours des plumes. Placé sur la pale, il canalise les flux d'air et atténue les turbulences. Le résultat est spectaculaire : les chercheurs ont démontré une réduction du bruit de l'ordre de 10dB (moitié moins), pour des performances aérodynamiques inchangées. Ces technologies ouvrent la voie vers des éoliennes plus silencieuses et plus rapides, offrant ainsi de plus grandes productions d'énergie. Les chercheurs indiquent que leur concept pourrait parfaitement être transposé à d'autres surfaces portantes et pales, appliquées ainsi à des ailes d'avions, des hélices d'hélicoptères, des pales de ventilateurs dans les maisons ou dans nos ordinateurs ! Preuve, une nouvelles fois, des étonnantes opportunités R&D offertes par la biomimétisme !

  • Économie Circulaire, biomimétisme et informatique

    L’économie circulaire est la norme dans la nature : tous les produits sont 100% recyclés. Les déchets n’existent pas au niveau des écosystèmes durables, les rejets du métabolisme d’un être vivant sont la nourriture d’un autre. Cela peut nous inspirer pour transformer nos modes de production vers une économie circulaire. Zéro déchet, la base pour la nature Il est souvent plus facile, du point de vue d’une entreprise vendant un produit, de ne pas s'inquiéter du devenir des déchets le long de la chaîne de production. Pourtant tout peut être mis à profit, c’est ce que fait la nature et ce qu’essaye de faire l’économie circulaire. En écologie, le concept de biocénose regroupe les êtres vivants, leurs organisations et leurs interactions dans un espace écologique donné. Ces systèmes sont extrêmement complexes, chaque espèce interagissant avec un grand nombre d’êtres vivants de son milieu, depuis les bactéries et champignons, jusqu’aux arbres. Une forêt est bien plus que la somme de ses habitants. Cela explique qu’il soit très rare que l’introduction d’une espèce dans un nouveau milieu se passe bien, la complexité des biocénoses les rendant quasi-impossible à appréhender dans leur intégralité. L’espèce ajoutée finit généralement soit par devenir invasive, et entraîner la diminution ou la disparition d’autres espèces du milieu, soit par ne pas s’adapter et disparaître du milieu. Les équilibres subtils des biocénoses sont le fruit de longues périodes d'expérimentation et d’évolution, et nous, humains, n’avons que peu de chances de réussir à créer des systèmes aussi complexes et auto-suffisants en quelques décennies. Ce que nous pouvons faire en revanche, par biomimétisme, c’est s’inspirer des méthodes qui ont été sélectionnées et fonctionnent sur le long terme pour concevoir nos propres systèmes de production. L’aspect zéro déchet est crucial dans l’économie circulaire car produire des éléments qui ne sont pas recyclés par d’autres membres de l’écosystème, c’est la certitude d'un système de plus en plus instable. La nature sait produire des matériaux avec des propriétés physiques remarquables, qui sont aussi recyclables. Dans les forêts, le bois est recyclé par des champignons qui ont des enzymes spécialisées capables de dégrader de longues chaînes carbonées. Si le principe des écosystèmes forestiers peut être une inspiration en soi pour concevoir des réseaux industriels, les méthodes concrètes employées sont elles aussi des outils puissants que nous pouvons mettre à profit. La lignine, qui donne sa solidité au bois, est faite de longues chaînes carbonées, ce qui est aussi le cas... du plastique ! Certains champignons sont ainsi capables de dégrader du plastique en matière comestible à faible coût énergétique. Viser une économie circulaire, se donner pour objectif de ne rien produire qui ne soit pas valorisable en fin de vie, et recycler autant que possible sont donc des enseignements que l’on peut tirer de la nature pour créer une société durable. L’économie circulaire, pour sortir du paradigme de l’économie linéaire La production linéaire, comme elle est principalement conçue et pratiquée actuellement, puise dans des stocks non-renouvelables ou ne se renouvelant pas assez vite et produit des déchets qui ne sont ni traités par l’économie, ni par les écosystèmes. Ce mode de production n’est pas durable, et n’existe pas dans la nature. L’économie circulaire vise à créer des réseaux de production interconnectés à tous les niveaux, plus proches des écosystèmes pour remplacer le modèle des chaînes de production avec une seule sortie. Pour concevoir de tels systèmes, il faut penser l’industrie dans sa globalité pour identifier les flux et les impacts environnementaux, et encourager la collaboration entre les acteurs économiques. On peut identifier quatre stratégies permettant de tendre vers cet idéal d’économie circulaire. Gérer les déchets en boucles fermées C’est notre première stratégie pour viser l’économie circulaire. Rien ne doit sortir des industries qui ne servent à d’autres acteurs. Cela passe par le recyclage et la valorisation des co-produits, points sur lesquels le biomimétisme peut apporter énormément d’idées pour aider à recycler des matériaux, valoriser les flux d’énergie et de matières de différents acteurs, et pour créer des éco-parcs industriels. Ces initiatives, comme celles qui suivent, permettent simultanément d’améliorer la rentabilité de l’activité et de réduire leur empreinte environnementale. Une façon de s’assurer de produire des déchets valorisables est de passer par la bio-production, qui utilise la chimie du vivant pour créer les matériaux plutôt que des méthodes basées sur la pétrochimie par exemple. On peut ainsi créer des alternatives non polluantes et biocompatibles. On peut citer le travail des chercheurs de l’Institut Pascal de Clermont-Ferrand et de l’IRSTEA qui ont développé une colle à partir de carapaces de crevettes et de champignons qui utilise des déchets agro-alimentaires et est elle-même biodégradable. Diminution des pertes On dit souvent dans le domaine du développement durable que le meilleur déchet est celui que l’on n’a jamais produit. L’éco-conception, un des piliers de l’économie circulaire, vise à réduire les besoins en matériaux et particulièrement en matériaux non renouvelables, ainsi que les déchets émis tout au long de la vie du produit. Dans la nature, on est avantagé si on n’a besoin que de ressources disponibles facilement et abondamment. De même, pouvoir survivre avec peu d’apport de matière permet de supporter des périodes de disette. La nature est experte en lightweight design : les éléments naturels ont tout intérêt à limiter leur masse, dans la mesure où les ressources sont limitées, et où une masse excessive gêne la mobilité. Les piverts par exemple, ont un crâne très résistant aux chocs, ce qui leur permet de creuser le bois à grand coup de becs. Cela a inspiré des casques plus légers pouvant absorber 3 fois plus d’énergie lors des chocs. Le biomimétisme est un outil puissant pour l’éco-conception, et des solutions de designs très élégants abondent dans la nature. Sobriété énergétique Dans le vivant, l’énergie est le nerf de la guerre. Les arbres jouent des coudes pour capter le rayonnement solaire en premier, les animaux se battent pour l’accès à la nourriture. Parmi différentes bactéries qui trouvent une source de nourriture abondante, celle qui par son métabolisme sera capable, toutes choses égales par ailleurs, de se multiplier avec moins de nutriments, verra sa population grandir bien plus rapidement que les autres, et finira par étouffer ses concurrentes. Généralement, une espèce qui, dans un même environnement, a besoin de plus de nourriture pour accomplir les mêmes fonctions qu’une autre espèce, a un désavantage disqualifiant dans la nature. Le stock colossal d’énergie que l’humanité a soudainement pu exploiter lors de la révolution industrielle (avec l’exploitation du charbon puis du pétrole) a permis de développer des technologies qui ne remplissent pas les critères de sobriété et d’interdépendance qu’on retrouve dans les systèmes naturels. Du fait de la grande disponibilité des ressources, l’efficacité énergétique n’était initialement pas un critère majeur dans le développement de ces technologies, et même si cela a bien changé désormais, de nombreuses technologies sont encore loin des capacités du vivant en matière d’efficacité énergétique et de résilience ou de modularité (adaptation aux changements). Dans une logique d’économie circulaire, il faut s'affranchir de notre dépendance à des ressources non renouvelables pour nos besoins énergétiques, ce qui passe entre autres par une meilleure efficacité énergétique. Que ce soit en améliorant l’aérodynamisme, avec des exemples bien connus comme le Shinkansen inspiré du martin pêcheur ou l’Airbus Super Transporter inspiré de la forme du béluga, la gestion des réseaux ou même l’architecture, le biomimétisme n’en est pas à son coup d'essai en sobriété énergétique. Dématérialisation En offrant la possibilité de se passer de support matériel pour l’information, l’informatique permet d’éviter de produire des prototypes grâce à la simulation, d’optimiser la gestion de systèmes complexes en temps réel et d’en améliorer notre compréhension. En ce sens, l’informatique peut être un allié puissant pour réduire notre impact environnemental et organiser la coopération multi-acteurs nécessaire à l’économie circulaire. Les industries se dotent par exemple de jumeaux numériques, pour simuler leurs chaînes de production. Cela permet d’anticiper les conséquences de perturbations, de tester des solutions virtuellement avant de les mettre en place physiquement, et globalement de fonctionner plus efficacement. La dématérialisation repose cependant sur un support physique : l’informatique consomme de l’énergie (et cette consommation augmente de 9% chaque année), demande des matériaux et génère des déchets. Compte tenu de l’importance croissante de l’informatique dans le fonctionnement de nos sociétés et nos vies quotidiennes, réussir à rendre le secteur plus durable est un enjeu stratégique. Le biomimétisme offre des possibilités pour réduire le coût matériel et énergétique du stockage et du traitement de l’information. Harvard mène des recherches sur le stockage d’information sur de l’ADN comme dans le vivant. Cette technologie permet de stocker 1000 fois plus de données dans le même volume qu’un disque dur classique, en utilisant uniquement de la matière organique bio-produite. La recherche sur les algorithmes bio-inspirés est également très active, et permet de créer des solutions élégantes, économes en énergie, s’inspirant par exemple de notre cerveau, qui accomplissent des prouesses calculatoires, résolvant simultanément des problèmes très variés avec seulement 20 Watts (la consommation d’une petite ampoule !). Relever le défi de l’informatique durable avec ZACK À terme, il faudrait que nous réussissions à produire des ordinateurs entièrement renouvelables. En attendant, on peut déjà travailler, dans un premier temps, à intégrer une logique d’économie circulaire dans l’informatique. Des solutions existent déjà pour créer des composants électroniques à partir de matières organiques. Vous avez peut-être déjà entendu parler des OLEDs, les LEDs organiques. Les LEDs classiques utilisent des semi-conducteurs souvent enrichis avec des métaux rares dont les stocks sont limités, l’extraction très polluante et le recyclage très peu répandu. Les OLEDs atteignent des performances excellentes tout en étant entièrement recyclables et très efficaces énergétiquement : elles représentent sûrement le futur de l’éclairage. Le pan de la bio-informatique visant à utiliser des procédés du vivant pour réaliser des opérations plutôt que des composants électroniques classiques, est un domaine de recherche en pleine explosion, mais qui s'inscrit encore dans des perspectives à long terme. L’efficacité énergétique des systèmes biologiques les rend intéressants en théorie, mais leur mise en œuvre est actuellement trop complexe pour qu’ils soient utilisés à grande échelle. Nous avons déjà énormément de matériel électronique en circulation. Vous en avez sûrement quelque part que vous n’utilisez plus et nous avons une proposition vous permettant de participer directement à l’économie circulaire ! Le gâchis que représentent tous ces composants électroniques, qui, au mieux, sont oubliés dans des tiroirs et, au pire, finissent par polluer l’environnement, est gigantesque. Partant de ce constat, trois innovateurs, Timothée Mével, diplômé de Supaéro et Polytechnique, Casimir de Hauteclocque, ingénieur des Ponts et Chaussée et Pierre-Emmanuel Saint-Esprit, diplômé de l’ESSEC, se sont rencontrés à Berkeley où ils ont collaboré pour fonder leur start-up ZACK. ZACK est déjà le leader français de la gestion des produits électroniques de seconde main et permet de valoriser à moindre effort les appareils abandonnés. L’initiative de ZACK s’inscrit parfaitement dans la logique de l’économie circulaire, en créant un acteur qui va prendre en charge les produits électroniques ne fonctionnant plus et les réintroduire dans l’économie, comme les décomposeurs remettent à disposition de l'écosystème les molécules des êtres vivants. ZACK a déjà permis la remise en circulation de 800 tonnes de composants électroniques depuis sa création en 2016. ZACK donne aussi l’opportunité de valoriser ses vieux appareils avec un minimum de procédures, puisque l’entreprise revend les composants aux enchères en moins d’un mois. Leurs clients sont souvent surpris de connaître la valeur de leurs appareils électroniques, même hors d’usage. Allier geste écologique et gain économique tout en rendant la participation aussi simple que possible, c’est ce qui permet à ZACK de participer aux changements des modes de consommation et à la lutte contre l’obsolescence programmée. Nous pensons qu’il est essentiel qu’autant de personnes que possible entendent parler de ces initiatives qui peuvent donner à chacun un rôle dans la transformation de nos modes de vie et la mise en place d’une économie circulaire. Pour donner un ordre de grandeur, chaque année, c’est 50 millions de tonnes de déchets électroniques qui sont générées, et seulement 20% qui sont recyclées. Ces déchets polluent les sols et les nappes phréatiques, alors qu’ils représentent une valeur de $62.5 milliards annuels (soit un peu plus que le PIB de la Croatie), et qu’une tonne de ces déchets contient plus d’or qu’une tonne de minerai d'or avant traitement. Autant dire que ZACK a encore du pain sur la planche, et ils n’attendent que vous pour remettre en circulation tous vos vieux téléphones, ordinateurs, radio-réveils, baladeurs ou encore lecteurs cassette. C’est bon pour la planète, bon pour nous, et c’est le genre d’initiatives dont nous avons plus que jamais besoin pour atteindre une économie durable et circulaire !

  • Drones et biomimétisme : Top 5 des drones bio-inspirés

    La nature regorge d’espèces volantes en tout genre. S’en inspirer pour concevoir des drones ou des aéroplanes tombe sous le sens, et les pionniers de l’aviation comme De Vinci ou Ader l’avaient bien compris ! De nos jours, le développement de drones plus performants pourrait bien trouver sa source dans le biomimétisme. En effet, le vivant sait parfaitement comment gérer l’écoulement de l’air, économiser son énergie, réagir à l’imprévu… La maîtrise du vol des oiseaux et des insectes est encore loin d’être égalée par l’homme, bien que de nombreux projets s’y attellent ! C’est pourquoi aujourd’hui nous vous présentons notre top 5 des projets de drones bio-inspirés les plus étonnants ! Bat Bot, un drone inspiré de la chauve-souris pour mieux manœuvrer Dotées d’ailes et d’écholocation, les chauve-souris sont les seuls mammifères capables de véritablement voler (les écureuils volants se contentant simplement de planer). Contrairement aux oiseaux, les ailes des chauves-souris sont très fines : elles consistent en une membrane vascularisée tendue entre les doigts articulés de l’animal. Cette vascularisation permet aux chauve-souris de réguler leur température corporelle pendant l’effort. De plus, l’utilisation des doigts permet à l’animal de contrôler avec précision le mouvement de l’aile, et donc l’écoulement de l’air autour de celle-ci. Des études comparant la consommation d’oxygène en vol des chauve-souris et celle des oiseaux laissent entendre que le vol des chauve-souris est aussi efficace que celui des oiseaux, bien que ces résultats soient controversés par une étude plus récente comparant leurs performances aérodynamiques. Quoi qu’il en soit le vol de la chauve-souris, tire parti de la morphologie particulière de l’aile : en utilisant ses doigts ainsi que l’élasticité de sa membrane, la chauve-souris projette l’air avec plus de force qu’une aile classique. Des chercheurs de l’université Caltech s’en sont inspirés pour concevoir le Bat Bot, un drone reproduisant la membrane et les articulations de la chauve-souris. Conçu au départ pour étudier plus précisément les mécanismes du vol de cet animal, ce drone est également très manœuvrable et potentiellement moins dangereux que les modèles quadrirotors commercialisés actuellement du fait de sa membrane souple et de l’absence de pales tournantes. Cela pourrait se révéler être un avantage intéressant si les drones étaient amenés à se démocratiser. S’inspirer du vol des insectes pour des drones qui volent autrement L’idée de s’inspirer du battement des ailes des animaux pour concevoir des machines volantes n’est pas nouvelle. En réalité, Léonard de Vinci avait déjà proposé des concepts d’ornithoptères et on peut même considérer, en extrapolant, que le mythe d’Icare dessinait les prémices du vol en battant des ailes. Les pionniers de l’aviation eux-même se sont d’abord inspirés des animaux volants avant de créer l’avion tel que nous le connaissons. Longtemps restée au stade de concept car trop lourd, trop fragile ou trop complexe, l’idée de voler en battant des ailes ressurgit ces dernières années dans le domaine des micro drones. L’ONERA, le centre français de recherche aérospatiale, travaille notamment sur ce sujet depuis 2002 avec le projet Remanta, mené par Agnès Luc-Bouhali et inspiré des libellules. S’inspirer du battement d’aile des insectes pour concevoir des drones est extrêmement complexe, à la fois mécaniquement mais aussi au niveau du contrôle du mouvement. L’objectif du projet Remanta est d’étudier les différents phénomènes physiques impliqués dans le vol de la libellule, en particulier l’écoulement de l’air autour des ailes, pour permettre le développement de ce type de technologies à l’avenir. Pour voir en image les résultats du projet Remanta n'hésitez pas à aller voir la vidéo de l’ONERA. Et si l’érable inspirait les drones pour des missions d’observation ? Même si ce nom ne vous dit rien, vous connaissez forcément les samares, ces fruits en forme d’aile qui abritent les graines de certains arbres, notamment l’érable. Sans doute vous êtes-vous également amusé à les regarder tournoyer en tombant étant enfant. Après différents concepts d'éoliennes inspirés de ces fruits, des chercheurs de l’université du Maryland en collaboration avec l’entreprise Lockheed Martin ont imité la samare dans un drone d’un genre nouveau : le Samarai Flyer. Doté d’une simple aile en rotation, ce type de drone est à la fois compact et peu cher à produire (on peut par exemple imprimer l’aile en 3D). Ces drones sont également relativement fiables grâce à leur faible nombre de pièces mécaniques. De plus, ils posent moins de problèmes de sécurité en cas de défaillance car, tout comme les samares, leur éventuelle chute est automatiquement ralentie grâce à leur forme. Mais à quoi pourrait servir ce type de drone ? Et bien leur simplicité de fabrication et leur faible dangerosité les prédisposent naturellement à des missions de surveillance ou d’observation. En effet, ces drones peuvent être équipés d’une caméra synchronisée avec leur vitesse de rotation : à chaque tour la caméra capture une image, ce qui permet de compenser la rotation de l’ensemble de l’engin. L’albatros, un modèle d’efficacité pour des drones plus autonomes Un des problèmes rencontrés par les drones aujourd’hui est celui de l’autonomie. C’est là qu’intervient la comparaison avec les oiseaux migrateurs, obligés de voler sur des dizaines de milliers de kilomètres au-dessus de l’océan, donc sans se poser. L’albatros en particulier est actuellement étudié pour sa capacité à voler tout en économisant son énergie. Pour ce faire, l’albatros emploie une stratégie très particulière : il plane à la surface de l’eau où le vent est moins fort, puis il utilise ce vent pour reprendre de la hauteur, plane en descendant jusqu’à la surface de l’eau, et ainsi de suite. En enchaînant ces zigzags, l’albatros est capable de planer pendant des kilomètres sans même battre des ailes, économisant au maximum son énergie pour parcourir en moyenne 800 km par jour ! Des recherches sont actuellement menées, notamment dans les laboratoires de l’ISAE Supaero, pour reproduire cette stratégie de vol dans des drones. Les bancs de poissons peuvent-ils inspirer le sauvetage par drone ? Enfin, le biomimétisme peut se montrer utile non pas seulement dans la conception de drones, mais également dans leur exploitation. En effet, avec le développement et la démocratisation de drones simples, fiables et peu coûteux, l’utilisation d’une flotte, c’est-à-dire d’un ensemble de drones plus ou moins conséquent, est une discipline en pleine émergence qui fait notamment appel à la notion d’intelligence collective. En décembre 2020 par exemple, des chercheurs du MIT et de la King Saud University d’Arabie Saoudite ont publié un algorithme de pilotage d’une flotte de drones inspiré de la stratégie de recherche de nourriture des bancs de poisson. Cet algorithme a pour objectif de réduire le temps nécessaire à une flotte de drones pour retrouver des survivants, par exemple après un sinistre (séisme, tsunami, etc…). L’idée est la suivante : dans un banc de poisson, certains individus cherchent de la nourriture, et d’autres se contentent de les suivre et de profiter de leurs trouvailles. Les bons chercheurs de nourriture sont de plus en plus suivis, tandis que les mauvais se font peu à peu abandonner jusqu’à devenir eux-mêmes des suiveurs. C’est ainsi que le banc peut trouver sa nourriture tout en maintenant sa cohésion. Les résultats obtenus par l’algorithme bio-inspiré montrent des performances meilleures que les autres méthodes, en particulier pour des flottes de taille réduite. L’algorithme est de plus peu gourmand en calcul ce qui en fait un outil facilement déployable, même sur des drones peu performants. Bien sûr, difficile d’être exhaustif devant tous les projets de drones bio-inspirés qui sont menés chaque jour ! Néanmoins vous pouvez désormais constater la pertinence du biomimétisme dans ce domaine, tant au niveau mécanique qu’au niveau du contrôle et de l’automatisation. Vous pouvez également retrouver nos autres articles ici !

  • Biomimétisme et dépollution

    Du dard de l’abeille pour collecter les débris spatiaux à la chimie des parois cellulaires pour désaliniser l’eau de mer, en passant par la reproduction de la nanostructure des poils d’araignées pour filtrer les eaux usées : le biomimétisme offre de nombreux exemples de solutions pertinentes face aux problématiques de pollution. Nous vous invitons à un tour d’horizon. Biomimétisme et dépollution des plastiques et déchets 30 millions de tonnes de plastique sont déversées chaque année dans nos lacs, nos rivières et nos océans. C’est sans aucun doute la pollution dont nous sommes le plus familier car elle est visible. Cette pollution atteint à la fois les êtres vivants locaux (animaux ou végétation) mais aussi les populations humaines. La dépollution de nos déchets est donc primordiale. Grâce au biomimétisme, il est possible de développer des solutions innovantes et efficaces made by nature pour dépolluer l’environnement. Biomimétisme et dépollution des déchets plastiques Comme le montre la formation du “6e continent" dans le nord du Pacifique, les plastiques sont devenus un désastre écologique. Plus de 1 800 milliards de déchets plastiques polluent actuellement les océans. Ces plastiques mettent plusieurs centaines d’années à se décomposer, et sont continuellement ingérés par les animaux et même par les humains (cf article de Trustmyscience) ! La nature et le biomimétisme ont-ils des solutions pour que ces déchets soient récupérés ? De nombreuses collectes de déchets plastiques dans les océans ou les ports existent. Mais ces collectes perturbent souvent l’environnement local, demandent beaucoup d’énergie et d’investissement, voire sont inefficaces. Une approche biomimétique a été développée récemment en s’inspirant des tortues de mer. Des robots-tortues ont été développés afin de détecter et de collecter des déchets dans les ports (projet Green Turtle, par l’ESTACA). Ce robot a la particularité de posséder des nageoires comme les tortues et d’avoir un système de détection efficace (grâce à un sonar) lui permettant d’être agile, de cibler les déchets et d’éviter les bateaux. Ce robot a également l’avantage de ne pas perturber la faune locale et de récupérer 50 litres de déchets (soit 1400 bouteilles en plastique) par trajet. Il est également très économe en énergie. Le biomimétisme permet donc de développer des technologies contre la pollution des déchets dans les ports, d’où proviennent la majorité des plastiques des océans. Ces déchets peuvent ensuite être recyclés, également grâce au biomimétisme ! Biomimétisme et dépollution de l’espace Dans une toute autre dimension, la pollution est également présente dans l’espace. En effet, les déchets spatiaux sont engendrés par des dégâts sur les satellites, par la décomposition de lanceurs ou navettes spatiales, ou simplement par l’abandon des satellites hors d’usage. Ce qui n’était pas un problème il y a quelques décennies le devient de plus en plus. Les débris spatiaux sont un fardeau pour la mise en place de nouveaux satellites et pour ceux déjà présents. Une simple pièce de quelques centimètres, lancée à plusieurs kilomètres par heure par sa rotation autour de la Terre, peut avoir des dégâts colossaux en chaîne sur les satellites… Il devient donc important de dépolluer l’espace. Bien qu’aucun être vivant n’habite dans l’espace, le biomimétisme y a son rôle à jouer ! Un harpon collecteur de déchets spatiaux inspiré du dard de l’abeille a ainsi été développé. Ce dard dispose d’une géométrie particulière en dents de scie facilitant le perçage et l’ancrage. Cette structure est une aubaine pour la récupération de débris spatiaux, souvent très difficiles d’accès ou à attraper. Un des problèmes actuels de la collecte de ces déchets est que la force nécessaire pour fixer les harpons est si grande qu’ils fracturent l’objet à l’impact en de multiples débris. Grâce à ce nouvel harpon, dont le perçage est facilité et moins coûteux en énergie, la force d’envoi peut être diminuée et le fractionnement évité tout en récupérant l’objet. Le biomimétisme a donc toute sa place où on ne l’attend pas, là où la vie n’est pas forcément présente, dès qu’il s’agit de vaincre la pollution. Biomimétisme et dépollution de l’air La pollution existe également dans l’air. La qualité de l’air est essentielle pour notre survie. De nombreuses pollutions de l’air existent : qu’il s’agisse de microparticules (cf Case Studies Bioxegy) ou de gaz à effet de serre pour ne citer qu’eux, la nature et les hommes se voient vite être en danger. La dépollution de l’air est donc aussi un enjeu majeur à traiter. Biomimétisme et gestion des gaz à effet de serre L’un des polluants les plus connus dans le monde est le CO2 (dioxyde de carbone). Ce gaz est la principale source du réchauffement climatique à cause de l’effet de serre qu’il engendre et de sa quantité gigantesque relâchée dans le monde par l’homme. Il est aujourd’hui essentiel de trouver des solutions pour l’absorber et limiter ce dérèglement extrêmement dangereux pour les humains et la biodiversité. Les végétaux sont une solution naturelle à l’absorption et la consommation de CO2, puisqu’ils respirent du CO2 et émettent du dioxygène (à l’inverse de l’homme, d’où l’importance immense de préserver la flore). Il paraît donc naturel de s’en inspirer pour consommer du CO2 et dépolluer l’atmosphère de ce gaz. Une solution biomimétique idéale est de transformer le CO2 en une ressource utilisable pour l’homme. Ainsi, on consomme du CO2 tout en s’en servant pour faire autre chose (évitant ainsi l’utilisation d’autres ressources en quantité limitée ou également polluantes). C’est le cas de l’utilisation d’enzymes pour transformer le CO2 en carburant. Le biomimétisme ne s’exprime pas traditionnellement ici, puisqu’au lieu de s’inspirer d’un mécanisme de la nature on utilise directement l’organisme enzymatique responsable pour développer une technologie chimique. Le CO2 peut depuis longtemps être converti chimiquement en biocarburant par une technique appelée électrolyse. Cette réaction chimique doit être catalysée, c’est-à-dire accélérée, pour pouvoir être développée à grande échelle. Or, les catalyseurs actuels sont insuffisants. C’est pourquoi les enzymes utilisées sont une solution pour catalyser efficacement cette réaction tout en la contrôlant. Grâce à cette combinaison d’enzymes, la production de carburant par CO2 a été multipliée par 18 par rapport aux autres méthodes ! Le bio-sourcing permet donc de dépolluer l’atmosphère tout en produisant du carburant. Les applications du biomimétisme sont nombreuses pour dépolluer et transformer le CO2 en produits utilisables, comme des engrais, ou encore même en oxygène en s’inspirant directement de la photosynthèse des plantes. Biomimétisme et absorption des autres polluants gazeux Malheureusement, le CO2 n’est pas le seul gaz polluant ou dangereux dans l’atmosphère. Ce dernier n’est même dangereux “qu’à cause” de sa concentration grandissante et ses effets sur le réchauffement. D’autres gaz encore plus dangereux doivent être traités. C’est le cas notamment des particules fines, des composés organiques volatils (COV), des oxydes d’azote ou encore des métaux lourds. Le biomimétisme a encore un rôle à jouer dans l’absorption et le traitement de ces polluants gazeux Le biomimétisme peut parfois directement se servir de la nature pour innover. C’est le cas de la dépollution avec la dégradation chimique de polluants par les organismes vivants : la bioremédiation. En particulier, l’exemple de biomimétisme suivant effectue de la bioremédiation microbienne. Des scientifiques ont développé un filtre biologique (biofiltre) transformant des polluants en biomasse, vapeur d’eau ou encore CO2 (polluant beaucoup moins dangereux à cette échelle). Le filtre est un matériau poreux contenant des micro-organismes. L’air traverse le filtre et ces derniers absorbent les polluants : ils effectuent une bio-dégradation. La matière organique des gaz polluants est ainsi transformée, selon leur biodégradabilité, en une forme organique (par exemple en compost) ainsi qu’en gaz beaucoup plus doux. Malgré la nécessité d’utiliser cette technologie à très grande échelle pour qu’elle soit efficace, elle détient de nombreux avantages. Un grand nombre de polluants peut être traité (par exemple dans les COV : les hydrocarbures aromatiques, les aldéhydes…) grâce à un moyen très peu coûteux, respectueux de l’environnement et qui valorise simplement des polluants sans création de nouveaux déchets. S’inspirer de la nature ou l’utiliser directement est rendu possible grâce à l’apport du biomimétisme dans ces technologies innovantes, responsables et compatibles avec les enjeux environnementaux. Biomimétisme et dépollution de l’eau Il existe plusieurs sources à la pollution de l'eau : elle peut venir des ménages (des égouts dans les villes ou villages), des activités agricoles ou des activités industrielles. L’activité humaine engendre le rejet de nombreux polluants dans les rivières et les océans, ce qui rend cette eau toxique et impropre à la consommation pour la faune, la flore et les populations locales. L’eau est une ressource finie sur Terre. Elle est malheureusement présente à plus de 97 % sous forme salée (non consommable pour êtres vivants terrestres). Le traitement des eaux et leur dépollution est un enjeu international puisque la pollution des eaux fait plus de 3 millions de morts dans le monde chaque année. Tout comme la dépollution de l’air, le biomimétisme peut s’inspirer ou utiliser la nature pour développer des solutions à ces problèmes. Biomimétisme et dépollution des eaux usées Un premier enjeu majeur est donc la dépollution des eaux usées. Qu’elles proviennent des villes, des champs ou des industries, elles sont un fardeau pour la nature. Il convient donc de trouver des solutions efficaces pour réduire au maximum notre impact sur la biodiversité. Ces polluants peuvent prendre la forme de macro-polluants (matières organiques, matières en suspension, azote, phosphore) ou de pollution plus toxique comme celle des métaux lourds et des solvants. Ces polluants peuvent engendrer une toxicité extrêmement dangereuse et un appauvrissement en oxygène dans les eaux, indispensable à la vie des animaux aquatiques et des bactéries. Tout comme pour la dépollution des gaz, le biomimétisme peut ici aussi se servir des pouvoirs extraordinaires des enzymes pour les mettre à disposition de technologies innovantes et dépolluantes. La start-up française Biostart a ainsi développé un système biomimétique de dépollution des eaux usées grâce à des micro-billes enzymatiques. Le principe repose sur la cyclodextrine, enzyme très utilisée en pharmacie, produit de la dégradation de l’amidon de pommes de terre par certaines bactéries. Cette enzyme est contenue dans des micro-billes qui sont utilisées comme des filtres de stations d’épuration pour filtrer ce que les bactéries ont du mal à décomposer. La cyclodextrine est en effet un piège moléculaire : elle piège les molécules toxiques/polluantes par interaction électronique naturelle. Les billes contenant les polluants sont ensuite récupérées et traitées pour que les molécules toxiques piégées soient récupérées. Elles sont ainsi extraites des eaux usées. Ce procédé est très écologique. Il capture efficacement tous les métaux polluants, les perturbateurs endocriniens et les composés pharmaceutiques présents dans les eaux usées des stations d’épuration. Les micro-billes sont même réutilisables plusieurs fois. Le développement de membranes bio-inspirées est également une approche très connue dans le biomimétisme pour développer des filtres efficaces et écologiques. Ici, un filtre à matériau fibreux léger et résistant a été conçu pour dépolluer l’eau en s’inspirant des pattes et des poils d’araignées. Les araignées disposent de pattes sur lesquelles des soies appelées pédipalpes leur permettent de se nettoyer les yeux en brossant les poussières et les particules présentes à leur surface. La forme de ces pédipalpes a inspiré des scientifiques qui ont tenté de les reproduire à échelle nanométrique (un million de fois plus petit qu’un millimètre !) pour créer un matériau absorbant très efficace. Plus précisément, le filtre est constitué de “poils” en nanotubes de carbone qui se lient très facilement aux polluants (grâce à leurs sites actifs) et d’une structure en graphène hydrophile (que l’eau peut traverser, qui peut se dissoudre dans l’eau). Ce filtre est donc léger, résistant, hautement efficace (proche de 100 % d’efficacité) et facile à manipuler. L’approche biomimétique est donc ici très pertinente pour la pollution des eaux. Biomimétisme et la désalinisation de l’eau Un autre enjeu dans la dépollution et le traitement des eaux est la désalinisation. Ici, l’objectif n’est pas de désintoxiquer l’eau de polluants comme précédemment mais plutôt de traiter l’eau de manière à la rendre consommable. L’accès à l’eau potable est un enjeu crucial dans les pays en développement. L’eau douce (pas nécessairement potable) est difficilement accessible et mal répartie. Il est donc envisageable (et important) de traiter l’eau des mers et des océans pour permettre à des populations en danger de survivre. Le biomimétisme a aussi des solutions ingénieuses à proposer concernant la désalinisation. Des scientifiques français ont ainsi développé un système biomimétique pour dessaler l’eau de mer inspiré des parois cellulaires. Les cellules sont en effet une source pertinente pour la filtration ou le traitement des eaux puisqu’elles disposent de capacités et propriétés bien spéciales et uniques. C’est le cas notamment des molécules d’aquaporine, présentes sur les parois cellulaires, qui permettent de contrôler précisément l’entrée ou la sortie de molécules d’eau dans nos cellules (essentielles à leur fonctionnement). Cette “douane” permet de laisser passer uniquement de l’eau et d’empêcher des ions parasites de traverser la paroi cellulaire. C’est donc de ce principe spécifiquement que se sont inspirés ces scientifiques. Ils ont créé une sorte d’éponge (membrane) composée de polymères dans lesquels des canaux perméables à l’eau et imperméables aux ions ont été insérés. Les molécules d’eau sont guidées vers les canaux mais les ions sont retenus par la membrane. Or ce sont ces ions (notamment chlorure et sodium) qui donnent à l’eau ce caractère salé. Ce dispositif biomimétique possède de meilleurs résultats que les systèmes par membrane actuels, dont notamment une consommation d’énergie (problème majeur des centrales de désalinisation) plus faible de 15 %. Biomimétisme et dépollution des sols La dépollution des sols est très souvent liée à celle des eaux, puisque ces dernières ont tendance à s'infiltrer dans les sols, les polluant à leur tour et formant parfois des boues polluées. Les solutions trouvées par le biomimétisme pour la dépollution des sols peuvent parfois être appliquées à la dépollution des eaux et celle de l’air (et inversement). Les sols sont majoritairement dépollués naturellement par la végétation, aux pouvoirs de dépollution extraordinaire. Le biomimétisme y trouve sa place pour s’en inspirer et les exploiter. Biomimétisme et traitement des métaux lourds Les principaux polluants dans les sols, et les plus dangereux pour notre santé et l'environnement, sont les métaux lourds et les polluants radioactifs. Majoritairement relâchés par les activités industrielles, ils s'infiltrent dans les sols (généralement par les eaux) et polluent gravement la biodiversité locale. Or, la végétation a toujours trouvé une solution pour dépolluer son environnement. La solution biologique et biomimétique qui en découle est appelée la phytoremédiation. Il s’agit d’utiliser le métabolisme intelligent des arbres et des plantes pour collecter, transformer et dégrader des polluants (molécules organiques, métaux lourds, éléments radioactifs) principalement contenus dans les eaux et les sols environnants. Les stratégies de phytoremédiation sont nombreuses, ciblent différents polluants et sont toutes efficaces. D’après le CEA , on peut distinguer : la phytovolatilisation, qui consiste à transformer/dégrader certains polluants en particules volatiles beaucoup moins toxiques, relâchées dans l’atmosphère. Les polluants concernés sont les composés organiques et les métaux. la phytostabilisation, consistant à absorber ou immobiliser (rhizofiltration) des polluants au niveau des racines pour éviter leur dispersion dans les sols ou dans l’air. Les polluants concernés sont les éléments radioactifs, comme l’uranium. la phytoextraction, qui réalise une extraction des polluants des sols jusque dans les tiges et les feuilles, qui sont ensuite récupérées par l’homme, brûlées et traitées comme tout déchet dangereux (cf radioactivité). Les polluants concernés sont les éléments radioactifs et les métaux. la phytodégradation, qui permet d’absorber et de décomposer des polluants par des enzymes, qui sont ensuite stockés dans la plante ou remis dans le sol. Les polluants concernés sont les composés organiques type pesticides ou hydrocarbures. Ces méthodes biologiques et biomimétiques ont été imaginées, développées, et utilisées par de nombreux scientifiques, dont la chimiste et directrice de recherche au CNRS Claude Grison. Elle a été récompensée de nombreuses fois pour ses travaux sur l’environnement et ses recherches sur la phytoremédiation. Elle est aujourd’hui à l’initiative du projet Econick, qui vise à se servir du pouvoir des plantes pour extraire des métaux naturellement, et proposer des composés métalliques écoresponsables à plus grande échelle. Cette démarche est éthique, responsable, durable, écologique et en plein développement. Elle permet de valoriser des terres riches en métaux par une activité éco-responsable. De la même manière, Bioinspir s’est servi du biomimétisme pour développer un traitement efficace des boues industriellement polluées. Les filtres développés se basent sur la phytoremédiation pour dépolluer les sols et les boues à la sortie des sites industriels polluants. Ce procédé est même applicable à la dépollution d’autres milieux, comme d’autres sols ou des eaux usées. Biomimétisme et traitement des HAP et huiles minérales D’autres polluants moins connus existent dans nos sols, mais qui ne sont pas moins toxiques et dangereux. C’est le cas notamment des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et des huiles minérales. Une autre méthode biomimétique qui consiste à utiliser de nouveau les propriétés directes de micro-organismes ou d’êtres vivants s’appelle la mycoremédiation. Cette technique met à disposition le pouvoir filtrant des champignons pour dépolluer et régénérer les sols. Novobiom est une entreprise qui a développé son activité sur ce principe. L’idée est d’utiliser des champignons capables de dégrader le bois, comme les pleurotes. De nombreux polluants ont une structure similaire à certaines molécules du bois et peuvent donc eux aussi être digérés par ces enzymes. Cela permet de polluer efficacement les sols contaminés par les HAP et les huiles minérales et de rétablir la teneur en matières organiques et l’équilibre biologique des sols. Cette solution, en plus d’être respectueuse de l’environnement et durable, permet aussi de d’être utilisée là où d’autres ne peuvent pas comme dans les traitements hors site (présence d’explosifs, de goudron…). Conclusion Le biomimétisme permet de développer des solutions innovantes et durables pour faire face à toutes les pollutions engendrées par l’activité humaine. La nature a su trouver des moyens de se défendre contre l’homme, et l’homme s’en sert pour défendre davantage la nature et se protéger à son tour des pollutions qu’il émet. Décidément, la nature n’a-t-elle pas réponse à tout ? Pour aller plus loin, les sources utilisées pour la rédaction de cet article : https://www.cea.fr/multimedia/Documents/infographies/posters/defis-du-CEA-infograhie-phytoremediation.pdf https://planete.lesechos.fr/solutions/bioinspir-depollue-leau-avec-les-plantes-6588/ https://trustmyscience.com/microplastiques-detectes-premiere-fois-dans-voies-pulmonaires-inferieures/ https://www.unescogreencitizens.org/fr/projects/green-turtle/

  • Biomimétisme et optique : quand la nature nous illumine !

    L’optique est la science de la lumière. Pour se reproduire, chasser ou se camoufler, savoir bien utiliser la lumière est d'une importance première dans le monde du vivant. L’optique y est omniprésente ! En s'inspirant des prouesses optiques biologiques, on peut innover de façon brillante. Laissez l'optique vous éclairer sur les merveilles du vivant et celles du biomimétisme ! Apparence : être vu ou passer inaperçu Bien manier l’optique est essentiel pour l’apparence. Certains êtres vivants cherchent à être vus, pour se reproduire par exemple. Au contraire, d’autres veulent à tout prix passer inaperçu : le camouflage optique joue un rôle essentiel dans la prédation, que ce soit pour le prédateur ou pour la proie, c’est à celui qui passera le mieux inaperçu ! Être vu Couleurs structurelles, des structures hautes en couleur ! Pour être vu, mieux vaut arborer des couleurs très voyantes ! Les couleurs que l’on observe le plus communément sont des couleurs dites “pigmentaires” : ce sont des molécules (appelées pigments) qui sont responsables de la coloration. A la différence de ces couleurs pigmentaires, il existe dans le vivant des couleurs étincelantes, dites “structurelles”. Elles sont dues à des phénomènes optiques (notamment des interférences) qui se produisent sur des structures extrêmement petites. Leur taille est comparable à la longueur d’onde de la lumière visible, et donc inférieure à 1 millième de millimètre ! Une nouvelle preuve que la nature est experte en ingénierie et optique de grande précision ! On retrouve ces structures optiques chez un grand nombre d’êtres vivants : des oiseaux (paon, canard colvert, colibri,...), des arthropodes (mygale bleue, papillon morpho,...) ou des végétaux (baies). Les superbes couleurs structurelles du colibri d'Anna et du papillon morpho Crédits image de gauche : Becky Matsubara Les couleurs structurelles sont souvent iridescentes : la coloration dépend de l’angle sous lequel on les regarde ! Un spectacle optique époustouflant, par exemple dans le cas du colibri d’Anna (vidéo). Mais ces couleurs sont aussi à l’origine d’innovations optiques éblouissantes ! Colorations plus résistantes, lutte contre la contrefaçon ou encore détection de gaz, les applications biomimétiques sont hautes en couleurs ! Pour plus d’information, n’hésitez pas à consulter notre article sur l’incroyable papillon morpho et les innovations qu’il a inspirées. Bioluminescence : naturellement brillant ! Certains êtres vivants arborent des couleurs pour se faire repérer, d’autres produisent de la lumière. La bioluminescence désigne l’ensemble des phénomènes par lesquels un être vivant émet de la lumière. Ce sont des réactions chimiques, souvent complexes, qui donnent lieu à ces spectacles impressionnants. On les retrouve sous différentes formes, chez des espèces animales comme végétales, terrestres comme marines. La luciole, par exemple, est bien connue pour sa capacité à produire de la lumière. Mais comme ce mode de production de lumière est assez peu efficace, la luciole se doit aussi d’être une experte de l’optique ! Pour exploiter au mieux le peu de lumière produite, elle la concentre et la dirige grâce aux écailles de son abdomen. La structure optique de ces écailles a ainsi inspiré une LED 50 % plus lumineuse que les LEDs classiques ! Les animaux marins ne sont pas en reste : 76 % des espèces marines sont bioluminescentes ! Le composé bioluminescent d’une méduse est d’ailleurs utilisé comme marqueur génétique. Cette protéine est appelée GFP (pour “Green Fluorescent Protein”, protéine verte fluorescente). En fusionnant le gène responsable de la production de cette protéine à celui d’autres protéines dans l’ADN d’autres êtres vivants, on peut les rendre fluorescentes. On peut ainsi suivre avec précision leur production par l’organisme ! Et ce, sans danger pour l’organisme étudié ! Luciole et méduse, deux experts de la production de lumière Pour plus de détails sur le phénomène de bioluminescence et les transpositions biomimétiques associées, allez voir notre article sur la bioluminescence ! Le camouflage optique Manipuler la lumière A la différence des êtres vivants précédents, d’autres ont tout intérêt à ne pas se faire voir ! Le camouflage optique est une tactique essentielle dans la nature. Il permet à des êtres vivants de passer inaperçu et ainsi d’échapper aux prédateurs. Certains organismes sont ainsi capables de piéger la lumière. Par exemple, les papillons de nuit doivent passer inaperçus dans un environnement difficile : le moindre signal optique est très facilement détectable dans l’obscurité. Ils ne doivent donc absolument pas réfléchir la lumière, même pas avec leurs yeux ! Pour cela, leurs yeux sont équipés de nanostructures à la forme très particulière. Elles dirigent la lumière pour la piéger et ne pas la réfléchir ! Ces structures inspirent des systèmes optiques anti-reflet ultra-performants : ils piègent 99,8 % de la lumière qu’ils reçoivent ! Pour plus d’informations sur les capacités fascinantes des papillons de nuit au-delà de l’optique, allez consulter notre article dédié. D’autres êtres vivants, comme la seiche, sont capables de modifier leur couleur ! Pour cela, les seiches disposent de cellules remplies de pigments : des chromatophores. La seiche est capable de contracter ou dilater ces cellules, rendant la couleur portée par le pigment plus ou moins visible. C’est le mécanisme que l’on retrouve aussi chez le caméléon. Il est à l'origine de systèmes de camouflage optiques bio-inspirés, notamment pour le secteur militaire. Un matériau flexible, reproduisant, sans intervention externe, la couleur de l’objet qu’il recouvre, a notamment été créé. Les recherches sont en cours pour améliorer le contrôle de la contraction/dilatation des éléments contenant les pigments, et donc l’efficacité de ces systèmes. Vision : les formidables capacités de détection optique des êtres vivants Concentrer la lumière Certains êtres vivants vivent dans des conditions optiques difficiles, avec peu de lumière disponible. Il y a notamment l’exemple des animaux marins vivant à des profondeurs importantes. Ils doivent tirer profit au mieux du peu de lumière disponible pour voir et analyser leur environnement. Ainsi, le homard, vivant en moyenne à 300 m de profondeur, est pourvu de systèmes optiques particulièrement efficaces. Ses yeux sont composés de facettes (à la manière des yeux des insectes), et chaque facette est prolongée par un cône tapissé de tissu réfléchissant. Cette structure concentre efficacement la lumière, et permet donc au homard de voir dans un environnement très obscur. Ses yeux ont inspiré un concept de système optique concentrant la lumière pour un télescope spatial sur lequel travaille la NASA. Sa “vision” extrêmement performante pourrait permettre de détecter les phénomènes à l'origine des ondes gravitationnelles (comme la collision entre des trous noirs) ! A croire que le biomimétisme n’a pas toujours les pieds sur Terre ! Des détecteurs qui voient tout ! La lumière est une source d’information pour le vivant. Et certains animaux arrivent à analyser en profondeur cette information optique, pour connaître leur environnement avec toujours plus de précision ! C’est par exemple ce que fait la crevette mante, équipée des yeux parmi les plus performants du règne animal ! Elle est capable de voir bien plus de couleurs que nous, grâce à une plus grande diversité d’opsines - des protéines réagissant à une couleur particulière. Si nous, humains, en possédons 3 différentes (comme les trois couleurs primaires), et voyons donc le monde en 3 couleurs, la crevette mante en possède 12 ! Elle peut donc voir des couleurs situées dans l'ultraviolet, invisibles pour l’Homme. Mais les capacités optiques de la crevette mante ne s’arrêtent pas là ! Elle est de plus capable de détecter la polarisation de la lumière (une propriété liée à son orientation quand elle se déplace). Cette détection est permise par une structure particulière de ses récepteurs optiques, ainsi que par la capacité de ses yeux à tourner. Un système aussi développé fait évidemment l’objet de transpositions biomimétiques particulièrement intéressantes ! Des caméras pour véhicules autonomes s’inspirent ainsi des mécanismes présents chez la crevette mante pour détecter et analyser la polarisation de la lumière. Cette caméra permet de détecter les autres véhicules et obstacles jusqu’à 3 fois plus loin qu’une caméra optique classique ! Elle permet ainsi d’envisager des véhicules autonomes bien plus performants. On pourra aussi citer un autre capteur bio-inspiré, utilisé dans le domaine médical : en utilisant le fait que les cellules cancéreuses sont visibles par lumière polarisée, il permet de détecter les cancers précoces, et donc d’intervenir plus tôt pour soigner la maladie. Conclusion Le biomimétisme dans le domaine de l’optique n’a pas fini d’éclairer notre façon d’innover ! Le vivant est un formidable vivier d’inspiration en ce qui concerne la manipulation de la lumière, et il déploie des systèmes très inspirants pour analyser la lumière qu’il reçoit. Les applications sont extrêmement variées et cross-secteurs : mobilité, médical, biens de consommation, etc. Les technologies optiques bio-inspirées ont un rôle majeur à jouer dans l’innovation actuelle et future ! Pour aller plus loin, les sources utilisées pour la rédaction de cet article : Le papillon morpho : https://asknature.org/strategy/wing-scales-cause-light-to-diffract-and-interfere/ La production de lumière par les lucioles : https://www.scientificamerican.com/article/how-and-why-do-fireflies/ La structure des yeux des papillons de nuit : https://optics.org/news/11/11/30 Le télescope inspiré des yeux du homard : https://www.nasa.gov/feature/goddard/2017/proposed-nasa-mission-employs-lobster-eye-optics-to-locate-source-of-cosmic-ripples

  • Ingénieur biomiméticien : un métier en pleine émergence !

    Chez Bioxegy, en tant que bureau d’étude spécialiste du biomimétisme, nos experts peuvent être qualifiés d’ingénieurs en biomimétisme, ou ingénieurs biomiméticiens. Nous vous invitons à découvrir les coulisses de ce métier et la manière dont nous le concevons. Le métier d’ingénieur en biomimétisme, c’est quoi ? L’ingénieur en biomimétisme s’inscrit dans la continuité d’une histoire riche et très ancienne. Depuis des millénaires, la nature a servi de source d’inspiration aux artistes et inventeurs de toutes sortes. L’aviation en est peut-être l’exemple le plus frappant : du mythe d’Icare à Clément Ader en passant par Léonard de Vinci, le vol des oiseaux a longtemps fasciné et inspiré les ingénieurs. Depuis, d’autres technologies bio-inspirées ont vu le jour : le velcro, les maillots de bain inspirés de la peau de requins, le Shinkansen japonais, etc. Mais c’est en 1997, avec l’ouvrage de Janine Benyus Biomimicry: Innovation Inspired by Nature, que le biomimétisme (le mot se démocratise alors) prend son essor et devient une approche scientifique à part entière. Partant de là, la recherche de solutions bio-inspirées à des problèmes industriels est devenue un sujet de recherche fécond, en particulier en Chine et aux États-Unis. Mais malgré une intense activité académique depuis plus de 20 ans, le biomimétisme peine encore à entrer dans les mœurs des ingénieurs industriels comme méthode d’innovation systématique et organisée. C’est en partant de ce constat que Bioxegy a vu le jour pour tenter de créer le lien entre la recherche et l’innovation autour du biomimétisme. Le métier de l’ingénieur biomiméticien consiste à mettre la connaissance issue de la recherche scientifique bio-inspirée au service des industriels. Il sert ainsi de lien entre le monde de la biologie et celui de la technologie, en tant qu’approche de recherche et d’innovation. Son métier est d’identifier les enjeux sous-jacents à un problème, pour proposer des leviers d’actions biomimétiques susceptibles d’y répondre. Son rôle est également d’accompagner la montée en maturité des technologies développées avec ses partenaires, jusqu’à l’industrialisation. Ingénieur biomiméticien, un métier plein de sens qui répond aux enjeux actuels Si le métier d’ingénieur en biomimétisme est aussi attractif pour des jeunes diplômés aujourd’hui, c’est sans doute en premier lieu qu’il attise la curiosité ! Après tout, qui ne s’est jamais émerveillé devant la beauté, la diversité et l’ingéniosité des êtres vivants ? Faire du biomimétisme son métier, c’est appréhender cette complexité un peu plus chaque jour, avec la garantie d’avoir toujours de quoi satisfaire sa curiosité et sa soif de découverte. Qui plus est, le biomimétisme en tant que métier est relativement nouveau, en France comme au niveau mondial. Ce qui entoure le métier de l'ingénieur biomiméticien reste encore à formaliser et structurer. Les départements de R&D industriels eux-mêmes ne sont pas nécessairement au fait de cette nouvelle méthode d’innovation, ou n’ont pas encore le réflexe d’y avoir recours. L’ingénieur biomiméticien doit donc bien souvent insuffler un changement de paradigme chez ses partenaires industriels. Enfin, l’ingénieur en biomimétisme est avant tout au service de l’innovation et de la R&D. Nous avons ainsi le privilège de travailler main dans la main avec des industriels à la pointe de l’innovation, experts dans leur domaine, et ce dans des secteurs extrêmement variés : de l’horlogerie à la pharmaceutique, en passant par l’aéronautique, l’automobile, l’énergie ou encore le luxe. À l’interface entre le vivant et l’innovation technique, l’ingénieur biomiméticien se doit d’être également en contact permanent avec l’actualité de la recherche académique. Au-delà d’opportunités passionnantes et diversifiées, le biomimétisme vient apporter du sens au progrès industriel en y intégrant le développement durable. En effet, la nature ne produit pas de déchets ! S’en inspirer dans notre manière d’innover permet donc de faire cohabiter le besoin de progrès technique avec l’impératif de durabilité actuel. Cette approche renforce l’attrait du métier d’ingenieur biomiméticien pour de nombreuses personnes préoccupées par la préservation du vivant et de la biodiversité. Ingénieurs en biomimétisme : des compétences très diversifiées ! Vous l’aurez compris, le biomimétisme fait appel à un panel de compétences très large, qu’il est difficile pour un unique ingénieur de maîtriser intégralement. La diversité des domaines d’application du biomimétisme est immense : mécanique, thermique, aérodynamique, chimie, optique, électronique, et tant d’autres encore ! Tant de domaines passionnants, qui nécessitent des personnes passionnées et aux compétences techniques complémentaires ! Qui plus est, la connaissance du vivant et de ses différents mécanismes est essentielle en biomimétisme. Tout l’enjeu d’un bureau d’étude et d’ingénierie spécialiste du biomimétisme comme Bioxegy est ainsi de réussir à faire communiquer et collaborer ensemble des équipes aux profils, compétences et expertises très diversifiées. En définitive, le biomimétisme est aux prémisses d’un développement passionnant, porteur de sens et d’innovations percutantes pour l’industrie multi-sectorielle. Et avec son essor, gageons que le métier d’ingénieur continuera à s’adapter pour répondre aux enjeux actuels grâce au monde vivant !

  • Biomimétisme et production d’énergie

    Les êtres vivants ont besoin d'énergie tout au long de leur vie pour survivre. L'énergie se présente sous de nombreuses formes : thermique, électrique, mécanique, etc. Le vivant regorge de mécanismes dont biomimétisme peut s'inspirer pour améliorer la production d'énergie, ou la réinventer. Un enjeu contemporain majeur pour faire face au changement climatique ! On se souvient de la célèbre phrase du chimiste et philosophe Lavoisier “Rien ne se perd, rien ne crée, tout se transforme”. La production d'énergie est en réalité une conversion d'énergie. Le vivant regorge de mécanismes permettant d'optimiser la conversion d'énergie. Il devient urgent de développer des moyens sobres de production d’énergie, et le biomimétisme fourmille de solutions pour en proposer. Energie solaire : quand le biomimétisme nous éclaire ! L’énergie solaire est l’énergie la plus utilisée chez les êtres vivants. Dans notre article sur la photosynthèse nous vous avions déjà expliqué en quoi le biomimétisme peut s’inspirer des plantes pour produire de l’énergie. Mais les animaux aussi sont une grande source d'inspiration ! Que ce soit pour se réchauffer ou pour rayonner une couleur particulière, les structures, les surfaces, les peaux des animaux sont une source d’inspiration immense pour le biomimétisme et son application à la production d’énergie électrique, notamment à travers les panneaux solaires ou autres cellules photovoltaïques. Le papillon Greta oto est un exemple parfait de modèle biologique pour le biomimétisme. Cet incroyable lépidoptère aux ailes transparentes a développé une capacité de camouflage extraordinaire. La transparence de ses ailes lui permet de ne pas réfléchir la lumière et donc de ne pas se faire repérer par ses prédateurs. Elles disposent également de propriétés auto-nettoyantes et hydrophobes (que l’eau ne mouille pas). Ces performances sont dues à des nanostructures (échelle du nanomètre, soit un milliardième de mètre) en forme de pilier recouvrant ses ailes. Ces structures empêchent les reflets de lumière, peu importe leur angle d’incidence. La composition de ces ailes a ainsi inspiré un revêtement de panneaux solaires ultra-transparent, ce qui permet une absorption de lumière plus importante (5 % de rayons réfléchis seulement contre 30 % pour des panneaux solaires standards) et donc une meilleure production d’énergie électrique d’origine solaire. Ce système étant peu coûteux et simple à mettre en place, l’apport du biomimétisme n’en est que plus évident. Un autre exemple très intéressant pour la production d’énergie est celui de la couleur éclatante de la cuticule (carapace) des scarabées. Pour se faire remarquer des partenaires ou pour effrayer les prédateurs, leur cuticule reflète une couleur bien spécifique, grâce à un empilement de couches microscopiques. Cette structure a notamment inspiré la conception de cellules photovoltaïques semi-transparentes très efficaces, pouvant être utilisées comme vitres par exemple. L’objectif de ces cellules est de laisser passer de la lumière, d’où ce caractère transparent, tout en absorbant un maximum de lumière pour créer de l’énergie électrique. Sur un principe similaire en multi-couches, il est possible de choisir la couleur de la lumière qui traverse le panneau. En effet, l’objectif d’un tel panneau est donc de ne laisser passer qu’une seule couleur de la lumière pour pouvoir capter toutes les autres et les convertir. Le biomimétisme permet ainsi d’augmenter : la capacité de production d’une cellule photovoltaïque semi-transparente (Power Conversion Efficiency), sa transmittance (rapport entre flux transmis et flux reçu) la qualité de la couleur (qui influe sur la quantité d’énergie transmise et captée) par rapport à une autre cellule semi-transparente. Biomimétisme et énergie éolienne : le vent tourne ! Une autre source d’énergie naturelle qu’utilisent les animaux - et notamment la plupart des oiseaux - est le vent. En effet, au décollage, à l'atterrissage ou même en vol, les oiseaux se servent du vent pour augmenter leurs performances… Cette ressource omniprésente sur Terre est une source d’énergie renouvelable pour l’homme, et le biomimétisme n’est également pas en reste pour la production d’énergie grâce au vent ! Un exemple très classique de biomimétisme dans le domaine des énergies éoliennes est de s’inspirer des ailes des oiseaux. En observant leur structure et en innovant, il est possible d’améliorer les performances des éoliennes en imitant le même profil aérodynamique. C’est par exemple le cas de la chouette effraie. Ce rapace nocturne est un grand prédateur. Pour capturer ses proies - en général des petits rongeurs - elle doit s’en approcher sans faire de bruit et rapidement (à plus de 30 km/h). Elle y parvient si bien qu’il s’agit de l’oiseau le plus silencieux au monde. C’est grâce à la forme de ses plumes qu’elle se place en haut du podium : celles situées sur la partie postérieure de l’aile adoptent une forme de peigne, dont l’effet principal est d’accompagner le flux d’air en douceur. Les deux effets principaux sont alors la réduction des turbulences et du bruit. Cette structure en bord de fuite a inspiré des pales d’éoliennes plus performantes aérodynamiquement et surtout acoustiquement (plus silencieuses, réduction de 10 dB dans toutes les directions) que les éoliennes classiques. Un autre exemple de biomimétisme concernant l’énergie éolienne est celui d’un arbre éolien qui capte des flux d’air minimes. L’inspiration est venue de l’observation du comportement des bancs de poissons : chaque individu du groupe parvient à changer de direction très rapidement et facilement malgré tous les flux qui l’entourent. Ce phénomène a inspiré les produits commercialisés par l’entreprise Wind tree, dont les turbines en forme de feuilles permettent une bonne répartition du flux d’air entre elles. Cette technologie peut être utilisée dans des espaces difficiles d’accès et avec peu de vent, comme les espaces urbains, produisant une quantité d’électricité non négligeable. Par exemple, cet arbre éolien peut alimenter 80 % des besoins en électricité d’un ménage français, tout au long de l’année. Le colibri est également une source d’inspiration pour le biomimétisme dans le domaine de l’énergie éolienne. Son battement d’aile si caractéristique a servi de source d’inspiration pour des éoliennes. Ce sont des éoliennes à pâles battantes qui ont été étudiées et fabriquées selon ce principe. L’idée est de reproduire le plus fidèlement possible le battement d’aile très rapide du colibri, qui permet de générer une poussée maximale sur toute sa durée. Les améliorations en termes de production d’énergie de cette éolienne par rapport à une éolienne classique sont énormes, même si à petite échelle pour l’instant (1 kW de puissance). L’entreprise qui a développé cette technologie observe moins de contraintes mécaniques, une meilleure tolérance aux vents forts, et une performance énergétique supérieure. Un modèle à grande échelle est en cours de production. Cet exemple montre de nouveau le potentiel énorme du biomimétisme dans le secteur de la production d’énergie. Exemples de biomimétisme et production d’énergie hydroélectrique Une troisième source d’énergie naturellement abondante est l’énergie provenant de la mer, des rivières et des courants. Par exemple, les êtres vivants marins se servent régulièrement des courants marins pour parcourir de grandes distances. Les ressources marines ou fluviales ont également un très grand potentiel pour la production d’énergie électrique, que ce soit grâce à des hydroliennes, des foils ondulants ou des barrages hydroélectriques. C’est aussi le cas des êtres vivants, dont on peut à nouveau s’inspirer pour innover sur la production d’énergie à partir de l’eau. Le premier exemple est celui d’une inspiration du kelp. Cette algue marine géante est un des varechs les plus grands, souples et résistants du monde. Elle possède des caractéristiques très intéressantes pour se protéger contre les marées, accéder à de l’énergie solaire et se prémunir contre la sécheresse quand ils se trouvent privés d’eau. Ceci est notamment dû aux bulles d’air que les kelps possèdent dans leur structure aidant à la flottaison. Ces bulles permettent également de ne pas s’opposer aux courants marins - en possédant une structure souple - et ainsi de se protéger des dégâts lors de fortes marées. En effet, si les algues résistent trop aux courants et aux marées, elles risquent d’être détruites par la force de la mer. Mieux vaut donc adopter une structure souple et non résistante qui va dans le sens du courant. Ces mêmes bulles d’air lui permettent également de favoriser la photosynthèse en approchant ses extrémités de la surface de l’eau, récupérant ainsi plus de soleil. Enfin, il sécrète également un mucus qui diminue l’évaporation, très utile pour conserver son eau le plus longtemps possible lorsqu’il est hors de l’eau, à marée basse. Ce sont donc ces propriétés qui ont inspiré une hydrolienne complètement différente des modèles traditionnels. Celle-ci prend la forme du kelp. En suivant le mouvement et la direction des vagues et des courants, elle capte de l’énergie qu’elle transforme en électricité. Elle subit aussi moins de dégâts lors de forts courants en se couchant, ce qui la protège. Cette hydrolienne s’est avérée être plus pratique pour sa liaison au réseau, plus résistante et surtout plus efficace énergétiquement que les systèmes conventionnels. Une technologie similaire est celle développée par l’entreprise Eel Energy. Une explication de ce principe est disponible sur notre article Biomimétisme et animaux marins. Une autre application possible du biomimétisme dans la conversion d’énergie hydraulique est celle de l’étude du comportement des bancs de poissons pour développer un parc d’hydroliennes ondulantes mieux organisées et positionnées. Ces éoliennes ondulent comme des poissons plutôt que de faire tourner de grandes pales comme une éolienne traditionnelle. Originellement, les bancs de poissons ont une utilité bien particulière : la défense. En effet, les poissons de petite ou moyenne taille se déplacent en bancs pour s’alimenter librement sans se faire attaquer par des prédateurs (l’effet de groupe étant dissuasif et perturbant). Les bancs de poissons sont parfois composés de plusieurs centaines voire de milliers d’individus. Cela leur permet également de limiter de 80% leurs efforts pour se déplacer et de faciliter leur capture de nourritures (essentiellement des planctons ou autres micro-organismes). Lorsque ces poissons sont en banc, leur placement n’est pas aléatoire. Ils se placent en formation “diamant” naturellement, leur permettant d’avoir des propriétés hydrodynamiques très intéressantes. Lorsqu’ils font partie d’un banc, les poissons doivent sans cesse nager (ne jamais s’arrêter) et garder une distance bien précise entre chacun d’entre eux. Ces positionnements bien particuliers leur permettent de réduire grandement les frottements dus à l’eau pour ceux qui les suivent, ce qui économise leur énergie. Des recherches en cours ont mis en évidence l’intérêt de s'inspirer d'une telle disposition pour améliorer le positionnement des hydroliennes ondulantes dans des parcs de plusieurs éléments. Conclusion De nouveaux articles liés à cette thématique vont être publiés sur notre site dans quelques semaines concernant “le biomimétisme et les exemples d’économie d’énergie” ainsi que “le biomimétisme et les exemples de stockage d’énergie”. Le biomimétisme n’a pas fini de vous surprendre dans le domaine de l’énergie. De nombreuses recherches et développements biomimétiques sont en cours dans le monde entier pour faire face à tous ces enjeux écologiques et énergétiques qui nous concernent tous. En espérant que l’inspiration de la nature nous serve à la protéger. Pour aller plus loin, les sources utilisées pour la rédaction de cet article : Eel Energy : https://www.eel-energy.fr/ Wind Tree : https://newworldwind.com/arbre-a-vent Biomimétisme et exemples inspirés des animaux marins (anguille et hydrolienne)

  • Biomimétisme et animaux marins

    Les animaux marins vivent dans un environnement contraint, et doivent répondre à de multiples enjeux de survie. Les propriétés qu'ils ont développées servent fréquemment comme sources d'inspiration biomimétique dans la recherche et l'industrie. Plongeons ensemble dans cet univers si riche en exemples ! Animaux marins et matériaux : le fond des mers au sommet de l’innovation La journée mondiale de l’eau ce 22 mars 2022 est l’occasion de vous parler des animaux extraordinaires qui se trouvent dans les océans et de leurs propriétés fascinantes ! Avant tout les matériaux qui les composent, qui inspirent de nombreuses innovations par biomimétisme. Des matériaux très résistants pour survivre dans l’océan Certains animaux marins vulnérables doivent se protéger de multiples agressions extérieures : conditions environnementales contraignantes, attaques de prédateur…. D’autres animaux marins possèdent des structures résistantes à des fins de prédation. Ils peuvent ainsi envisager des proies pourtant très résistantes. Dans une approche de biomimétisme, les animaux marins représentent ainsi un vivier d’inspirations particulièrement pertinent pour la conception de matériaux super-résistants. Afin de résister aux agressions de prédateurs, de nombreux animaux marins ont des enveloppes protectrices : peau, écailles, carapace, coque… L’arapaïma par exemple est un poisson vivant en Amazonie avec des écailles lui permettant de résister aux morsures de piranha. La solidité de ses écailles vient de leur structure en plusieurs couches et de la matière résistante de chacune des couches. La reproduction de cette structure d’écaille a permis le développement d’un matériau à la fois flexible et résistant. Ce type de matériau est particulièrement intéressant pour un usage dans les gilets pare-balle par exemple. Mais les animaux marins ne doivent pas seulement se protéger, pour se nourrir ils doivent également posséder quelques atouts. Les crevettes-mantes par exemple sont les stars du biomimétisme tant elles inspirent la recherche. Nous vous évoquions il y a peu leurs yeux très particuliers et la façon dont ils inspirent le domaine de l’oncologie. Mais ce n’est pas tout ! méfiez-vous de ces super-crevettes et de leurs poings ! Les crevettes-mantes les utilisent pour briser les coquilles de leurs proies. Leur puissance de frappe équivaut à une accélération proche de celle d’une balle de pistolet. Imaginez frapper du poing à cette vitesse dans une coquille d'huître : il vous faudrait un revêtement d’une résistance formidable pour pouvoir boxer ainsi quotidiennement sans se blesser ! S’inspirer de la structure interne du poing de la crevette-mante permet la conception de matériaux composites non seulement très résistants, mais aussi très légers. Pour des matériaux plus écologiques inspirés des animaux marins Le biomimétisme permet également d’innover en matière de durabilité, recyclabilité et de procédé de fabrication des matériaux, pour qu’ils soient plus écologiques. Le corps des animaux marins peut être une source de matière première pour la production de matériaux biosourcés, mais ce n’est pas tout. Aussi, le biomimétisme permet de rendre certains procédés de production plus écologiques ou encore de concevoir des matériaux dont la structure est inspirée des animaux marins. Ainsi, certains mollusques à coques, comme les ormeaux, ont une coquille composée de nacre, un matériau composite. La nacre a une architecture en plusieurs couches, ce qui lui confère d'excellentes propriétés structurelles. Elle est très résistante, et permet la survie des mollusques dans leurs conditions environnementales parfois très hostiles. La nacre sert de source d’inspiration pour de nombreux matériaux : composites, céramiques, verres, fibres, revêtements fonctionnels, la liste n’en finit pas de s’allonger ! Par exemple, il est possible de s’inspirer de sa structure pour créer un plastique biodégradable en cellulose et en mica, aux propriétés similaires ! Retournons voir nos amies les crevettes, dont le biomimétisme ne tarit pas d’éloges. Elles doivent se défendre de deux choses : les attaques de leurs prédateurs, et l’infiltration de l’eau dans leur organisme. Ainsi elle revêtent une carapace solide et résistante à l’humidité. Leur secret ? un composé : la chitine. La chitine peut être transformée en chitosane, polymère naturel utilisé entre autres pour la fabrication d’emballage papier, carton, ou bien de plastique. Le Wyss Institute de Harvard a par exemple développé un bioplastique nommé Shrilk, combinaison de carapaces de crevettes (déchets alimentaires) et de soie de ver. Résultat : ce plastique est aussi résistant qu’un alliage en aluminium tout en étant deux fois plus léger. La chitine n’est pas seulement présente dans l’exosquelette des crevettes, c’est une molécule très répandue dans le vivant ! On la trouve dans la cuticule, c'est -à -dire la couche externe solide, de nombreux animaux marins et terrestres (insectes, mollusques, crustacés), mais aussi dans des algues ou des champignons ! Les animaux marins fourmillent d'exemples de matériaux résistants à la biodégradation dont nous pouvons nous inspirer pour construire le monde de demain ! Pour aller encore plus loin en matière de biomimétisme marin, des matériaux de couleur adaptative sont inspirés des animaux changeant de couleur dans les océans, pour se camoufler ou pour communiquer, comme les pieuvres ou les seiche. Des innovations énergétiques inspirées des animaux marins La consommation énergétique industrielle est un enjeu capital, sur les plans économique et environnemental. Le biomimétisme permet d’optimiser la production et la consommation d’énergie, grâce à de nouvelles sources et méthodes de production. Optimiser la production d’énergie grâce aux déplacements des animaux Certains animaux marins sont capables de se déplacer très vite dans l’eau, à des fins de prédation ou de fuite. En s’inspirant des mécanismes de conversion d’énergie en jeu, il est possible de développer des technologies innovantes. Par exemple, le biomimétisme marin permet une optimisation de la production d’énergie hydraulique, en s'inspirant des anguilles qui se déplacent en ondulant. Eel energy est une société qui propose une technologie d’hydrolienne disruptive, complètement différente des hydroliennes classiques semblables à des éoliennes. Cette hydrolienne est une grande membrane conçue pour onduler au gré du courant. Cette forme est par ailleurs beaucoup moins gênante pour les écosystèmes, de par l’absence de turbines et de pales qui pourraient blesser les organismes. Le dispositif produit de l’énergie même lorsque le courant est relativement faible. Placé stratégiquement, il produit de l'électricité pendant 50 % du temps, soit deux fois plus que les éoliennes classiques. L’air est un fluide tout comme l’eau. L’inspiration des animaux marins peut donc s’appliquer autant pour des hydroliennes que pour des éoliennes. Un bel exemple de forme bio-inspirée pour optimiser la production d’énergie des éoliennes est celui des baleines à bosses. Leurs stratégies de chasse extrêmement sophistiquées nécessitent une grande agilité relativement à leur taille. Leur secret : leurs nageoires présentent une surface tuberculée. Ces tubercules - leurs “bosses” - sont des protubérances qui renforcent l’hydrodynamisme des nageoires et permettent à la baleine de très bien se propulser dans l’eau. De la même façon, il est possible d’améliorer les propriétés aérodynamiques des pâles d’éoliennes en y ajoutant des tubercules. Le biomimétisme marin, c’est aussi optimiser la production d’énergie en s’inspirant de la forme des animaux ! La raie manta - ou diable des mers - est un grand animal qui ondule pour se propulser vers l’avant. Plusieurs grandes entreprises dans le secteur de l'aéronautique (NASA, Boeing, etc.) cherchent à créer les avions commerciaux du futurs, silencieux, et surtout aérodynamiques et économes en énergie. En attendant l’avion grand format, la société Lilium a déjà finalisé la conception d’un mini-jet 5 places inspiré de la raie manta. Mise sur le marché prévue d’ici 2025 ! Les surfaces des animaux marins sont elles aussi source d’inspiration biomimétique pour réduire la consommation énergétique d’équipements ou engins, que ce soit des surfaces de peau, d’écaille ou de carapace. La microstructure de surface de ces enveloppes permet souvent d'améliorer l’aérodynamisme quand appliqué en revêtement sur des carrosseries de voitures, ou l’hydrodynamisme quand appliqué sur des coques de bateaux. Par exemple, reproduire la microstructure de surface des écailles du poisson voilier, un des poissons les plus rapides des fonds marins, a permis de créer un revêtement réduisant jusqu'à près de 20% la traînée d’un véhicule. Côté maritime, reproduire la structure de surface des globicéphales, une espèce de dauphin, a permis de produire un revêtement réduisant de 20% les dépenses en carburant. Le biomimétisme marin ne s’arrête pas à l’inspiration des caractéristiques individuelles de chaque animal marin. Le biomimétisme, c’est également s'inspirer de comportements collectifs. En effet, certaines disposition d’animaux en groupe permet une économie d’énergie globale du collectif, bénéfique à chaque individu. Dans les océans, un exemple classique est celui des bancs de poissons, qui se déplacent en bande de centaines voire de milliers d’individus ! Une telle disposition leur permet de diminuer de 80 % leurs efforts pour se déplacer. Elle facilite également la capture du plancton pour leur alimentation. Enfin, dans un but de protection, cette conformation réduit le risque qu’un individu se fasse dévorer. La disposition des poissons dans le banc inspire l’optimisation du placement de foils ondulants (c'est-à-dire les ailes) sur les hydroliennes, permettant un gain énergétique de plus de 20 %. Cette disposition permet également de disposer des éoliennes entre elles, pour un gain énergétique jusqu’à 10 fois supérieur aux éoliennes standard ! De nouvelles batteries inspirées des animaux marins Le biomimétisme marin permet enfin de faire des progrès en matière de stockage ou d’identification de sources d’énergie. Certains animaux marins ont par exemple cette curieuse capacité à générer de l'électricité. Ils sont une source d’inspiration pour une toute nouvelle génération de batteries. Parmi ces animaux marins : les anguilles électriques, qui se protègent de prédateurs en créant des décharges électriques. Ces dernières possèdent des cellules spécialisées appelées électrocytes (cellules électriques). Sous l’action d’une stimulation nerveuse, les électrocytes changent la circulation des ions dans les canaux ioniques de leur membrane, ce qui induit une différence de potentiel de quelques microvolts. La mise en série de nombreuses cellules permet de cumuler le voltage et d'atteindre des tensions de plusieurs centaines de volts. L’anguille peut délivrer des tensions jusqu’à 860V ! Un nouveau système de batterie efficace s’inspire de ces étonnants animaux en reproduisant leur système de génération de courant. Des cellules en hydrogel permettant un passage sélectif de certains ions reproduisent le fonctionnement des électrocytes. Ces cellules souples sont empilées pour former un organe électrique artificiel capable de générer plus de 100 volts. Les animaux marins : s’en inspirer pour notre santé Le biomimétisme est un outil puissant pour faire avancer la médecine. Les animaux marins, comme la plupart des êtres vivants, font eux-mêmes face à des problèmes de santé et d’hygiène pour leur survie : cicatriser des plaies, lutter contre des maladies, éviter les contaminations bactériennes, etc. Le biomimétisme marin permet de répondre à des enjeux dans le secteur de la santé, par exemple par l’identification de substances biochimiques pour lutter contre des contaminants et maladies, ou bien le développement de matériaux biocompatibles à usage médical. Des médicaments à la cosmétique Les animaux marins produisent des substances qui peuvent être sources d’intérêt dans le domaine de la santé, pour la production de médicaments ou de cosmétiques. Les moules utilisent des filaments protéiques appelés byssus pour coller fortement aux rochers et résister aux courants marins. Le byssus des moules est une source d’inspiration pour la formulation de nombreuses colles industrielles. Ces colles sont non toxiques et elles ont cette propriété de coller des surfaces ou des composants en milieu humide. Mais cette propriété de collage est également intéressante pour des applications médicales ou cosmétiques. Cette colle utilisée par les moules, la polydopamine, est utilisée en adjuvant pour de la chimiothérapie : elle permet d’encapsuler le médicament et le délivrer de manière très localisée dans le corps du patient. Le médicament encapsulé se colle sur certaines zones. Ensuite, la polydopamine étant sensible aux infrarouges, la focalisation des rayons sur l’endroit précis de la tumeur permet d’activer le médicament juste là où il faut. Cette substance collante permet également de réinventer les crèmes solaires pour qu’elles soient hautement adhésives à la peau. Une crème solaire utilisant de la polydopamine permet de particulièrement bien résister dans l’eau. Son indice SPF est SPF195, c'est-à-dire que la crème décuple 195 fois la capacité de protection normale de la peau. Moins d’inquiétude pour vos baignades sous un soleil de plomb ! La chirurgie de demain inspirée par les animaux marins L’inspiration des animaux marins dépasse les simples substances actives médicinales ou cosmétiques, le biomimétisme marin permet également d’innover sur les outils et procédés de chirurgie. Le ver marin sécrète une substance lui permettant d’agglomérer les grains de sables entre eux et de former des tubes solides qui lui servent d’abri. Cette substance a inspiré la formulation d’une colle biocompatible pour la suture médicale. Très visqueuse, et hydrophobe, elle reste beaucoup mieux en place que d’autres colles médicales. Une fois appliquée sur la plaie, le chirurgien utilise une lampe UV sur la colle pour la polymériser, c'est-à-dire la faire passer d'un état de liquide visqueux à un solide flexible en quelques secondes. Un produit qui change la donne en bloc opératoire ! Le bras du poulpe a quant à lui inspiré l’innovation en matière d'outils chirurgicaux. Le bras du poulpe est capable de se faufiler dans des zones difficilement accessibles. Le poulpe modifie la structure de ses bras afin de se camoufler et de se protéger en accédant à des espaces confinés. Ainsi un bras médical inspiré du bras du poulpe a été conçu. Il est composé de matériaux souples qui lui garantissent des capacités de mouvement similaires à celles des bras des pieuvres, et permettent un accès plus facile à des zones internes du corps difficiles d’atteinte. Le biomimétisme marin n’a pourtant pas fini de nous étonner dans le milieu médical. De nombreux dispositifs médicaux bio-inspirés comme des capteurs ou des micro-robots sont aujourd’hui en développement pour impacter la santé et les technologies de demain ! Pour aller plus loin, les sources utilisées pour la rédaction de cet article : La belle pieuvre arc-en-ciel : https://www.brut.media/fr/entertainment/une-pieuvre-arc-en-ciel-filmee-au-large-des-philippines-c2bd09c5-a2c9-4bf7-84c8-218aef5733ab Une colle médicale bio inspirée : https://www.mnhn.fr/fr/une-colle-bio-inspiree La star du biomimétisme - la crevette mante : https://www.youtube.com/watch?v=2Cd_CvuWAZI Un bioplastique bio inspiré de la nacre : https://www.numerama.com/sciences/664064-ce-materiau-inspire-de-la-nature-peut-il-remplacer-le-plastique.html Eel Energy : https://www.eel-energy.fr/

  • Avec la photosynthèse, faisons une fleur à la planète !

    Qui n’a jamais entendu parler des forêts comme des “poumons de la Terre” ? Lorsque se posent des problématiques écologiques, les végétaux nous apparaissent souvent comme la solution vers laquelle orienter l’innovation. La photosynthèse, en particulier, est au cœur de la recherche. Et pour de bonnes raisons : en reproduisant ce phénomène artificiellement, il devient possible de créer et stocker de l’énergie, améliorer les conditions de vie dans les villes et même faire progresser la médecine ! La photosynthèse, de l’énergie à revendre ! La photosynthèse est le processus bioénergétique qui permet à certains organismes de synthétiser de la matière organique en utilisant la lumière du soleil. On estime que ce phénomène est apparu il y a 2,45 milliards d’années, chez les cyanobactéries. Cette photosynthèse, nous la devons aux chloroplastes, des organites spécifiques aux plantes/cellules végétales. Ces chloroplastes sont, en quelque sorte, une “boîte à outils” contenant tous les instruments nécessaires à la photosynthèse. En captant la lumière du soleil, les chloroplastes cassent les molécules d’eau (H2O), et séparent les atomes d’hydrogène des atomes d’oxygène. Cela permet de libérer de l’énergie, qui est alors utilisée pour produire des glucides (sucres). Pour cela, des atomes d'hydrogène sont associés à des molécules de dioxyde de carbone et les atomes d’oxygène sont rejetés. L’énergie solaire captée par les chloroplastes est stockée dans ces glucides. À l’échelle mondiale, l’énergie solaire ainsi récupérée et transformée par la biosphère équivaut à 6 fois celle produite par l’ensemble des activités humaines ! Avec de telles performances, la photosynthèse offre des perspectives prometteuses en termes de stockage et production d’énergie ainsi que de réduction de notre bilan carbone. La photosynthèse artificielle, un casse-tête prometteur Compte tenu de l’incroyable performance de la photosynthèse dans la nature, il n’est pas étonnant que nous ayons envie de faire pareil ! La photosynthèse artificielle est un défi pour les chercheurs, qui, malgré de nombreuses découvertes, ont encore beaucoup de progrès à faire. Actuellement, il existe déjà des appareils capables de réaliser une photosynthèse artificielle, mais ceux-ci s’usent généralement rapidement et doivent être fréquemment remplacés. Récemment, une équipe de chercheurs de l’Université du Michigan et du Lawrence Livermore National Laboratory a mis au point un dispositif photosynthétique artificiel dont l’efficacité augmente avec le temps. Initialement l’appareil avait été conçu pour produire de l'hydrogène propre, et avait déjà donné de très bons résultats. En essayant de comprendre d’où venaient les bonnes performances de l’appareil, les chercheurs de l’équipe ont découvert que celui-ci gagnait en efficacité au fur et à mesure qu’il était utilisé. Une découverte intéressante, certes, mais probablement encore insuffisante ! La photosynthèse artificielle est un véritable casse-tête, et les progrès faits par l’homme sont encore minimes comparés à ceux qu’il reste à faire. À défaut de parfaitement maîtriser la photosynthèse artificielle, il est possible de donner un coup de pouce à la photosynthèse naturelle ! En s’inspirant des carboxysomes du phytoplancton, on peut en effet améliorer le rendement de la photosynthèse dans d’autres cellules végétales. Les carboxy-quoi ? Car-bo-xy-somes ! Ce sont des micro-compartiments présents dans des cellules bactériennes (on pourrait les comparer aux chloroplastes). Ils contiennent des enzymes, qui sont responsables de la fixation du dioxyde de carbone lors de la photosynthèse. Plus particulièrement, les carboxysomes permettent de concentrer le CO2 là où se trouve l'enzyme Rubisco. Avant toutes choses, une enzyme, qu’est-ce que c’est ? C’est une protéine, produite par nos cellules, qui agit comme catalyseur dans les réactions chimiques. C'est-à-dire qu’une enzyme rend possible des réactions chimiques qui ne se feraient pas sans elle. L’enzyme Rubisco, en particulier, joue un rôle important dans la photosynthèse. Elle a deux types d’activités : soit elle limite le phénomène photosynthétique, soit au contraire elle augmente son rendement. Or les carboxysomes permettent de concentrer le CO2 autour de la Rubisco, et favorisent donc l’activité qui accentue la photosynthèse. Drôlement pratiques, ces carboxysomes ! En ayant recours à des modifications génétiques, il devient ainsi possible de faire produire des carboxysomes à des plantes, et de provoquer ce phénomène de concentration du CO2. La photosynthèse n’est plus limitée par la Rubisco, et ne dépend plus que de l’ensoleillement. Grâce à ce procédé, on pourrait augmenter le rendement agricole (la photosynthèse contribue à apporter de l’énergie aux plantes donc à renforcer leur croissance) de près de 36%, soit un peu plus d’un tiers ! La photosynthèse, un carburant vert ? Mais au fait, pourquoi se fatigue-t-on à recréer la photosynthèse artificiellement ? Tout simplement parce qu’elle offre des solutions durables à de nombreuses problématiques. En particulier, elle pourrait être à l’origine de carburants propres ! De nombreux procédés industriels utilisent de l’acide formique, qui peut servir de carburant propre ou être converti en hydrogène. Or, généralement, la production d’acide formique à partir de CO2 produit aussi de nombreux déchets. En s’inspirant de la photosynthèse, des scientifiques de l’Université de Cambridge ont conçu un photocatalyseur, ou “photofeuille”, capable de synthétiser de l’acide formique à partir d’eau et de dioxyde de carbone, en ne laissant presque aucun déchet, et sans utiliser d’électricité ! Des catalyseurs métalliques sont utilisés pour absorber la lumière, jouant ainsi le rôle du pigment chlorophylle dans la photosynthèse naturelle. Ces pigments, dits assimilateurs, permettent la transformation de l’énergie lumineuse en énergie chimique qui a lieu au cours de la photosynthèse. Les nanoparticules d’or sont particulièrement efficaces en tant que catalyseurs métalliques : leurs surfaces interagissent favorablement avec les molécules de CO2, elles absorbent efficacement la lumière, et elles ne se dégradent pas... La photofeuille a des goûts de luxe ! Le dispositif ne mesure actuellement que 20 cm² mais pourrait être facilement mis à l’échelle pour une utilisation industrielle. En revanche, son rendement énergétique reste encore assez faible, et vise une productivité à plus long terme. Le dispositif de photofeuille est une belle innovation mais encore toute petite avancée. La photosynthèse, nouvelle championne de l’industrie ? Dépolluer grâce à la photosynthèse : c’est l’objectif que s’est fixé CarbonWorks, une coentreprise créée par Suez et Fermentalg, qui a pour ambition de valoriser le CO2 généré par les activités industrielles. Pour y parvenir, l’entreprise compte sur la photosynthèse des microalgues. Celles-ci se développent grâce au carbone contenu dans le CO2, mais également grâce à l’oxyde d’azote et aux particules fines. En captant le CO2 produit par l’industrie, CarbonWorks produit de la matière organique à partir d’algues (biomasse algale), qui pourrait ensuite servir de fongicides ou d’aliments pour animaux. L’entreprise a déjà mis au point deux prototypes. Le premier a été installé dans une école pour y purifier l’air ambiant, tandis que le second a été testé dans une station d’incinération. L’avantage de ce procédé est qu’il occupe peu de terres agricoles, consomme peu d’eau, et ne porte pas atteinte à la biodiversité. La photosynthèse pourrait rendre votre vie plus belle La photosynthèse, un architecte aux idées lumineuses ! Pour capter le plus de lumière possible, et ainsi réaliser sa photosynthèse, une petite plante grasse nommée Haworthia Obtusa, que l’on trouve dans les régions aride d’Afrique du Sud, a été dotée de caractéristiques bien particulières : elle a la particularité d’avoir des cellules transparentes ! Celles-ci captent la lumière, et la diffusent ensuite vers l’intérieur de la plante, où se situent les cellules chlorophylliennes, impliquées dans la photosynthèse. Une caractéristique aussi jolie qu’efficace : la Haworthia Obtusa peut réaliser sa photosynthèse dans l’obscurité. Une fois n’est pas coutume, l’ingéniosité de la nature est une source d’inspiration pour l’homme. En utilisant le même système de captation de la lumière que l’Obtusa, il est possible d’éclairer l’intérieur de bâtiments grâce à la lumière du soleil. Un dispositif de cellules artificielles capte la lumière du soleil en haut d’un bâtiment, puis la diffuse vers l’intérieur du système jusqu’à une fibre optique, qui joue le rôle des cellules chlorophylliennes. La fibre optique amène ensuite la lumière vers les éclairages du bâtiment. Un tel système présente deux avantages. D’une part, il capte beaucoup plus de lumière qu’avec une fibre optique simple. D’autre part, il permet de limiter la consommation d’énergie due à l’éclairage. Cependant, le dispositif n’est pas sans failles : il ne fonctionne pas la nuit ! L’Obtusa n’est pas la seule à bénéficier de l’ingéniosité de la nature ! De manière générale, la structure des plantes est faite pour maximiser la surface foliaire ensoleillée, afin d’optimiser leur photosynthèse. Les feuilles sont implantées de manière stratégique, pour laisser un maximum d’accès au soleil. La phyllotaxie, qui étudie les dispositions et arrangements chez les végétaux, permet de s’inspirer de l’implantation des feuilles pour optimiser la surface exposée au soleil d’un bâtiment. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait les frères Teva et Nicolas Vernoux, respectivement biologiste et architecte. Ces derniers ont conçu le design de maisons surélevées sur deux niveaux et spiralées mimant la phyllotaxie, pour favoriser la récupération de la lumière du soleil. En optimisant ainsi la surface ensoleillée d’un bâtiment, on peut réduire jusqu’à 20% de l’énergie dépensée en chauffage ! La photosynthèse, un vent de fraîcheur ! Avez-vous déjà entendu parler des “îlots de chaleur urbains” (ICU) ? Cette expression désigne un phénomène d’élévation de la température en milieu urbain, par rapport aux zones rurales voisines. Ce sont des microclimats artificiels, provoqués par les activités humaines en région urbaine. De manière générale, et encore plus dans un contexte de dérèglement climatique, ce phénomène a de nombreux effets néfastes. Les îlots de chaleur urbains peuvent aggraver les épisodes de canicule, avoir des répercussions sanitaires conséquentes, et bien sûr affecter la biodiversité des zones concernées. Pour lutter contre ce phénomène, une jeune start-up, Urban Canopee, propose de créer une canopée artificielle afin de rafraîchir les villes. Les Corolles composant cette canopée sont faites d’une armature légère en composite sur laquelle est posé un couvert végétal de plantes grimpantes. Elles créent ainsi des zones d’ombre, captent le CO2 grâce à la photosynthèse des plantes la composant, et rafraîchissent la ville par évapotranspiration (émission de la vapeur d’eau de la surface du sol vers l’atmosphère via l’évaporation et la transpiration des plantes). Par ailleurs, l’armature est posée dans un pot connecté, qui fonctionne à l’énergie solaire. Celui-ci contient des capteurs permettant de gérer l’irrigation et d’assurer un suivi de l’installation, mais également d’effectuer toute sorte de relevés (températures, hygrométrie, particules diverses, présence de la biodiversité). Enfin, cerise sur le gâteau : les structures sont connectables, pour couvrir une large surface en l’air tout en occupant un minimum de surface au sol. Avec la photosynthèse, la médecine n’a qu’à bien se tenir ! La photosynthèse fait vivre les plantes, mais si elle faisait aussi vivre les humains ? En effet, la photosynthèse artificielle ouvre des portes dans le domaine de la santé, et pas des moindres… Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont aujourd’hui la deuxième cause de mortalité en France, et un problème de santé public majeur. Même pour les survivants, les séquelles peuvent être graves, et parfois même irréversibles. Cela s’explique par le fait que la prise en charge d’un AVC est complexe : il faut intervenir en quelques heures. Lors d’un AVC dit ischémique (soit 80 à 85% des cas), un caillot sanguin obstrue une artère cérébrale, ce qui déclenche une baisse du flux sanguin, et une mauvaise oxygénation des neurones. C’est ce manque d’oxygène qui est à l’origine des séquelles que provoque l’AVC. Or, d’après les recherches d’une équipe de l’université des sciences et des technologies de Wuhan, il serait possible, grâce à la photosynthèse, de pallier cette diminution d’oxygène le temps de prendre en charge l’AVC. Comment ? Et bien tout simplement en utilisant des cyanobactéries, plus particulièrement la Synechococcus elongatus, capable d’effectuer de la photosynthèse, et donc d’absorber le dioxyde de carbone rejeté par les cellules cérébrales et de rejeter de l’oxygène. C’est bien beau, me direz vous, mais pour la photosynthèse, il faut de la lumière ! Et on a beau être quelqu’un de brillant, il n’y a pas de lumière dans notre cerveau… Mais à chaque problème sa solution : la Synechococcus elongatus est injectée avec des nanoparticules dont le cœur est constitué de néodyme (métal du groupe des terres rares, on en trouve par exemple dans les pierres à briquets !). Ces particules captent les rayonnements dans l’infrarouge proche, et les réémettent sous forme de lumière visible. Une fois les cyanobactéries et les particules injectées, il suffit donc d’émettre des infrarouges à l’extérieur du crâne, ceux-ci pénétrant facilement les tissus, pour activer la photosynthèse des nanoparticules. Un jeu d’enfant ! Et les résultats sont concluants : on trouve moins de neurones morts à la suite de l’AVC, et la thérapie favorise la création de nouveaux vaisseaux sanguins (ce qu’on appelle l’angiogenèse). Le traitement en est encore à un stade expérimental, mais ses bons résultats en font une piste très prometteuse pour soigner les AVC. Mais ne nous arrêtons pas là : que diriez-vous de synthétiser des médicaments grâce à l’énergie solaire ? C’est ce que propose la Eindhoven University of Technology, avec son dispositif de “feuille-usine” en silicone. Cette toute petite structure (seulement quelques centimètres) a pour but d’absorber la lumière avec des pigments fluorescents imitant la chlorophylle, et d’utiliser l’énergie captée pour transformer des composés liquides en médicament. C’est ce que l’on appelle de la photochimie. Ces pigments sont intégrés dans le dispositif en silicone, qui possède également la capacité de réguler les flux de réactifs selon l’intensité de la lumière, et donc de maximiser les rendements quelles que soient les conditions d’ensoleillement : 90% par temps dégagé et 40% par temps couvert. Décidément, la photosynthèse n’a pas fini de nous impressionner ! La photosynthèse est un phénomène naturel fascinant, et un défi scientifique plein de promesses ! Malgré toutes ses belles découvertes, l’homme a encore beaucoup de progrès à faire pour développer la photosynthèse artificielle, et pouvoir exploiter toutes les opportunités qu’elle offre. Énergie solaire, carburants, conditions de vie urbaines, santé… prendre exemple sur la nature n’a jamais été aussi bénéfique ! Pour en apprendre encore plus sur la photosynthèse, et sur les perspectives qu’offre l’énergie solaire, n’hésitez pas à consulter notre article sur l’Institut Photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF).

  • Algue : une ressource riche en promesses encore inexploitée !

    Les algues ne sont pas juste des déchets visqueux sur la plage ou de jolies plantes au fond des mers. Les algues jouent un rôle essentiel dans la nature et la biodiversité. Plus encore, c’est une matière qui peut être valorisée dans de nombreux secteurs et pour des applications très diverses. Algues & biodiversité : une longue histoire La journée mondiale de la vie sauvage est une journée de célébration de la faune, de la flore, et des avantages que leur conservation nous procure. C’est l’occasion de vous parler de plantes aquatiques bien connues et au potentiel sous-estimé : les algues ! L'histoire des algues Les algues comptent parmi les premiers végétaux apparus sur Terre. On estime que la première algue est née il y a plus d’un milliard d’années. Depuis, les algues ont bien évolué, en forme comme en nombre. Tout d’abord, elles peuvent être de différentes tailles. Les plus connues du grand public sont les macroalgues : ce sont des grandes algues vertes, brunes ou rouges qu’on retrouve souvent dans des eaux peu profondes et parfois échouées sur nos plages. Mais il ne s’agit pas que de quelques espèces, la base de données Algeabase recense près de 9000 espèces de macroalgues ! Flottant dans l’eau et invisibles à l'œil nu, les microalgues sont de taille microscopique. Pourtant, elles sont présentes en grande quantité dans les océans comme dans les sources d’eau douce. Bien que seulement une centaine de milliers d'espèces de microalgues soit recensée, on estime qu’il y en a en réalité plusieurs millions ! Deux différentes échelles : les macroalgues et les microalgues - Crédits : Les fonctions des algues Dans certains cas particuliers, les algues peuvent être considérées comme des plantes invasives, c'est-à-dire qu’elles peuvent nuire à l’environnement, aux écosystèmes, à l'économie ou à la santé humaine. Un exemple d’algue envahissante est celui des ulves en Bretagne qui s’échouent en grandes quantités sur les plages bretonnes : on parle de “marées vertes”. La putréfaction de ces algues est pour l’homme une nuisance visuelle, mais surtout olfactive. Elle dégage de l’hydrogène sulfureux, source d’odeur nauséabonde mais également produit néfaste pour les espèces vivants dans l’écosystème. A ces exceptions près, les algues sont en réalité très utiles aux écosystèmes dans lesquels elles se trouvent. Les microalgues sont d’abord le premier maillon de la chaîne alimentaire, une nourriture pour de nombreux poissons dans les océans. Les macroalgues quant à elles sont un habitat pour certaines espèces. Enfin, les macroalgues comme les microalgues se développent par photosynthèse. Elles ont donc comme propriété intéressante de stocker le carbone ainsi que de produire de l’oxygène. Selon l’encyclopédie Britannica, les algues seraient à l’origine de 30 à 50% de l'oxygène produit à l’échelle mondiale ! Les algues : une ressource extraordinaire multi-secteur Les algues ont un potentiel économique gigantesque, le site Fortune Business Insight analyse ainsi le marché des algues comme un marché en pleine expansion, déjà évalué en 2020 à plus de 14,1 milliards d’euros ! La demande en algue est croissante dans de multiples secteurs que nous allons vous faire découvrir dans la suite de cet article. Les algues gardent l’homme en bonne santé Les algues peuvent être exploitées de manière à avoir un impact positif sur la santé humaine. Les algues peuvent être valorisées de multiples façons notamment dans l’industrie pharmaceutique. Des substances peuvent être extraites de certaines algues et exploitées pour leurs bienfaits sur le corps humain. La fucoxanthine par exemple est au cœur de diverses études. Elle peut être extraite d’algues brunes et utilisée à des fins médicales, dans la lutte contre le cancer ou contre l’obésité par exemple. Les algues sont également de bonnes candidates pour prévenir ou ralentir des maladies neurodégénératives. Elles sont neuroprotectrices car elles ont des propriétés permettant d’emprisonner ou transformer des métaux lourds et polluants chimiques nocifs pour le cerveau pour ensuite les éliminer. Mais des chercheurs chinois de l’Institut des matériaux médicaux de Shanghai ont également mis en lumière que les algues peuvent influencer la composition du microbiote intestinal et ainsi prévenir la maladie d’Alzheimer, une maladie aujourd’hui incurable et qui touche pourtant beaucoup de personnes âgées. Plus largement, les algues sont connues pour être source de quantités de vitamines et de minéraux, et sont exploitées pour produire des compléments alimentaires. Ce n’est pas tout, les algues permettent aussi d’innover dans la fabrication et l’usage de médicaments : l’alginate, composé à base d’algue, permet d’encapsuler des produits, des substances actives, des substances biologiques,... L’encapsulation de substance active dans l’alginate présente de nombreux avantages. Elle permet par exemple de libérer les molécules dans le corps de manière ciblée, contrôlée et prolongée. Cette technologie permet d’imaginer une posologie du médicament simplifiée : la prise d’une capsule permet l’administration de la substance active de manière continue et sur une longue période, alors que la prise de médicament absorbé directement par l'organisme implique une prise du médicament par petite doses, de manière discontinue. Cette innovation change non seulement la donne pour les personnes qui doivent prendre beaucoup de médicaments, mais elle permet également de personnaliser les thérapies et de doser finement la quantité de substance active à libérer selon la personne malade. La technologie d’encapsulation permet également de développer des médicaments innovants. L’entreprise Treefrog Therapeutics, par l’encapsulation de cellules souches, a pour ambition de débloquer l'accès aux thérapies cellulaires pour des millions de patients, pour des maladies comme celle du Parkinson. Une révolution dans le monde pharmaceutique ! Les algues sont également une matière de grand intérêt pour l’industrie cosmétique. On peut faire un parallèle entre les contraintes vécues par les algues et le stress que peut subir notre peau : les algues doivent lutter contre la déshydratation, les rayons UV, les bactéries, les lésions physiques,… Ainsi, les algues sont sources de divers produits cosmétiques comme des crèmes hydratantes produites à partir d’algues laminaires, ou des crèmes solaires à base d’extraits d’algues rouges. Enfin, par leur propriétés de biofiltration et de stockage du CO2, les algues ont le potentiel de purifier l’air et de le dépolluer. Plusieurs sociétés comme Fermentalg ou Kyanos Biotechnologies développent différentes formes de mobilier urbain pour dépolluer l’air des grandes métropoles. Des algues dans les champs jusqu’à nos assiettes Si les algues sont les premiers maillons de la chaîne alimentaire dans leur milieu naturel, elles peuvent être des maillons plus loin dans cette chaîne : dans l’industrie agro-alimentaire pour l’alimentation animale et humaine notamment. En agriculture, les algues sont d’excellents fertilisants biologiques. Plus qu’une source de nutrition pour les plantes, les algues peuvent même avoir un rôle de protection et permettre de lutter contre certaines maladies de plantes. L’entreprise Immunrise Control développe ainsi un bio-pesticide à base de microalgues pour lutter contre des champignons pathogènes de la vigne (mildiou et botrytis). L’algue est également une matière très répandue dans le secteur de l’alimentation. Elle se trouve parfois directement dans nos assiettes sous une forme peu transformée, comme le wakame ou les algues nori qui enveloppent les maki japonais. Mais elles sont également cachées dans certains additifs alimentaires ! L’agar-agar est utilisé comme épaississant alternatif à la gélatine, et la spiruline est un colorant alimentaire, unique colorant bleu naturel autorisé dans l’alimentation. Bien que la consommation d’algues ne soit pas encore pleinement démocratisée dans le monde, les algues peuvent être une source de nutriments importante dans notre alimentation. D’autant plus que la production ou transformation de ces produits est rapide et à faible impact environnemental. Les algues sont une ressource alimentaire intéressante, dans un monde ou des tensions et des pénuries alimentaires sont présentes et sont amenées à grandir. Les algues : une source insoupçonnée d'énergie Produire une énergie verte est certainement un des enjeux majeurs du XXIème siècle. Les algues permettraient-elles une transition d’un or noir à un or vert ? Des biocarburants produits à partir de végétaux terrestres (céréales, betterave, colza, soja,…) existent déjà sur le marché des carburants verts, comme le bioéthanol (pour les moteurs à essence) produit à partir de glucides fermentés ou le biodiesel produit à partir d’huiles végétales. Malheureusement, ces carburants sont produits à partir de matières premières utilisées également dans l’industrie-agroalimentaire. Cette concurrence peut amener à des tensions entre les deux marchés et pose une problématique majeure pour l’intensification de l’usage de ces agrocarburants. Les microalgues offrent une bonne alternative en matière de biocarburant pour pallier ce problème. De l’huile peut être extraite de microalgues pour produire de la même façon qu’avec les huiles végétales du biodiesel. Les microalgues contiennent également des sucres qui peuvent servir à produire du bioéthanol par fermentation. La production d’algocarburant est par ailleurs bien plus écologique que celle d’agrocarburant car l’activité agricole intensive est source de pollution et nécessite jusqu'à 30 fois plus de superficie pour atteindre de quantité similaire en algocarburant. Pour produire de l’énergie, les microalgues peuvent également être méthanisées. A l'issue de ce procédé est formé du biogaz qui peut servir à produire de l’électricité ou de la chaleur par exemple. Une utilisation originale de ce potentiel d’exploitation des algues est d’ailleurs mise en place à Hambourg : il s’agit de l’AlgenHaus (la maison aux algues).. La façade de ce bâtiment est couverte de photobioréacteurs, panneaux dans lesquels poussent des microalgues. Le gaz produit à partir de ces algues alimente le bâtiment en chaleur, qui est alors complètement autonome en chauffage. Les algues n’ont pas fini de nous étonner ! Les algues sont surprenantes tant elles sont utilisées dans des industries et secteurs différents. Les applications présentées dans cet article sont pourtant une liste non exhaustive de toutes celles existantes et en cours de développement. Il émerge aujourd’hui de plus en plus d’inventions s’inspirant ou utilisant des algues pour faire des matériaux novateurs, comme du plastique bio-sourcé, des revêtements innovants,des peintures antifouling protégeant la coque de bateaux, et tant d’autres technologies vertes mais déjà bien mûres !

  • Biomimétisme et exemples inspirés des végétaux

    Les végétaux qui nous entourent, sur terre et en mer, sont une formidable source d’inspiration pour les technologies de demain. Plongeons dans l’univers des végétaux et explorons leur ingéniosité pour en tirer des exemples biomimétiques, de l'algorithmique à l’aménagement du territoire en passant par l’énergétique. Les végétaux, une histoire vieille comme le monde L'histoire des végétaux remonte à plusieurs milliards d’années. Nées d’une symbiose entre des bactéries et des organismes monocellulaires, des micro-algues commencent à se propager dans les milieux aquatiques. S'en est suivie la colonisation de la terre ferme puis des millions d’années d’évolution, de diversification, de reproduction pour former les écosystèmes vivants qui nous entourent, dont le nombre d'espèces est estimé à plus de 400.000, chiffre qui est loin d’être figé, 2000 espèces sont encore découvertes chaque années à travers le monde. Les végétaux inspirent déjà et ne cesseront d'inspirer bon nombre de technologies pour les rendre plus performantes, plus sobres, plus durables dans tous les secteurs industriels. Plus qu’une source d’inspiration, les végétaux nous offrent également un vivier de matières premières qualitatives et respectueuses. Ils sont ainsi aujourd’hui au cœur des enjeux sociétaux et environnementaux de notre ère. La diversité de forme des végétaux, de couleur, de taille ; leur formidable résilience aux aléas et climats naturels ; leur capacité à communiquer, à s’adapter, à se mouvoir, à se reproduire ; leur intelligence insoupçonnée : voici l’univers que nous ouvrent les végétaux et qui constitue un formidable terreau de connaissances, d’exemples et d’ingéniosité pour le biomimétisme. Nous allons ici vous présenter un court aperçu de ce que les végétaux peuvent offrir aux secteurs industriels en explorant leur cycle de vie : du captage de l’énergie solaire à leur reproduction… Les végétaux : prélever l’énergie à la source Les végétaux, en tant qu’êtres vivants, ont besoin d'apports énergétiques pour vivre, grandir, se reproduire, communiquer. Que cette énergie provienne des rayons du soleil, du sols et ses minéraux, des proies capturées, de l’air ou de l’eau, les végétaux ont développé des mécanismes de captation et de conversion pour rendre ces intrants exploitables par leurs organismes. Les végétaux deviennent ainsi un formidable laboratoire de recherche en énergie, et sont une aubaine pour le biomimétisme ! L’énergie solaire : source d'énergie pour les végétaux et d'innovation pour les chercheurs Lorsque l’on pense aux végétaux et à l’énergie, la première idée qui nous vient est leur capacité à capter les rayons du soleil via leurs feuilles. Ces dernières, aux formes toutes plus originales les unes que les autres, convertissent l'énergie lumineuse en énergie chimique via le mécanisme de la photosynthèse. Pour en savoir plus sur ce mécanisme, parcourez notre article sur la photosynthèse. Les arbres en particulier ont la particularité d’avoir une grande surface foliaire (qui représente la surface de toutes leurs feuilles) tout en ayant une emprise au sol très réduite (correspondant uniquement à l'espace occupé par son tronc). Une équipe scientifique d’un institut de recherche indien (Chennai) a tenté de reproduire cette architecture si particulière faite d’un tronc duquel émanent des branches qui élargissent le champ de captage de lumière. En reproduisant cette arborescence inspirée des végétaux, il ont réussi à diminuer par 20 l’emprise au sol de leur champ urbain de panneaux solaires, libérant ainsi la place pour un parc récréatif. Maximiser la surface de contact permet un gain d’efficacité mais ce n’est pas tout ce que le règne végétal a en réserve. En regardant de plus près les couches externes des feuilles des arbres, on peut observer une structure microscopique à plusieurs niveaux qui guide et diffuse astucieusement les rayons lumineux pour favoriser les échanges et la conversion d’énergie. C’est justement cette architecture qui a inspiré l'institut technique Harbin (Chine) pour améliorer l'efficacité des panneaux solaires en proposant une surface poreuse semblable à celle des feuilles de certains végétaux. Ils ont ainsi amélioré le rendement énergétique des panneaux tout en réduisant leur surchauffe qui limitait leurs performances. Echanges gazeux : la structure des feuilles à l'origine d'un textile respirant Les végétaux ne s’occupent pas que de la seule énergie lumineuse ! Présents à la surface des feuilles de certains d’entre eux, de microscopiques pores participent à des échanges gazeux entre les végétaux et leur environnement et permettent la véritable respiration de la plante et sa régulation hydrique. Il n'en a pas fallu plus aux professionnels du textile pour s’en intéresser et développer le tissu Stomatex® imperméable et ultra-respirant. Utilisé dans des textiles militaires, sportifs ou médicaux, il permet une protection thermique confortable, imperméable et élastique tout en garantissant une moindre condensation de la transpiration. Les végétaux, formidables gestionnaires de ressources. Les végétaux doivent faire face aux aléas de leur environnement : les apports d’énergie extérieurs ne sont ni continus, ni prévisibles. Ils ont ainsi des parades pour une gestion et une utilisation de leurs ressources en toute sobriété : une grande source d'inspiration pour le biomimétisme. Une distribution optimale : végétaux et optimisation du réseau routier Le système de nervure des végétaux répond à deux objectifs : Distribution efficace des substances nécessaires à son fonctionnement et son développement ; Rigidification des feuilles permettant leur maintien. C’est ce premier aspect vers lesquels les chercheurs d’une université new yorkaise se sont tournés pour concevoir une carte de transport routier. Transports et feuilles, où est le lien ? Comme nous l’avons vu précédemment, la feuille est capable d’échanger de l’énergie et de la matière avec son environnement, elle est également dotée d’un réseau efficace et résilient de canaux pour transporter les nutriments sans pertes et malgré d'éventuels dommages structurels. Quelle aubaine pour le biomimétisme ! Ce sont des problématiques similaires à celles que rencontre le réseau routier. En s’inspirant de la structure en arborescence couplée à une structure en boucle du veinage des feuilles, des chercheurs ont simulé une amélioration de la fluidité du trafic tout en palliant aux aléas locaux : surcharge, accident ou route coupée. Une gestion énergétique en toute sobriété Même si les ressources énergétiques et les nutriments arrivent à bon port, les végétaux en font un usage très raisonné pour éviter tout gaspillage énergétique. Ils ont ainsi la capacité de fabriquer des structures résilientes avec des briques élémentaires basiques. Prenons l’exemple de la diatomée, ce micro-organisme unicellulaire capable de fabriquer un squelette en verre à pression et température ambiante, doté d'une résistance extraordinaire. Pour donner un ordre d’idée, certaines espèces de diatomées sont capables de résister à l'équivalent de 700 voitures posées sur une plaque d’égout, rien que ça ! Les diatomées sont donc une extraordinaire source d’inspiration pour la conception de structures à la fois résistantes et légères à l’attention de l'industrie automobile ou aéronautique. L’entreprise allemande ELISE Gmbh a justement développé un logiciel d'optimisation structurelle basé sur des modèles inspirés des diatomées. Les végétaux, une vie, un cycle. Lors de leur existence, les végétaux se développent, se reproduisent et en fin de vie leurs matériaux sont naturellement recyclés par l'environnement. Pour maximiser les chances de voir leur propre espèce prospérer, ils ont toute une myriade de techniques pour d'abord favoriser la fécondation puis ensuite disséminer leur graines. Des méthodes de reproduction efficaces : quand les végétaux inspirent le développement de drones Les techniques de reproduction sont, chez les végétaux, toutes plus inventives les unes que les autres et ont un réel potentiel pour le biomimétisme. Les arbres par exemple, n’ont pas la capacité de se déplacer sur de longues distances et ont à leur disposition des méthodes de dissémination des graines innovantes pour la contourner. En produisant des fruits dont les graines seront ensuite disséminées par des animaux gourmands, ou en dispersant les graines au gré des vents, etc. les arbres arrivent à étendre leur espèce avec grand succès et sur des longues distances dans des lieux propices. C’est en s'intéressant à ces phénomènes que des chercheurs informaticiens en ont décelé le potentiel pour développer des algorithmes qui explorent les différentes pistes qui mènent à une solution optimale. D’une manière similaire à celle avec laquelle les arbres explorent leur environnement pour se reproduire et trouver l’espace confortable où germera leur progéniture. Cet algorithme bio-inspiré appliqué à une méthode de compression d’image permet un gain de poids du fichier de 20 % sans perte de qualité perceptible. Comme quoi, végétaux et photographie n’ont jamais été aussi liés ! Qui dit dispersion de graines sur de longues distances, dit envol des fruits ! L’érable est un expert en la matière puisque ses fruits tourbillonnent au vent. Les enfants les appellent volontiers des “hélicoptères”, ils ont pourtant un tout autre nom : les samares. Ces fruits à la forme d’une pale d’hélice, tournent sur eux en tombant pour créer une portance verticale et freiner leur chute. Cette forme bien particulière a inspiré de nombreux ingénieurs pour concevoir des pales rotatives plus performantes en reproduisant la forme des fruits, la position du centre de gravité ou leur architecture structurelle. Que ce soit utilisé pour des drones d’observation autonomes, des pales de ventilateurs ou des pales d’éolienne, ce design bio-inspiré permet d'accroître la performance globale de systèmes via : une amélioration d’efficacité énergétique, c'est-à-dire une réduction de sa consommation énergétique pour une puissance donnée ; une amélioration de la fluidité de l’écoulement, en réduisant les turbulences ; une réduction des nuisances sonores ; une augmentation de la longévité des pales (grâce à une diminution des efforts transmis aux paliers et roulements des axes de rotations). Nous l’avons vu au cours de ces quelques lignes, la nature, par sa diversité, n’aura de cesse de nous étonner et de nous inspirer. Les exemples de technologies inspirées des végétaux sont nombreux et touchent tous les secteurs industriels. Continuons d’aller explorer les mécanismes et l’intelligence des végétaux, pour comprendre leur ingéniosité et le potentiel formidable qu’ils constituent pour l’innovation.

  • Notre top 5 des parades nuptiales les plus impressionnantes dans le vivant

    Dans la nature, les êtres vivants doivent redoubler d’ingéniosité pour séduire et réussir à s'accoupler. Laissez-nous vous présenter un top 5 des parades nuptiales les plus impressionnantes qu’ils utilisent. Parades nuptiales dans le vivant : pourquoi si diverses et impressionnantes ? Au sein d’une même espèce, les êtres vivants sont soumis à une compétition sexuelle : seuls les individus les plus aptes à survivre et transmettre leurs gènes réussiront à se reproduire. Cette sélection sexuelle est l’une des deux composantes de la sélection naturelle, couplée à la sélection de survie, permettant l’évolution de la biodiversité. Pour persister dans la nature, il faut à la fois réussir à trouver de la nourriture et survivre dans son environnement, mais également réussir à se reproduire. Chez la plupart des espèces animales, c’est la femelle qui porte la descendance : ainsi, celle-ci ne peut transmettre ses gènes qu’un nombre limité de fois, tandis que les mâles peuvent féconder autant de femelles que possible et donc transmettre leurs gènes de nombreuses fois. Par conséquent, la compétition a le plus souvent lieu entre les mâles : la femelle a tout intérêt à sélectionner le(s) mâles le(s) plus apte(s). Tandis que les mâles doivent convaincre le plus de femelles possible qu’ils sont les meilleurs géniteurs pour leur descendance afin de maximiser leurs chances de transmettre leurs gènes. C’est donc en général chez le mâle que les caractères liés à la reproduction et les parades nuptiales sont les plus développés. Parades nuptiales dans le vivant : qu'est-ce qu'il faut savoir ? La nature présente une incroyable biodiversité de parades nuptiales. Les plus connues sont certainement les danses et les chants, très présents notamment chez les oiseaux. Certaines sont d’ailleurs assez impressionnantes, comme vous le verrez plus bas. C’est d’ailleurs le cas par exemple du manakin à cuisses jaunes, qui “glisse” sur sa branche dans ce qui s’apparente à un moonwalk afin d’impressionner les femelles. Si ces danses ont la plupart du temps un simple but de démonstration, certaines peuvent aussi remplir d’autres fonctions, très étonnantes. Ainsi, la veuve noire mâle se dandine en arrivant sur la toile de la femelle afin de se signaler comme un partenaire sexuel et de ne pas se faire dévorer tout de suite. De même, si la baleine à bosse danse et chante dans un ballet impressionnant pour séduire la femelle, cela se transforme rapidement en un combat acharné si un autre mâle convoite la même partenaire. D’un autre côté, les démonstrations de force sont très fréquentes chez les animaux : les mâles prouvent aux femelles qu’ils sont capables de survivre et de se défendre, et donc que leurs gènes sont avantageux. Les combats de boxe de lièvres bruns, les duels des cerfs, ou encore la destruction de la forêt avoisinante par l’ours brun en sont autant d'exemples. Cependant, la force n’est pas la seule carte à jouer pour convaincre les femelles. De nombreuses espèces ont recours à des démonstrations techniques. Par exemple, le colibri Coquette de Popelaire effectue un vol stationnaire au cours duquel il balance sa queue, démontrant ainsi sa formidable agilité dans les airs. Il n’est également pas rare de voir les mâles préparer des cadeaux ou des offrandes en guise de parade nuptiale, comme les manchots Adélie qui apportent leurs plus beaux cailloux aux femelles pour qu’elles fassent un nid. Enfin, quand tout cela ne suffit pas à éloigner les autres mâles et à conquérir la femelle, certains animaux peuvent avoir recours à une dernière stratégie : la ruse. On atteint là les limites de la définition de parade nuptiale. Par exemple, les jeunes éléphants de mer attendent que le mâle dominant soit occupé à défendre le groupe pour aller voir les femelles en catimini. Certaines grenouilles rainettes mâles laissent les autres vocaliser pour attirer les femelles et interceptent ces dernières lorsqu’elles rejoignent les mâles. Cette parade nuptiale peut même être inscrite dans les gènes : ainsi, chez les combattants variés (petits oiseaux échassiers migrateurs), certains mâles ont une apparence très particulière qui les rend quasiment indiscernables des femelles. Au vu de la grande diversité de parades nuptiales dans le vivant, certaines techniques particulièrement impressionnantes se démarquent. Attardons-nous sur 5 techniques de parade nuptiale remarquables, qui nous en sommes sûrs sauront vous émerveiller. Parade nuptiale n°5 : Le poisson-ballon, architecte méticuleux Pour séduire dans l’immensité de l’océan, il faut se faire remarquer. Le poisson-ballon bâtisseur, petit poisson des eaux japonaises, ne prend pas cela à la légère. Pour conquérir une femelle, celui-ci construit dans le sable un nid impressionnant de 2 mètres de diamètre. Ce travail titanesque pour un si petit poisson (d’une quinzaine de centimètres de long) peut lui prendre plus d’une semaine, pendant laquelle il creuse et façonne inlassablement le sable. Chaque centimètre carré, chaque petit détail compte. Et surtout, il n’a pas une seconde à perdre : s’il ne s’en occupe pas, son nid sera détruit par les courants. Le résultat est pour le moins saisissant. Laissez-vous tenter par la vidéo de ce petit poisson en action : elle vaut le détour ! Une fois la femelle conquise, celle-ci pondra ses œufs au milieu de ce motif étonnant. Il semblerait que le nid joue un rôle dans la protection des œufs contre les courants, même si rien n’est sûr. En effet, cette espèce de poisson n’a été découverte qu’en 2014. Auparavant, les scientifiques avaient déjà repéré ces crop circles des fonds marins, et n’avaient aucune idée de ce qui en était à l’origine. Parade nuptiale n°4 : L’araignée paon, le plus mignon des danseurs Pas facile de séduire quand on fait 4 mm. Mais pas de panique ! L’araignée paon mâle a trouvé une solution. Il lève les pattes en l’air, dresse fièrement son abdomen paré de couleurs et de motifs chatoyants, et entame une chorégraphie rythmée. Le résultat est l’une des danses nuptiales les plus mignonnes du règne animal. Comme cette espèce d’araignée a très bonne vue (le fait d’avoir 8 yeux aide sûrement), la femelle repère le mâle de loin. Ne dit-on pas qu’une vidéo vaut mille mots ? Chez les araignées de cette famille, les parades nuptiales sont nécessaires, même sans les couleurs chatoyantes : elles permettent de réduire l’agressivité de la partenaire, et donc d'augmenter les chances de reproduction du mâle. Parade nuptiale n°3 : Les paradisiers, spécialistes de la parade Le terme paradisiers, ou oiseaux de paradis, cache en réalité une quarantaine d’espèces qui appartiennent à la même famille et qui ont en commun un plumage chatoyant pour les mâles. Parmi eux, certains sont devenus des as de la parade nuptiale. Déployant fièrement leurs plumes et leurs couleurs, ceux-ci se livrent à des danses et des chants sophistiqués, parfois accompagnés de cadeaux pour la femelle. Paradisier gorge d’acier, paradisier superbe, paradisier de Vogelkop,... : autant d’espèces avec des parades nuptiales plus incroyables les unes que les autres. Puisqu'il faut choisir, on vous laisse avec la parade nuptiale d’une espèce de Nouvelle-Guinée. Les forêts d'Océanie et d’Asie du sud-est où vivent ces oiseaux regorgent de fruits et ne présentent que très peu de menaces naturelles pour les paradisiers, ce qui pourrait expliquer la spécialisation apparente dans la compétition pour la reproduction. Parade nuptiale n°2 : Le jardinier satiné, collectionneur acharné Les oiseaux jardiniers sont un groupe d’espèces endémiques d’Australie et de Nouvelle-Guinée dont la caractéristique la plus remarquable est la fabrication de nids complexes au sol par les mâles. Parmi eux, le jardinier satiné sort du lot. Non content de construire une véritable haie d’honneur pour les femelles, celui-ci accumule autour de son nid des objets bleus. Pétales, bouchons de bouteille, stylos, baies, tout y passe. L’agencement doit être méticuleux, et le mâle passe le plus clair de son temps à parfaire son nid pour le rendre le plus bleu possible. D’ailleurs nous évoquions plus haut la ruse : il n‘est pas rare que les jeunes mâles la jouent à la Arsène Lupin. Avant leur maturité sexuelle, ils ressemblent aux femelles et en profitent donc pour se faire passer pour celles-ci afin d’aller dérober leurs trésors bleus à d’autres mâles ! Les mâles étant polygynes (ils ne restent pas avec une femelle après l’accouplement, et ne s’occupent donc pas des petits), ils peuvent entretenir et améliorer le même nid pendant des années afin de continuer à séduire différentes femelles. Parade nuptiale n°1 : La seiche mâle, roi de la tromperie La dernière parade nuptiale de ce top est peut-être une des moins conventionnelles, puisqu’il s’agit de la ruse de la seiche mâle. Vous en avez peut-être déjà entendu parler, mais la seiche peut changer de couleur (comme sa cousine la pieuvre, même si cette dernière peut faire bien plus !). La compétition sexuelle pouvant être très forte sur les lieux de reproduction des seiches géantes, les mâles les plus petits ou les plus faibles ont parfois du mal à trouver une partenaire. Ils ont alors recours à la ruse : ils prennent les couleurs et imitent le comportement d’une femelle, et se glissent discrètement près d’une femelle jalousement gardée par un mâle au nez et à la barbe de ce dernier. On se dit déjà que c’est une technique assez incroyable, mais ce n’est pas tout ! Des chercheurs ont réussi à prendre une photo d’une seiche mâle ayant séparé en deux son apparence : il a une apparence de mâle du côté où se trouve une femelle, et ressemble à une femelle du côté où il y a un mâle. Les deux n’y voient que du feu ! Face à un tel prodige d’ingéniosité pour une parade nuptiale, on ne peut que s’émerveiller. Mentions honorables : des prouesses de séduction Pour conclure ce top 5, un petit tour d’horizon de parades nuptiales remarquables qui auraient presque eu leur place parmi les 5 meilleures : Quand la parade nuptiale dépasse nos sens : les claquettes du cordonbleu cyanocéphale. On pensait que cet oiseau avait une parade nuptiale assez classique, composée de chants et de sautillements. Une étude menée avec une caméra à haute vitesse a révélé une réalité bien plus impressionnante. Pour séduire son ou sa partenaire, cet oiseau tape des pattes plus vite que ce que l'œil humain est capable de percevoir ! Au sujet des nids d'oiseaux remarquables, on ne peut pas ne pas mentionner les oiseaux tisserins. Ce terme regroupe de nombreuses espèces très sociables qui ont la particularité de construire des nids très complexes. Véritables prouesses d’architecture, ces nids ont des caractéristiques hors du commun : certains regroupent plusieurs familles, et ont des systèmes de ventilation ; d’autres ont des fausses entrées pour dissuader les prédateurs. Enfin, tous utilisent des techniques de tissage et de noeuds très complexes, faisant des tisserins de véritables maîtres de la construction de nid. Quand on est entouré d’individus d’espèces très proches, difficile de faire comprendre à une femelle qu’on lui correspond. Les lucioles ont trouvé une technique pour cela. Chaque espèce de luciole émet un clignotement distinct, qui permet aux femelles de repérer les individus de son espèce. Afin de faciliter le repérage, les lucioles mâles d’une même espèce synchronisent leur clignotement, ce qui permet aux femelles de les repérer de très loin. Il est d’ailleurs possible d’observer ce phénomène lors du très populaire festival de Tatsuno au Japon. Comme nous avons pu le voir dans ce top, ces parades nuptiales amènent parfois le développement de caractères qui semblent handicaper les individus dans leur survie. C’est le cas par exemple de la très célèbre queue du paon, qui le rend particulièrement visible et très lent pour les prédateurs. Plusieurs théories expliquent ce phénomène, par exemple, la théorie du handicap qui avance que seuls les individus très adaptés par ailleurs peuvent se permettre de dépenser autant d'énergie pour exhiber des signes aussi handicapants, et que sélectionner un partenaire via ces signes est un gage de leur capacité à survivre et à se reproduire. Tous ces caractères propres aux parades nuptiales et de reproduction sont autant de pistes exploitables dans le biomimétisme, comme par exemple les couleurs utilisées pour les parades nuptiales.

  • Biomimétisme et cybersécurité : Quand la nature joue les hackeurs !

    La cybersécurité désigne les stratégies mises en place pour défendre un système informatique. De la même manière, dans la nature, tous les organismes, de la plus petite cellule aux plus grands groupes d’individus, doivent sans cesse se défendre pour survivre. Ce large éventail de stratégies de défense, éprouvé par des milliards d’années d'évolution, doit donc nous inspirer en cybersécurité. La cybersécurité, un secteur qui prend de l'ampleur Aujourd’hui, les données récoltées et stockées représentent un volume de plus en plus important. Ces données peuvent être très sensibles, informations bancaires par exemple, mais leur nombre et le développement d’outils performants permettant de les exploiter font de leur protection un enjeu de société très important. C’est pourquoi la cybersécurité, domaine qui regroupe l’ensemble des moyens mis en œuvre pour assurer la sécurité des systèmes et des données informatiques, connaît actuellement un grand essor. Pour donner quelques chiffres sur la cybersécurité, on estime aujourd’hui que 9 français sur 10 ont déjà subi un acte de cyber malveillance. Dans le monde, on estime à 6 000 milliards de dollars les coûts des dommages liés à des attaques informatiques. La cybersécurité est donc un secteur en constante recherche d’innovation pour pouvoir développer des systèmes de sécurité de plus en plus complexes, afin de répondre à des attaques toujours plus élaborées. Or s’inspirer du vivant, de la complexité de ses mécanismes et interactions ainsi que de la richesse de ses stratégies de défense apparaît comme un formidable levier de développement. L’intelligence collective, quand l’union fait la force ! Dans la nature, certains animaux, dont le comportement est mû par des règles très simples, sont capables de résoudre des problèmes très complexes, que l’homme n’arrive pas à résoudre ! C’est l’ensemble des individus, leurs interactions et leur organisation qui les rend capables de telles prouesses, c’est ce que l’on appelle l’intelligence collective. Pour en savoir plus, vous pouvez aller voir notre article à ce sujet. Parmi les exemples les plus connus, on peut citer la recherche de nourriture au seins des colonies d’abeilles, avec des abeilles éclaireuses qui cherchent de nouvelles sources de nourriture et les communiquent aux autres par des danses permettant de répartir l’effort de butinage de manière optimale. Les bancs de krill (petit crustacé marin) sont aussi très intéressants à considérer : la répartition des individus est faite de telle sorte à optimiser l’accès à la nourriture. Bien sûr, en termes de cybersécurité, l’un des exemples d’intelligence collective les plus exploités est celui des fourmis, plus précisément la façon dont celles-ci recherchent leur nourriture. Des algorithmes mimant le comportement des fourmis sont notamment utilisés pour résoudre des problèmes “du plus court chemin”, c’est-à-dire trouver le chemin le plus court reliant deux points. Comment les fourmis réalisent-elles cet exploit ? Les fourmis éclaireuses parcourent les différents chemins disponibles afin de trouver une source de nourriture. Lorsqu’une éclaireuse en trouve une, elle rentre au nid pour ramener la nourriture. Cependant, au cours de leur déplacement les fourmis émettent une substance appelée phéromone, qui a tendance à attirer les autres individus. Les autres fourmis vont donc suivre plus ou moins directement cette piste, et la renforcer en ramenant la nourriture (plus de fourmis empruntent le même chemin, plus il y a de phéromones !). S'il y a plusieurs chemins disponibles, les fourmis feront plus d’allers retours sur le chemin le plus rapide et donc y déposeront plus de phéromones. C’est une logique de cercle vertueux. Finalement, les phéromones étant volatiles, seule la piste la plus rapide sera utilisée et les fourmis auront choisi, in fine, le chemin le plus court ! Mais alors dans tout ça, quel est le lien avec la cybersécurité ? Pour attaquer un réseau, un attaquant suit un chemin en le pénétrant, de brèches en brèches, à la recherche d’une information confidentielle. Ainsi, en répertoriant tous ces chemins d’attaques possibles, on trace ce qu’on appelle un graphe. Les faiblesses du réseau sont alors les chemins les plus courts, ceux où l’attaquant a le moins de brèches à exploiter. Ainsi, en utilisant un algorithme s’inspirant du comportement des fourmis, on peut identifier les faiblesses du réseau et le renforcer. Une belle application sur la cybersécurité ! La génétique et ses mécanismes, efficace et complexe Un des autres pans importants de la cybersécurité se trouve dans l’art de savoir dissimuler et chiffrer les informations que l’on souhaite transmettre. On peut pour cela utiliser différentes stratégies, parmi lesquelles la stéganographie, un mot savant qui désigne l’ensemble des techniques utilisées pour coder et cacher un message dans un support. Dans ce cas, pourquoi ne pas s’inspirer de la façon dont l’information génétique est codée ? En effet, tous nos caractères génétiques, comme la couleur des yeux, le groupe sanguin ou la forme du visage, sont inscrits dans notre ADN. Ces informations sont représentées par une succession aléatoire de 4 nucléotides (des molécules organiques) représentés par les lettres A, C, G et T, pour Adénine, Cytosine, Guanine et Thymine. En s’inspirant de ce principe, on peut définir un procédé permettant de coder un message sous forme d’une suite de nucléotides, puis l’intégrer ensuite à une séquence ADN pour le dissimuler. Il est alors quasiment impossible de retrouver le message initial sans la clé qui a permis de cacher le message dans la séquence ADN ! Ce procédé peut-être très utile en cybersécurité afin de transmettre des informations sensibles sans risques d’interception. Un autre moyen d’utiliser la génétique dans la cybersécurité est via la façon dont l’information génétique permet d’auto-réguler un grand nombre de fonctions vitales. En particulier, on peut s’inspirer des mécanismes qui permettent de réguler la pression sanguine dans le corps, notamment en cas d'hémorragies (l’équivalent d’une attaque informatique en cybersécurité). Des chercheurs ont développé un algorithme qui compare les données de connexion (horaires, lieux, durée,…) des utilisateurs aux données collectées dans le passé afin de détecter un comportement anormal (comme lors d’une hémorragie). Il s’agit ensuite d’adapter la réponse, en terme d’action à mener, d’une manière analogue à ce qui est fait lors de l’activation des gènes qui régule la pression sanguine. Un tel algorithme de cybersécurité est alors auto-résilient et ne nécessite pas d'intervention humaine ! Le système immunitaire, un champion de la protection Lorsque l’on s’intéresse au vivant et aux manières de lutter contre des attaques externes, l’un des premiers exemples qui peut venir à l’esprit est le système immunitaire humain ! Ce n’est pas pour rien qu’un virus informatique est nommé de la sorte, son fonctionnement est très similaire à celui d’un virus biologique. En effet, un virus biologique altère le fonctionnement normal des cellules de l’organisme infecté, tout comme un virus informatique dégrade le fonctionnement des programmes informatiques. Le corps, et plus précisément le système immunitaire, sont extrêmement efficaces pour lutter face aux infections. Il paraît alors pertinent de s’en inspirer pour développer des algorithmes de cybersécurité. C’est ce travail qui a été réalisé par des chercheurs de l’université d’Ottawa. En s’inspirant des différentes cellules impliquées dans le système immunitaire, ils ont mis au point un système de cybersécurité qui reproduit les mécanismes et les différentes interactions mises en œuvre dans le système immunitaire humain. Notamment ils se sont inspirés des cellules immunitaires patrouillant dans le corps humain à la recherche d’infection et du système d’immunité acquise. L’immunité acquise c’est lorsque votre organisme a été soumis à une infection, il la garde en mémoire afin de la reconnaître puis l’éliminer très vite s’il la rencontre à nouveau. L’algorithme développé s’inspire donc de l’ingéniosité du système immunitaire humain. Des agents patrouilleurs se déplacent de manière aléatoire sur le réseau afin de détecter des attaques ou des comportements anormaux. Si un des ces comportements est détecté, il sollicite l’aide d’un agent helper qui lui permet de choisir un agent killer adapté au type d’attaque qu’il a détecté. Ensuite, l’agent killer stoppe l’attaque avec l’aide de l’agent mémoire qui lui communique la manière de stopper une telle attaque. Avec un algorithme d'intelligence artificielle, les agents mémoire ajustent la réponse de cette façon en fonction de son efficacité. Ainsi, à la manière du corps humain, cet algorithme de cybersécurité apprend à chaque nouvelle infection, et l’on peut même imaginer des procédés de vaccination, analogues à ceux que l’on connaît aujourd’hui. Le camouflage, se cacher pour se protéger Quand on pense à la nature et aux mécanismes utilisés pour se protéger face à une attaque ou un prédateur, le camouflage, ou mimétisme apparaît souvent comme l’une des solutions les plus efficaces. En terme de cybersécurité, c’est un procédé qui est couramment utilisé par les attaquants, qui camouflent les virus et attaques dans des éléments d’apparence familière pour ne pas alerter l’utilisateur via de faux mails ou de faux sites internet. Pour information, en cybersécurité on parle d'hameçonnage (ou phishing en anglais). Cependant, cette stratégie ne se limite pas à des utilisations malveillantes. Afin de sécuriser des communications, on peut les chiffrer ou bien les camoufler afin qu’un attaquant ne puisse pas les voir. Un des champions du camouflage dans la nature est le poisson-hachette. En effet, pour échapper à ses prédateurs, il utilise des méthodes de camouflage bien particulières. La microstructure présente sur ses écailles permet de réfléchir la lumière dans toutes les directions à la même intensité. Ainsi, même lorsqu’il bouge, il n’y a pas de changements de perception lumineuse (reflets brillants, changements de couleurs,…). On parle d’un phénomène d’argenture. De plus, le poisson-hachette couple ce phénomène avec une technique de contre-illumination. Lorsque l’on regarde le poisson par dessous, celui-ci cache la lumière provenant du soleil. Pour éviter ce phénomène, le poisson-hachette possède des photophores (des organes électro-luminescent) sur le ventre afin d’éclairer en-dessous de lui de la même manière que le ferait la lumière naturelle. En s’inspirant de ces deux principes de camouflage, des chercheurs de l’université de Georgie ont mis au point une technique permettant de transmettre des messages via une fibre optique en les camouflant au milieu du trafic courant. Le message est donc indiscernable par un attaquant extérieur. La cybersécurité est une discipline relativement récente, et l’on commence à peine à identifier la mesure de son importance. La nature, qui développe des stratégies de défense depuis des milliards d’années, peut et doit nous servir de source d’inspiration pour développer des solutions efficaces afin de se prémunir du risque grandissant de cyberattaques.

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