Résultats de la recherche
166 éléments trouvés pour « »
- Le biomimétisme : toute une histoire !
S'intéresser à l'histoire du biomimétisme est important pour bien comprendre son évolution et sa forme actuelle. Ainsi, le biomimétisme actuel résulte à la fois d'observations immémoriales et des derniers progrès scientifiques ! Le biomimétisme au berceau Les premières traces de l’histoire du biomimétisme au sens large, c'est-à-dire créer en s'inspirant de la nature, remontent sans doute à la préhistoire. Imiter les cris d'oiseaux pour chasser, vêtir des peaux de bête pour se chauffer, l'homme a su exploiter très vite les mécanismes et propriétés de la nature pour des fonctions très diverses (survie, position sociale etc.). Faisons un bond dans le temps jusqu'à l'Antiquité européenne. On retrouve des traces de la volonté de l'homme de s'inspirer de la nature et du vivant. Notamment à travers le mythe grec d'Icare qui réalise le fantasme de voler comme un oiseau en se fixant des ailes artificielles, mais en meurt par orgueil pour avoir volé trop haut, les ailes brûlées par le feu du soleil. Pourtant, l'homme n'a cessé de chercher à s'élever du sol, notamment en observant les oiseaux… Pour certains philosophes grecs, comme l'atomiste Démocrite, la notion de mimésis (définie par Platon) recouvre le fait d'imiter la nature grâce à la technique : le tissage imitant par exemple les toiles fabriquées par les araignées. À la même époque, Aristote s'intéresse à la biomécanique, définie aujourd'hui comme l'étude des propriétés mécaniques des êtres vivants. Il écrit le premier livre sur le sujet, intitulé De Motu Animalium, en français Sur le mouvement des animaux. Il est le premier d'une longue série de curieux, professionnels et amateurs, qui se sont intéressés aux mécanismes à l'œuvre dans les organismes qui nous entourent, et à leur potentielle application technique… Ils contribuent ainsi sans le savoir à l’histoire du biomimétisme. Le biomimétisme dans la fleur de l’âge Pour beaucoup, l'histoire du biomimétisme commence vraiment avec Léonard de Vinci. Connu pour ses peintures célèbres, le Florentin l'est peut-être autant pour ses schémas de machines volantes, ses ornithoptères. En effet, parmi ses talents pluriels, ce polymathe était un anatomiste qui appréciait observer le vol des oiseaux. Ses idées furent couchées sur le papier et transmises à l'humanité, ce qui leur permit de porter leurs fruits quatre siècles plus tard avec les débuts de l'aviation. Il s'essaya également à des automates répliquant des humains ou divers animaux. L’ornithoptère de Léonard de Vinci, une de ses plus célèbres inventions, inspirées du vol des oiseaux En 1638, Galilée publiait Dialogue sur les deux principaux systèmes du monde, dans lequel il introduit la science mécanique moderne. La biomécanique était très présente dans les esprits savants de cette époque, ainsi William Harvey fut le premier à identifier le cœur humain comme une pompe qui propulse le sang dans le système circulatoire, en 1628. Un autre exemple est celui de Giovanni Borelli, qui étudia la locomotion animale et est parfois considéré comme le père de la biomécanique. L’histoire du biomimétisme prend du gallon Le biomimétisme connut un véritable essor avec la révolution industrielle, et la découverte de nouvelles sources d'énergie comme la vapeur ou l'électricité. Ainsi, à l'occasion de l'exposition universelle de 1889, la tour de 300 mètres, aujourd'hui nommée d'après son promoteur Gustave Eiffel, fut conçue à partir de l'observation des propriétés mécaniques remarquables du fémur humain. Cet os, le plus long du corps, est très résistant malgré une masse relativement faible. En cherchant à reproduire la structure des travées osseuses du fémur, ses concepteurs réalisèrent une tour biomimétique unique, plus légère que le cylindre d'air qui la contient malgré le fer puddlé dont elle est faite, et qui fait aujourd'hui la fierté de la France. La structure de la tour Eiffel inspirée du fémur humain A la fin du XIXème siècle, nombreux sont celles et ceux qui s'intéressent au développement des machines volantes. L'un des plus connus est sans doute Clément Ader, inventeur du mot “avion” ainsi que de ses trois premiers aéroplanes, l'Eole, le Zéphyr et l'Aquilon. Il est considéré comme un des pères de l’aviation mondiale. C’est en s’inspirant du vol plané des chauves-souris qu’il mit au point ses Avion I, II et III, et leur donna la forme caractéristique des ailes des chiroptères (les fameuses chauve-souris). L’histoire du biomimétisme continue son envol avec le développement de l’aviation tout au long du XXème siècle et au-delà. Aujourd’hui, le rêve d’Icare s’est réalisé, et l’homme vise désormais les étoiles… Pendant ce temps, sur le plancher des vaches, le biomimétisme fut également à l’origine de découvertes originales et remarquables. Ainsi, en 1941, l’ingénieur suisse George de Mestral inventa le velcro après avoir été inspiré par les petits capitules crochetés de la bardane, une plante commune de nos régions. En les observant au microscope, il observa que ces crochets permettent une très bonne adhérence de la plante sur les surfaces bouclées. L’entreprise velcro (qui vient de la contraction de velours et crochet) fut fondée en 1959, grâce à la réplication de cette propriété du vivant qui put être adaptée à l’échelle industrielle. Le biomimétisme aujourd'hui : l’histoire continue C’est dans les années 1950 que le terme “biomimétisme” fut inventé par le chercheur américain Otto Schmitt, suivi de peu par le terme "bionique" en 1958, pour désigner officiellement une science et une approche de recherche et développement. Ce dernier est encore utilisé aujourd’hui, bien qu’il ait été en grande partie supplanté par son prédécesseur. Il est également à l’origine de fantasmes de science-fiction, comme le montre la série télévisée L’homme qui valait trois milliards, où le héros est un homme bionique à la force démesurée. Loin de ces considérations fictionnelles, le biomimétisme revêt désormais une composante applicative et industrielle forte, et un besoin réel se développe. De concert notamment avec la prise de conscience de ce que le vivant peut nous apporter au-delà des ressources physiques immédiates, on parle ici d’économie de la connaissance. En 1997, la scientifique américaine Janine Benyus apporta une contribution majeure au biomimétisme de par ses travaux visant à donner plus d’ampleur à l’inspiration biologique pour le développement d’innovations efficientes, durables et écologiques. Elle est considérée aujourd’hui comme une des figures phares de l’histoire du biomimétisme, dans le monde, forte de pas moins de six livres publiés sur le sujet. Aujourd’hui, le biomimétisme peut se vanter d’avoir infiltré presque tous les secteurs industriels de par le monde, ne cessant de faire preuve de son efficience en tant qu’approche de recherche et développement basée sur le vivant. D’innombrables innovations ont ainsi été brevetées, et de nombreuses universités et laboratoires de par le monde continuent d’étudier le vivant en vue d’applications dans les secteurs de l’énergie, de la santé, de l’aéronautique, des télécommunications, de la cosmétique, de la construction, des transports, du luxe,... Le Shinkansen, train à grande vitesse japonais, dont la forme est inspirée du bec du martin-pêcheur Vers l'infini, et au-delà ? Nous venons de voir que l’histoire du biomimétisme était multimillénaire, et a bénéficié d’un formidable coup d’accélérateur lors des derniers siècles, puis des dernières décennies. Et si le biomimétisme gardait encore ses meilleures cartes pour demain ? Et si le futur se dessinait à l’encre de seiche ? S’il s’imaginait à la lumière des lucioles ? Le développement durable est un des enjeux actuels les plus importants, et le biomimétisme un de ses plus fiers étendards. Tout comme la méduse immortelle et ses secrets si fascinants, gageons que l’aventure et l’histoire du biomimétisme continuera à nous tenir en haleine, pour encore des siècles de découverte et de préservation.
- Hydrophobie : quand le vivant fait tout pour ne pas se mouiller
L’hydrophobie, signifie repousser l'eau, c’est une propriété qui s’avère utile dans de très nombreuses industries. On pense naturellement au textile, mais saviez-vous que les propriétés hydrophobes peuvent également servir à éviter la prolifération de bactéries ou les nuisances sonores ? Ici encore, le monde vivant nous étonne par son inventivité lorsqu’il s’agit d'utiliser ses talents hydrophobes. Hydrophobie : sol glissant, attention à ne pas tomber ! Hydrophobe, imperméable, étanche, comment s’y retrouver ? Que vous soyez randonneur du dimanche ou bricoleur aguerri, vous avez sans doute déjà été confronté à cette multitude de termes techniques vous expliquant que votre nouvelle veste Gore-tex ou que le nouvel enduit pour la terrasse sont “résistants à l’eau”, “hydrophobes”, “imperméables”.... Vous êtes un peu perdu ? Ne vous inquiétez pas, même la fourmi du désert, plus efficace qu'un GPS, serait ici désorientée. Remettons un peu d’ordre dans cette fourmillière : Un matériau est dit hydrophobe s'il ne se dissout pas dans l'eau et la repousse, elle ne peut pas le pénétrer. On parle également de superhydrophobie dans les cas les plus marqués. Une notion sans doute plus connue est celle d'imperméabilité. Cette fois-ci, on parle d'un matériau qui se laisse traverser par un corps déterminé, pas nécessairement l'eau. Ainsi, dans l'industrie textile, certains vêtements imperméables à l'eau doivent rester très respirants, et sont donc perméables au gaz. Toujours dans cette même industrie, nous entendons souvent parler de l’aspect déperlant, dans le cas d’une veste de randonnée Gore-Tex par exemple. Cela signifie que le matériel hydrophobe utilisé laisse l'eau glisser à sa surface. Enfin, on dit qu'un matériau est étanche quand il est imperméable à tout corps ! Ces caractéristiques bien particulières ne sont cependant pas le pur produit de l’homme. Les plantes, les animaux, ainsi que toutes sortes de micro-organismes les maîtrisaient déjà depuis plusieurs centaines de millions d’années. Dans la nature, les propriétés hydrophobes sont omniprésentes et rendent de très nombreux services aux êtres vivants qui les arborent : lutte contre les maladies, auto-nettoyage, meilleure captation d’énergie, rapidité de déplacement accrue, les possibilités sont infinies. Avant de mieux comprendre son utilité dans le monde vivant et les innombrables innovations développées par l’homme qui en découlent, arrêtons-nous deux minutes sur le mécanisme technique sous-jacent. Comment les gouttes d’eau restent-elles à la surface d’un matériau hydrophobe ? L’hydrophobie d’un matériau dépend principalement de deux facteurs : D’un côté, la composition du matériau qui doit présenter certaines caractéristiques chimiques permettant de repousser les molécules d’eau (une histoire pas si lointaine de celle des ours polaires paraît-il, que vous pouvez explorer ici) De l’autre, la texture du matériau, c'est-à-dire la morphologie de surface du matériau, qui peut présenter une alternance de picots et de trous qui empêchent la goutte d’eau de s’étaler. En fonction de ces deux facteurs, différents degrés d’hydrophobie sont observables, la goutte d’eau ayant alors une surface de contact plus ou moins grande avec le matériau considéré. En fonction de l’angle de contact avec la surface, un matériau sera alors considéré comme hydrophobe ou superhydrophobe (angle de contact > 120°). Maintenant que vous êtes devenus incollables sur les principes de l’hydrophobie, voyons quelles en sont les utilisations et applications dans le monde qui nous entoure. L'hydrophobie, quand la nature se jette à l'eau sans se mouiller Les propriétés hydrophobes sont surtout présentes dans le monde végétal très en contact avec l’eau : au niveau des fleuves, des étangs, des tourbières. On a par exemple tous déjà été émerveillé(e) en tant qu’enfant par l’eau se déplaçant avec très grande facilité sur les feuilles de lotus. Ce phénomène est lié à la structuration très particulière de sa feuille, à l’échelle du milliardième de mètre. Son petit nom, “effet lotus”, est un des exemples les plus connus lorsqu'on parle de biomimétisme et d’hydrophobie. Pourtant de très nombreux autres végétaux ont la même propriété, comme les feuilles de capucines, les roseaux, ou encore le chou. N’oublions pas non plus le règne animal avec, par exemple, les oies, les canards, les faisans et leurs plumes superhydrophobes qui leur permettent de rester constamment au sec et de s’envoler quand bon leur semble. On peut également penser à la musaraigne aquatique : son pelage lui permet de pêcher des heures sans être mouillée en emprisonnant des bulles d’air qui forment une couche de protection entre son corps et l’eau. N’hésitez pas aussi à jeter un œil du côté du papillon morpho, fascinant à bien des égards, et pas uniquement pour ses ailes superhydrophobes. Finalement, ce n’est pas tant par cette capacité de repousser l’eau que la nature nous surprend, que par son imagination sans limite lorsqu'il s’agit d’utiliser cette appétence comme un super-pouvoir. Voyons ensemble quelques exemples des plus surprenants qui renvoient les super-héros Marvel dans les cordes. L’argyronète aquatique, comment respirer sous l’eau sans tuba ? Dès la fin du XVIIIème siècle, afin d’aller toujours plus loin dans l’exploration de la Terre et de pouvoir partir sans encombre à la découverte des profondeurs marines, l’homme inventa le scaphandre. L’argyronète aquatique, de son côté, n’a besoin ni de métal, ni de verre, ni d’aucun autre matériau pour aller explorer son terrain de chasse préféré. Pour évoluer sous l’eau sans limite, cette araignée utilise son abdomen comme scaphandre naturel. Celui-ci regorge d’ingéniosité : recouvert de poils très fins orientés dans la même direction, tous recouverts d’une cire sécrétée par notre amie plongeuse, l’abdomen est capable de piéger une fine couche d’air tout autour de lui-même. L'araignée peut alors respirer comme un poisson dans l’eau grâce aux petites ouvertures situées sur son thorax qui viennent puiser le dioxygène présent dans la bulle d’air créée. Artiste accomplie, l’argyronète aquatique est finalement plus amie avec les poissons qu’avec les autres animaux terrestres de notre espèce car elle construit même son nid sous l’eau en piégeant un réservoir de bulles d’air sous certaines plantes aquatiques. Elle peut alors passer des heures dans son terrain de jeu préféré sans avoir à remonter à la surface. Regardez-la faire, c’est impressionnant ! Comment parler de cette araignée scaphandrier sans penser aux talents d’une autre des ses congénères qui marchait déjà sur l’eau bien avant Jésus Christ ? Si vous êtes curieux, c’est par ici ! Le lotus se fait mousser : il est autonettoyant. Le terme “lotus” a longtemps désigné un très grand nombre de plantes, arbres, arbustes ou herbes, terrestres ou aquatiques. Aujourd’hui, lorsque nous employons ce terme, nous faisons en fait référence au lotus sacré. A l’instar de nombreux autres végétaux qui vivent à la surface de l’eau, il est capital pour le lotus de pouvoir interagir avec perfection avec cet élément omniprésent autour de lui : l’eau. Ainsi, les feuilles de lotus présentent des propriétés hydrophobes (et même superhydrophobes) tout à fait remarquables qui assurent la survie de l’espèce. Cette propriété, assurée par la présence d’un réseau de micro-poils organisés de telle manière à empêcher les gouttes d’eau d’adhérer à la surface de la feuille, rend principalement deux services fondamentaux à la plante : D’une part, elle permet à la feuille de toujours rester à la surface de l’eau et de devenir insubmersible, même en cas de vagues provoquées par certains animaux ou de très fortes pluies. Le lotus peut ainsi toujours capter la lumière du soleil, élément nécessaire à la photosynthèse et donc à sa croissance. La feuille est également structurée de telle manière à pouvoir évacuer l’eau facilement afin qu’elle ne stagne pas à sa surface. De l’autre, L’hydrophobie du lotus garantit la bonne santé du végétal : lorsque les gouttes d’eau circulent à la surface de ses feuilles, elles emportent avec elles les impuretés et les bactéries présentes. Cette faculté favorise également la photosynthèse en maximisant la surface libre de tout dépôt des feuilles. Regardez par vous-même : fascinant, n’est ce pas. Feuille de lotus autonettoyante - Crédits : William Thielicke Repousser les limites technologiques en observant la nature repousser l’eau Évidemment, l’homme n’est pas resté au stade de l’observation en la matière, les propriétés hydrophobes présentes dans le vivant sous des formes très différentes ont inspiré des innovations dans de nombreux secteurs industriels, dont voici un petit florilège. Quand l'araignée d'eau nous inspire pour fabriquer un nouvel isolant acoustique À première vue, on ne voit pas immédiatement le lien entre notre amie l’argyronète aquatique, connue pour respirer sous l’eau en transportant des bulles d’air, et un isolant acoustique (matériau ayant pour objectif d'atténuer ou supprimer la propagation des bruits, comme les isolants que nous mettons dans les murs de nos appartements par exemple). Pourtant, c’est le propre du biomimétisme : comprendre en détail un phénomène biologique dans un contexte particulier et aller rechercher dans quel cas d’application industriel on pourrait s’en inspirer, qui est alors souvent bien loin de son utilisation faite dans la nature. Afin de créer ce nouveau matériau isolant, les scientifiques de l’académie des sciences chinoise ont utilisé la propriété superhydrophobe de l'abdomen de l’araignée pour fabriquer un moule en silicone superhydrophobe à la géométrie bien particulière. Dans un premier temps, on va déposer une fine couche d’eau sur ce moule, puis venir compresser l’eau avec une plaque en verre. L’eau ne pourra alors pas entrer dans les petites aspérités du moule en silicone superhydrophobe et l’air présent à l’intérieur sera piégé sous forme de bulles. Finalement ce sont ces bulles d’air piégées dans ce nouvel isolant constitué de silicone et de verre qui vont venir bloquer les ondes sonores. On pourrait alors imaginer l’utiliser pour isoler certains murs dans nos appartements ou pour agir directement à la source de la nuisance sonore afin de stopper ou mieux orienter le son (tondeuse, enceinte musicale, climatisation…) Nouveau défi : récupérer l’eau du brouillard grâce au scarabée du désert et à la plante carnivore, une idée ? Souvent le biomimétisme ne se focalise pas sur une seule espèce, mais tente de mettre à profit de manière conjointe les caractéristiques de plantes, d’animaux, de micro-organismes bien différents pour le développement d’une seule technologie. C’est le cas ici, où des chercheurs de l’université de Donghua en Chine ont utilisé les propriétés très précieuses de trois êtres vivants différents pour optimiser leur technologie de collecte d’eau. Le scarabée du désert utilise ses ailes rigides (élytres) afin de récupérer l'eau présente dans l'air. Les rugosités de l’aile présentent une partie hydrophobe (dans les creux) et hydrophile (sur les bosses). Les gouttes d'eau liquide présentent dans l’air sous forme de brume, se déposent alors sur les bosses et sont acheminées grâce aux creux jusqu'à la bouche de l'insecte. Pour le collecteur de brouillard, une nanofibre a été développée reproduisant ces bosses et ces creux afin de capter l’eau condensée dans l’air sous forme de micro gouttelettes. La néphentès alata (plante carnivore), de son côté, utilise son talent hydrophobe pour piéger les insectes attirés par son nectar, qui glissent tout droit jusqu’à son système de digestion, sans pouvoir se rattraper (pour en savoir plus sur les Nepenthes Alata et sa surface anti-adhésive, c’est par ici) En s’inspirant des propriétés chimiques de cette substance sécrétée par la plante carnivore, un matériau glissant et très hydrophobe a été développé. Il permet d'évacuer rapidement l’eau récupérée des zones d'accumulation afin de diminuer les pertes par évaporation et donc d’augmenter la quantité d’eau récoltée. Ce collecteur pourrait par exemple changer la donne dans les pays chauds en permettant d’avoir un nouvel accès facile à cette ressource rare qu’est l’eau. Par exemple, dans l’agriculture, il permettrait de récolter l’eau la nuit et de l'utiliser le jour pour l’irrigation des cultures. Bioxegy n’est pas en reste sur le sujet : L’hydrophobie ou comment réduire l’impact environnemental d’un client du BTP en s’inspirant de l’effet lotus ? Voici un cas d’usage rencontré avec l’un de nos clients : Alphi, entreprise du BTP, utilise régulièrement des poutrelles en aluminium qui servent de moule pour le coffrage du béton. Le problème : lorsque le béton sèche, un résidu adhère aux poutrelles. Au fil des usages le dépôt devient si important qu’il rend inutilisables les poutrelles, demandant alors de les remplacer. Bioxegy a repéré un système biologique de référence particulièrement efficace : les feuilles de lotus, de chou ou encore de capucine présentent une structure hydrophobe (texturation de surface à l’échelle micrométrique) qui pourrait empêcher le béton d'adhérer aux poutrelles lors de son séchage. En partenariat avec un laboratoire des Ponts et Chaussées, nos ingénieurs ont développé un traitement chimique, qui confère une structure de surface quasi-similaire à celles des feuilles de lotus et qui empêche donc le béton d’adhérer. Les poutrelles restent ainsi toujours propres et donc réutilisables, ce qui rallonge considérablement leur durée de vie. Au-delà de l’avantage économique pour l’entreprise, ce sont surtout plusieurs tonnes d’aluminium qui sont économisées chaque année. Une goutte d’eau dans l’océan… Prenons un peu de recul sur ce que nous venons de présenter : sachant que les biologistes estiment que 8,7 millions d’espèces peuplent notre planète et que nous n’en avons aujourd’hui décrit et répertorié moins de 2 millions, nous comprenons très rapidement qu’il reste encore d’innombrables technologies à développer en s’inspirant du vivant et de sa manière d’utiliser ses propriétés hydrophobes. En tant qu’industriel, si vous avez des problèmes de corrosion, de prolifération de bactéries, de lubrification, d’imperméabilité, ne cherchez plus, votre solution se trouve sûrement sous vos yeux.
- Le Saviez-Vous ? #58
📏 Le requin-renard mesure environ 6 mètres, dont la moitié est occupée par sa longue queue, aussi appelée nageoire caudale ! 🧓 Son nom ne date pas d'hier : il vient du grec Aristote qui le décrivait comme un animal particulièrement intelligent et futé, comme le renard ! 🗺️ Le requin-renard est présent dans les eaux tempérées et froides, et plus particulièrement près des terres ! 🏊 Pas de panique ! Le requin-renard est très peu dangereux pour les humains ! 🐟 Il se nourrit généralement de petits poissons qui se déplacent en banc, par exemple des harengs ou des anchois. 💥 Sa technique de chasse est inédite ! Le requin-renard se sert de sa nageoire caudale comme d'un fouet pour assommer ces proies ! 🌊 Il est aussi capable de bondir hors de l'eau ! ⚠️ Chassé notamment pour son aileron, le requin-renard est aujourd'hui une espèce menacée d'extinction. Il est donc protégé !
- Le mimétisme, un mécanisme qui cache bien son jeu
S’inspirer des mécanismes du vivant n’est pas un phénomène réservé au biomimétisme ! Dans la nature, de nombreuses espèces, animales ou végétales, copient d’autres organismes pour se protéger, se reproduire ou chasser : c’est ce que l’on appelle le mimétisme. Ce phénomène, souvent visuel, mais pas que, peut aussi être une source de bio-inspiration : laissez-nous vous en dire plus ! Le mimétisme, un phénomène aux formes multiples ! Qu’est-ce que le mimétisme ? Le mimétisme est la capacité d’un organisme à copier la morphologie ou le comportement d’un autre organisme, pour tromper un autre être vivant. On étudie généralement le mimétisme visuel, mais il en existe d’autres formes : chimique, acoustique, tactile, ou encore comportemental. Il s’agit d’une stratégie adaptative d’imitation. En imitant une autre espèce ou simplement leur milieu environnant, les espèces animales ayant recours au mimétisme s’assurent une protection contre d’éventuels prédateurs, ou répondent à d’autres contraintes comme la reproduction ou la prédation. Le mimétisme implique toujours 3 acteurs : le modèle, qui est l’espèce référente, le mime, qui imite l’espèce référente et tire avantage de la ressemblance, et le dupe, dont les sens perçoivent de la même manière les signaux émis par le modèle et par le dupe. Le mimétisme visuel : du pareil au même Plus facile à observer et souvent assez spectaculaire, le mimétisme visuel est souvent la 1ère forme de mimétisme à laquelle on pense. Parmi la multitude d’exemples que l’on pourrait trouver dans le vivant, une espèce particulièrement impressionnante est la Boquila trifoliolata. Cette vigne grimpante, originaire des zones tempérées du Chili et de l’Argentine, est capable de se camoufler en imitant la forme de ses hôtes. Plus précisément, cela signifie qu’elle prend l’apparence de la plante ou de l’arbre sur lequel elle grimpe, pour se fondre dans le décor et échapper à l'attention de prédateurs comme les insectes herbivores. Elle donne à ses feuilles une forme et une couleur semblables aux feuilles avoisinantes : en grimpant le long d'une branche d'arbre, elle va imiter la taille, le périmètre, la surface et même le réseau de nervures de ses feuilles. La Boquila trifoliolata est même capable d'imiter plusieurs hôtes différents en fonction de sa croissance ! Elle sait par exemple faire évoluer une seconde fois la forme de ses feuilles si elle atteint un arbre voisin d'une autre espèce. Une vraie prouesse, que l'on appelle polymorphisme mimétique. Les autres formes de mimétisme : le mimétisme dans tous ses états Le mimétisme visuel est certes très présent dans la nature, mais il en existe d’autres formes ! Prenons par exemple un phénomène peu visible pour l’homme, mais pourtant très important : le mimétisme olfactif, et plus particulièrement chez les fleurs. La plupart des insectes émettent des phéromones, une substance chimique comparable aux hormones, qui agit comme un message entre les individus d’une même espèce. Une des fonctions principales des phéromones est notamment de servir à la reproduction, en permettant aux femelles d’attirer les mâles : c’est le cas, par exemple, chez les abeilles. Ce mécanisme, les fleurs d’orchidées en ont fait un atout de taille : certaines espèces d’orchidées sont capables de reproduire les phéromones des abeilles femelles, pour attirer les mâles, qui sont essentiels à la pollinisation. Ce mimétisme est tellement efficace que les fleurs sont parfois plus attirantes que les abeilles femelles ! Et ça n’est pas tout : il existe également un mimétisme acoustique. La chenille du papillon Maculinea rebeli le manie d’ailleurs avec brio : elle imite les odeurs de la fourmi Myrmica pour pouvoir s’introduire dans la colonie (encore du mimétisme olfactif !), puis elle émet le même son qu'une larve de reine une fois dedans. Les ouvrières réagissent comme en présence d’une reine, et nourrissent la chenille parasite comme le reste des larves. Une imposture des plus impressionnantes ! Les différentes fonctions du mimétisme Le mimétisme, un mécanisme de défense infaillible ! Une des fonctions du mimétisme, et même la plus essentielle, est de se protéger. Si l’on peut distinguer plusieurs catégories de mimétisme, une en particulier se démarque comme la technique de protection par excellence : il s’agit du mimétisme batésien. Le mimétisme batésien est une forme de mimétisme dans laquelle une espèce inoffensive imite une autre espèce nocive. L’espèce inoffensive se protège ainsi des prédateurs qui associent les caractéristiques copiées à un organisme nocif. Ces caractéristiques constituent ce que l’on appelle un signal aposématique, c’est-à-dire un signal d'avertissement clairement perceptible, visuel, sonore ou olfactif, qui avertit les prédateurs d'un danger qu'ils doivent éviter. Même si vous ne l’avez pas encore remarqué, il est probable que vous connaissiez déjà un, voire plusieurs exemples de mimétisme batésien. Cet insecte vous dit-il quelque chose ? Il ne s’agit pas d’une guêpe mais bien d’un syrphe, une petite mouche pollinisatrice inoffensive et sans dard, qui imite les patrons de coloration jaune et noir des guêpes ! Elle se sert de ce signal aposématique trompeur pour éloigner les prédateurs qui, par peur d’être piqués, évitent de la manger. Pas folle la guêpe ? Non, pas fou le syrphe ! Bien évidemment, le mimétisme batésien n’est efficace que si les imitateurs sont moins nombreux que les organismes nocifs imités : le risque, si ça n’est pas le cas, est que les prédateurs n’associent plus de menace au signal aposématique, ce qui met donc en danger non seulement l’espèce inoffensive, mais également l’espèce nocive, dont le moyen de défense n’est plus efficace. Le mimétisme comme technique de prédation Le mimétisme et le camouflage sont, certes, un très bon moyen de se protéger, mais il est possible d’en avoir un usage tout autre ! La Mante orchidée, que l’on trouve dans les forêts tropicales d’Asie du Sud-Est (en Malaisie et en Indonésie) fait partie des espèces se servant du mimétisme comme d’une technique de prédation, et non de protection. La Mante orchidée fait face à une contrainte de taille : elle a besoin de se nourrir tous les 2 à 3 jours pour ne pas mourir, mais elle se nourrit d’insectes volants ! Pas faciles à attraper, donc… Grâce au mimétisme, cependant, elle a une solution pour faire venir ses proies à elle directement : comme son nom l’indique, son corps ressemble en tout point à une fleur d’orchidée. Elle attire ainsi les insectes, et n’a plus qu’à les attraper grâce à sa grande vivacité. En plus de cela, la Mante orchidée dispose d’un atout supplémentaire. En effet, les yeux des insectes sont plus sensibles à certaines longueurs d’ondes de la lumière que d’autres, et voient donc beaucoup plus les fleurs d'orchidées, par exemple, que les végétaux environnants. Or, lorsque l’on compare la longueur d’onde du corps de la Mante orchidée avec celle des fleurs, on se rend compte que celle-ci est beaucoup plus luisante aux yeux des insectes que la vraie fleur ! Elle est donc plus attirante pour les insectes qu’une véritable fleur : malin non ? Le mimétisme, ou quand reproduire permet de se reproduire Nous avons évoqué plus haut la technique de mimétisme des fleurs d’orchidées pour se faire polliniser. C’est l’une des trois grandes autres fonctions du mimétisme : la reproduction. Et les fleurs d’orchidées ne sont pas les seules à procéder ainsi ! Le mâle Haplochromis burtoni, poisson que l’on trouve dans le lac Tanganyika et ses cours d'eau environnants, utilise le mimétisme pour féconder les ovocytes des femelles. En effet, le réflexe de la femelle lorsqu’elle expulse ses ovocytes et de les mettre immédiatement dans sa bouche. Or, elle est souvent trop rapide pour que le mâle ait le temps de les féconder. Ce dernier a donc recours au mimétisme pour gagner du temps : ses ocelles (tâches arrondies qui servent de leurre ou de moyen d'intimidation), situées autour de la nageoire anale ou caudale, ressemblent aux ovocytes de la femelle, et se confondent donc avec. Lorsque la femelle produit ses ovocytes, le mâle expose ses ocelles et libère ses spermatozoïdes. La femelle, dupée, récupère donc ces spermatozoïdes dans sa bouche comme elle récupère le reste de ses ovocytes, et la fécondation peut alors avoir lieu. Et oui, le mimétisme peut aussi avoir lieu entre individus d’une même espèce ! Mimétisme et biomimétisme : lorsque l’innovation s’inspire des animaux “copieurs” Dans la nature, une des grandes championnes du camouflage est la pieuvre. Pour s’adapter à son environnement, elle est capable de changer de couleur, mais également de texture de peau. Les papilles dermiques, petites protubérances du derme qui plongent dans l’épiderme (et donc forment la surface de la peau), contiennent des muscles érectiles. Chez la pieuvre, lorsque ces muscles se contractent, ils provoquent une protubérance à la surface de la peau. La pieuvre est ainsi capable, en quelques dixièmes de seconde, de prendre la forme et la couleur d’un élément du fond marin sur lequel elle se trouve. Une propriété fascinante, mais surtout inspirante ! Un groupe de chercheurs de l'université Cornell a ainsi conçu une peau synthétique élastique qui peut changer de forme et de texture. Un tissu rigide découpé au laser forme une sorte de toile, qui est ensuite plaquée sur une membrane élastomère (polymère présentant des propriétés « élastiques », synonyme usuel de caoutchouc). En gonflant la structure avec de l’air, des formes émergent à la surface en fonction du motif prédécoupé, et se combinent pour former un ensemble en trois dimensions. Si la toile peut être façonnée pour former toutes sortes de structures complexes, elle est en revanche limitée par le fait qu’elle ne peut adopter qu’une seule forme à la fois, et qu’elle ne peut pour l’instant pas changer de couleur. Une découverte encore loin de faire de la concurrence aux talents de la pieuvre donc, mais qui pourrait servir à la robotique, à fabriquer des meubles métamorphes, ou encore à créer des interfaces tactiles pour les utilisateurs de réalité virtuelle. Le mimétisme est un phénomène particulièrement riche et fascinant, que l’on trouve à de très nombreux endroits dans le vivant. Il repose sur des mécanismes parfois complexes, mais prometteurs pour le biomimétisme. Et oui, nous ne sommes pas les premiers à avoir eu l’idée de copier le monde qui nous entoure !
- Le Saviez-Vous ? #52
🐍 Du latin serpentes ce sont des reptiles : ils ont des écailles, régulent la température de leur corps... Trivial me direz-vous, sauf que dans la nature ce n'est pas si simple ! 🌐 Derrière le mot "serpent" se cachent en fait 3000 espèces très différentes qui vivent dans des écosystèmes très variés : du désert à la forêt tropicale que nous vous présentions en juin. Ainsi certains serpents sont terrestres, d'autres arboricoles, ou encore marins. 👉 Divers mais tous extraordinairement souples pour avaler une proie ou pour se déplacer ! 🏆 Les serpents ont 5 à 10x plus de vertèbres que l'Homme, ce qui leur permet une flexibilité unique et des moyens de locomotion variés qui inspirent de nombreux scientifiques. 🤖 Récemment, c'est la colonne vertébrale des serpents qui est au centre de l'attention, elle a inspiré : les snakebots. Equipés de caméras et détecteurs variés (gaz, température, etc.), ces robots contrôlés à distance peuvent détecter et réparer des anomalies observées dans des zones difficiles d'accès (des décombres ou des rochers, des conduits, la cime d'arbres...). 🏎️ Par exemple, les équipes R&D de Rolls-Royce sont en train de développer un système de maintenance pour l'intérieur des moteurs inspiré du serpent !
- Il y a anguille sous roche...
Les anguilles sont fascinantes par leurs caractéristiques singulières : respiration à travers la peau, hibernation… Dans l’ensemble elles sont très curieuses, mais ça ne s’arrête pas là : les anguilles ne semblent pas posséder d’organes reproducteurs ! Un véritable casse-tête pour les scientifiques … L’origine des anguilles est une source de légendes Encore une fois, nous pouvons constater que l’homme ne maîtrise pas toutes les subtilités de la nature : la reproduction des anguilles renferme encore de nombreux secrets. Comment une espèce animale dépourvue d'organes reproducteurs peut-elle assurer une descendance ? Cette énigme a occupé certains des esprits les plus brillants pendant des millénaires. Dans l’Antiquité, Aristote et Pline l’Ancien se sont chacun penchés sur la question et ont somme toute très logiquement émis l’hypothèse que si les anguilles n'ont pas d'organes reproducteurs, c’est tout simplement qu’elles ne se reproduisent pas. Pour le premier, elles prennent vie lorsque l'eau de pluie se mélange à la boue, pour le second elles naissent de la peau d’autres anguilles. Ces hypothèses et légendes aujourd’hui risibles sur l’origine des anguilles furent pourtant largement admises beaucoup plus tard et même pendant la Renaissance. Il a fallu attendre la fin du XIXe siècle pour commencer à décrypter les mystères de l’anguille ! Dans les années 1870, au moment où le téléphone est inventé et où Jules Vernes publie son Tour du monde en quatre-vingts jours, un jeune étudiant autrichien se passionne pour l’origine mystérieuse des anguilles… À la station de zoologie marine expérimentale de Trieste, en Italie, Sigmund Freud dissèque des anguilles par centaines dans l’espoir de leur trouver des organes reproducteurs ! Finalement il ne trouve que quelques semblants d’organes en formation dans les cavités abdominales de grands spécimens, mais rien qui puisse discréditer, une fois pour toutes, les thèses d’Aristote et de Pline l’Ancien. C’est 10 ans plus tard en 1886 que, par hasard, les anguilles dévoilent leur plus grand mystère : Yves Delage étudiant alors les leptocéphales, petites larves marines en forme de feuille, découvre à sa grande surprise que ces créatures évoluent, on pourrait même dire se métamorphosent… en anguilles ! Les anguilles et leurs métamorphoses : quand grandir n’est pas une sinécure Nous savons aujourd’hui que les anguilles passent par plusieurs stades de développement au cours de leur cycle de vie : elles naissent larves (les leptocéphales étudiés par Delage), s’allongent et s’aplatissent pendant un à deux ans pour devenir des civelles, sortes de serpents translucides d’environ 5 centimètres. Elles grandissent ensuite rapidement, en quelques mois, jusqu’à 20 centimètres et prennent une couleur jaune. Les anguilles jaunes vivent en général de 5 à 15 ans à ce stade de développement, grandissant jusqu’à 1 mètre environ, avant de prendre une couleur sombre sur le dos et argentée sur le ventre, d’où son nom d’anguille argentée. À l’époque des découvertes de Delage, tous ces animaux étaient connus depuis longtemps. On pensait cependant qu’il s’agissait d’espèces différentes, et il fallut pas moins d’une dizaine d'années pour que la communauté scientifique accepte cette métamorphose de l’anguille ! Delage voyait peut-être sa découverte comme un accomplissement scientifique majeur. En réalité, elle aura surtout permis d’amener une question supplémentaire : si les 4 espèces animales connues n’en sont qu’une, comment se fait-il qu'on en trouve certaines en rivière, près de nos habitats, et les autres en pleine mer ? L’anguille, poisson migrateur : rien ne sert de courir, il faut partir à point Le leptocéphale est toujours observé en mer, les civelles et l’anguille jaune en eaux continentales et l’anguille argentée en mer à nouveau. L’anguille est ce qu’on appelle un migrateur amphihalin, c’est-à-dire qui migre vers des milieux présentant différents taux de salinité. Au début du XXème siècle, les travaux du scientifique danois Johannes Schmidt prouvent que les leptocéphales naissent dans la mer des Sargasses, dans l’Atlantique nord. Schmidt étudie et classifie les leptocéphales pendant 20 ans, selon leur taille et leur provenance. Il observe que la taille la plus petite correspond toujours à une zone de la mer des Sargasses, et conclut que les larves doivent y naître, donc que les anguilles s’y reproduisent ! Cette découverte implique également que les anguilles doivent entreprendre une migration de presque 6000 kilomètres pour se reproduire. La mer des Sargasses est la seule au monde à ne pas posséder de frontière terrestre. Elle est entourée par un tourbillon de courants océaniques, formant une mer dans la mer. Ses courants frontaliers agissent en quelque sorte comme un bouchon pour l'océan Atlantique, ce qui joue peut-être un rôle dans la reproduction des anguilles. Cependant, et à cause des mêmes courants, on y trouve le vortex de déchets de l'Atlantique Nord, s’étendant sur des centaines de kilomètres. C’est non seulement la survie de cette famille de migrateurs qui est en jeu, mais aussi la préservation de toute la biodiversité de cette région du globe. L’anguille nous réserve encore bien des secrets ! Une centaine d’années après les découvertes de Schmidt, ses conclusions sont largement acceptées. Pourtant, personne n’a jamais vu d'anguilles s'accoupler dans la mer des Sargasses. En réalité, des balises peuvent tracer leur voyage, mais personne n'a jamais vu d'anguilles dans les Sargasses. Les anguilles ont donc plusieurs cordes à leurs arcs pour nous surprendre ! Cela dit, il s’agit tout de même d’insister sur le fait que les anguilles sont en danger critique d’extinction. Bien que certaines mesures de protection aient été prises (à l’échelle française et européenne) elles sont loin d’être suffisantes quand l’anguille évolue à une échelle internationale plus importante que celle de l’Europe.
- Cosmétique et biomimétisme : vers une industrie naturelle et responsable
Souvent pointé du doigt pour l’utilisation de substances issues de la pétrochimie, le secteur de la cosmétique voit dans le biomimétisme une opportunité de renouveler ses ingrédients et de tendre vers des produits plus naturels et respectueux de l’environnement. La cosmétique face aux enjeux environnementaux et aux réglementations Les applications de la cosmétique sont nombreuses : nettoyer, protéger, corriger ou encore embellir sont les fonctions traditionnelles auxquelles les entreprises cherchent à répondre depuis toujours, et ce de la manière la plus performante possible. À ces grands axes s’ajoutent, depuis le début des années 2000, de nouveaux enjeux bien précis. En effet, avec le temps, la demande des consommateurs et la réglementation ont évolué et poussent désormais l’univers de la cosmétique à changer du tout au tout. La clientèle se tourne de plus en plus vers des produits bio ou naturels. D’une part, cette tendance peut s’expliquer par une volonté de ne pas exposer son organisme à des ingrédients potentiellement dangereux comme des allergènes ou des substances cancérigènes. D’autre part, c’est aussi une manière de protéger notre planète de produits polluants tels que les silicones ou les huiles pétrochimiques. Portées par la vigilance grandissante des consommateurs et par des lanceurs d’alertes, les instances gouvernementales ont donc suivi cette tendance, en augmentant le nombre de contrôles, de réglementations sur les packaging et sur les substances utilisées. Cette nouvelle ère sur les marchés s’est particulièrement fait ressentir à partir de 2014 : pendant 5 ans, la vente de produits bio ou naturels a connu une croissance moyenne de 7% par an en Europe ! Les laboratoires spécialisés et les départements de recherches doivent donc s’adapter à ce nouveau marché. En partant de ce constat, il est clair que le biomimétisme a une carte à jouer afin d’aider le secteur de la cosmétique à évoluer ! La cosmétique bio-inspirée à l’origine de produits innovants et éthiques Comment le biomimétisme peut-il permettre de développer de nouveaux ingrédients plus durables et soutenables ? Pensez aux plantes qui évoluent dans des conditions extrêmes et qui subissent des attaques incessantes : enchaînement des saisons, variations de températures, déshydratation, exposition aux UV, chocs, pollution… Pour subsister, celles-ci disposent de systèmes complexes, qui inspirent de nouvelles méthodes pour protéger votre peau par exemple ! Seulement, cet exemple ne résume pas à lui seul les opportunités qu’offre le biomimétisme dans ce secteur. Il existe plusieurs approches biomimétiques qui permettent de trouver des solutions pour la cosmétique. Les propriétés des matériaux biologiques sont une source d’inspiration très importante (comme certains pigments d’algues absorbant les rayons UV), tout comme le fait de s’inspirer de phénomènes biologiques existant dans la nature. Par ailleurs, il est aussi possible d’intégrer les principes du vivant dans le processus de développement des produits pour qu’ils soient plus économes (en énergie ou en matière par exemple) et plus écologiques. Les défis pour la cosmétique et le biomimétisme sont donc plutôt clairs : Limiter l’utilisation d’ingrédients toxiques pour l’organisme et nocifs pour l’environnement ; Limiter l’utilisation de matériaux polluants, notamment pour les packagings ; Améliorer la transparence sur la composition des produits ; Développer de nouveaux processus de production plus soutenables et responsables afin de diminuer l'empreinte écologique de cette industrie. Des exemples d’applications concrètes valent bien plus que de simples défis stratégiques pour se projeter et découvrir les perspectives qu'offrent le biomimétisme. Laissez-nous vous expliquer comment les scarabées ont inspirés une teinture pour cheveux, ou comment les moules nous permettent de nous protéger du soleil ! Quand le biomimétisme s’intègre dans le secteur cosmétique : une teinture pour cheveux inspirée de la mue des scarabées Avant de vous décrire cette application biomimétique, il est bon de revenir en quelques lignes sur les problématiques et les dangers identifiés dans l’utilisation de produits de coloration capillaire. Les teintures permanentes traditionnelles ont une stratégie de coloration particulièrement agressive pour les cheveux. Des agents alcalins (comme l’ammoniaque) attaquent les cheveux et permettent de soulever les écailles microscopiques qui les composent afin de laisser entrer les actifs à l’intérieur du cortex capillaire. Parmi ces actifs, on retrouve des oxydants qui ont pour but de décolorer les pigments naturels du cheveux et de fixer les agents colorants. La nouvelle couleur se retrouve donc enfermée à l’intérieur des cheveux. Il est clair que ce processus change considérablement l’état des cheveux, les rendant souvent secs et cassants. Mais cela va plus loin, car certains agents alcalins ont des propriétés très corrosives dangereuses pour la peau (allergies ou irritations) ou pour les poumons (naissance de difficultés respiratoires). De même, certains colorants comme le Paraphénylènediamine (nom barbare qui est retrouvé en général sous le diminutif de PPD) ou le résorcinol peuvent entraîner des allergies et des perturbations endocriniennes. Tout cela, sans parler des études récentes portant sur la corrélation entre certains actifs et le développement de cancer de la vessie chez les femmes. Il paraît donc évident qu’il en va de la santé de tous de garder un œil vigilant sur la composition des produits appliqués sur notre corps. C’est une chose que l’entreprise Hairprint, fondée par l’institut Warner Babcock, a bien compris. Cet institut porte le nom du Dr John Warner, chimiste américain, inventeur d’une nouvelle méthode de restauration de la couleur des cheveux inspirée des propriétés des scarabées ! Tout comme les serpents, les coléoptères (scarabées ou coccinelles par exemple) muent lors des grandes étapes de leur croissance. Après la mue, chez certains scarabées, un noircissement de l’exosquelette est observé. Il est dû à la présence d’un pigment particulier : l'eumélanine. Hairprint est parvenu à créer un produit de coloration sans agent chimique agressif et qui redonne aux cheveux bruns et noirs leurs couleurs d’origine ! Grâce à cette technologie bio-inspirée, la stratégie de recoloration a totalement changée : les pigments naturels des cheveux ne sont plus détruits pour les remplacer, mais le concept de dérivation non covalente inspiré de la nature, avancé par le Dr Warner est mis en place. Cet exemple montre bien comment le biomimétisme peut modifier intrinsèquement les méthodes mises en place il y a bien longtemps par les cosmétiques traditionnels. Le biomimétisme pour des cosmétiques responsables : une crème solaire adhésive, protectrice et biodégradable ! Les colorations pour cheveux sont loin d’être le seul exemple d’application biomimétique. Les produits solaires font eux aussi face à un défi considérable : proposer une solution efficace pour protéger la peau des UV (et in fine du développement de cancers de la peau) tout en s’assurant de ne pas être nocif pour la santé et les écosystèmes marins. Ce compromis semble impossible à première vue. En effet, l’efficacité des produits solaires contre les UV dépend des filtres chimiques qu’ils contiennent qui sont à l’origine de l’écran anti-UV (le fameux écran total !). Il existe deux grandes familles de filtres : les filtres organiques et les filtres minéraux. Ils ont chacuns leurs avantages et leurs inconvénients. La vigilance des consommateurs consiste dans ce cas à vérifier que les doses de chaque composant respectent celles imposées par la réglementation. De plus, un œil attentif doit être posé sur la présence ou non de filtres nanométriques : la taille des molécules utilisées dans ces filtres permet aux agents chimiques d’entrer plus en profondeur dans l’organisme et donc de se distribuer de manière imprévisible dans le corps. En ce qui concerne la pollution de l’eau : il n’existe à l’heure actuelle aucune crème solaire totalement biodégradable. Les produits chimiques des crèmes sont notamment à l’origine de la perturbation des cycles de croissance des coraux et affectent par conséquent toute la faune et flore qui se développent autour des récifs. Heureusement, pour protéger cette biosphère et la biodiversité des milieux marins, encore une fois la nature apporte des solutions ! Plus particulièrement, les moules. Les moules sont capables de produire des filaments, appelés byssus, qui leur permettent de s’accrocher aux rochers et de résister à l’eau. Cette propriété a inspiré des scientifiques chinois, pour développer une crème solaire hautement adhésive. Cette innovation permettrait de diminuer considérablement les quantités de crème solaire déversée dans les milieux marins. Par ailleurs, pour cette même application, une autre molécule du vivant apporte aussi une solution : la lignine ! Cette molécule, que l’on retrouve notamment dans le bois, confère une très forte protection aux UV, que ce soit les UVA ou les UVB et permet aux végétaux de résister lors de fortes expositions au soleil. Ces deux applications mènent donc à une crème solaire qui repose sur deux produits biosourcés non nocifs et biodégradables ! À travers les propriétés physiques et chimiques des végétaux, des moules, des coléoptères et de bien d’autres espèces, le biomimétisme apparaît aux yeux de la cosmétique comme un moyen particulièrement efficace et durable de repenser le développement des produits d’hygiène et de beauté. De plus, le biosourcing apparaît comme le prisme d’action le plus prometteur pour découvrir de nouveaux ingrédients fonctionnels. Un autre pan de la cosmétique s’intéresse particulièrement au biomimétisme pour les solutions qu’il apporte en matière de recyclage et à l’éco-conception de packaging et de micro-packaging. Plastiques biosourcés ou biofilm deviendront à coup sûr les emballages de demain !
- Des exemples de biomimétisme pour lutter contre le dérèglement climatique
L’ampleur des changements climatiques ne cesse de grimper : ce qui rend urgent la mise en place de solutions concrètes pour y remédier. Le biomimétisme regorge d’exemples nous permettant de réduire l’empreinte carbone de nos activités : un des piliers pour lutter contre ce dérèglement climatique ! Quelques exemples d’indicateurs permettant d’évaluer le dérèglement climatique Des indicateurs variés mettent en évidence un changement radical du climat à l’échelle du dernier siècle : la température à la surface de la Terre (élévation de 1.1°C depuis 1850), le niveau moyen des océans (indicateur chiffré), l’augmentation du nombre de catastrophes climatiques (leur nombre a triplé depuis 30 ans et les phénomènes sont plus intenses : inondations, incendies, sécheresses, cyclones, ouragans, tempêtes). Le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat lié à l’ONU) paru en août 2021 pose un constat clair : les activités humaines sont responsables du changement climatique. Ce rapport s’appuie sur des données scientifiques récoltées à l’échelle mondiale et fait consensus dans la communauté scientifique internationale. L’équilibre climatique est fortement perturbé par les émissions de gaz à effet de serre liées à l’activité humaine. Il devient donc capital de réduire, à toutes échelles, ces émissions. On parle notamment de réduire notre empreinte carbone. Cette dernière correspond à une mesure des émissions de gaz à effet de serre liées à l’activité humaine. En bref, cette empreinte permet de prendre en compte l’intégralité des émissions de gaz à effet de serre qui ont lieu à toutes les étapes de la vie d’un produit, d’un service, d’une activité etc… C’est un indicateur qui prend de plus en plus d’importance et non sans raison ! L’un des moyens les plus efficaces de lutter contre le dérèglement climatique est de réduire son empreinte carbone, c’est-à-dire de participer à l’effort collectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous vous proposons de vous présenter des exemples de ce que le biomimétisme peut apporter sur ce vaste sujet. Comment le vivant peut-il nous aider à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, en particulier celles de dioxyde de carbone (CO2) ? Des exemples issus du biomimétisme pour venir au secours de la planète Dans le monde, les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont principalement lieu dans 4 secteurs d’activité : la production d’énergie électrique (41%), le transport (25%), l’industrie/la construction (18%) et le résidentiel (6%). Laissez nous vous présenter une sélection d’exemples pour illustrer ce que le biomimétisme peut apporter pour réduire notre empreinte carbone. Améliorer l’efficacité des éoliennes grâce au biomimétisme : quand les baleines nous aident à produire de l’énergie Notre premier exemple concerne la production d’énergie électrique. Au cœur de la transition énergétique, la production d’électricité doit se verdir. Il est nécessaire de troquer nos anciens modes de production (charbon, gaz) pour des méthodes plus durables, et surtout beaucoup moins polluantes. Les énergies renouvelables sont au cœur des enjeux environnementaux et le biomimétisme peut apporter de nombreuses solutions pour améliorer les rendements et donc l’empreinte carbone de ces modes de production. Il existe des innovations bio-inspirées pour le photovoltaïque, l'hydraulique ou encore l’éolien. Pour ce dernier, on peut citer l’exemple de la baleine à bosse. Ses nageoires possèdent des tubercules (voir image en dessous) qui lui offrent d'excellentes propriétés hydrodynamiques. Des chercheurs ont eu l’idée de reproduire cette caractéristique sur des pâles d’éolienne. Le résultat : une augmentation de la portance des pales d’environ 40%. L’éolienne peut capter le vent venant de directions plus larges et donc tourner plus souvent. C’est un exemple parmi tant d’autres de l'incroyable potentiel du biomimétisme pour optimiser nos modes de production d’électricité et, à terme, réduire leur empreinte carbone. Pour prendre connaissance d’autres exemples vous pouvez aller voir notre article Éolienne et biomimétisme. Notre deuxième exemple de biomimétisme porte sur l’amélioration de l’isolation thermique des bâtiments Dans le secteur résidentiel, la principale source de GES est le chauffage. Chaque année, en hiver, la consommation s’envole. Comment pouvons nous diminuer cette consommation ? Il y a évidemment plusieurs angles d’attaque. Par exemple, chauffer plus efficacement et à moindre coût énergétique en changeant notamment de mode de chauffage. Cependant, ces efforts s'avèrent vains si le lieu de vie en question n’est pas bien isolé et que toute la chaleur est dissipée vers l’extérieur. Une condition primordiale est donc de bien isoler son habitation. Pour cela, le vivant regorge d’exemples innovants ! La thermorégulation, ensemble des mécanismes qui permettent à un organisme de contrôler sa température, est une problématique omniprésente dans le vivant. En particulier pour les espèces vivant dans des climats extrêmement froids. Ces dernières sont devenues des expertes en conservation de la chaleur. Il est possible d’exploiter les mécanismes qu’elles mettent en place pour améliorer l’isolation de nos maisons. Par exemple, des chercheurs se sont intéressés à la fourrure des mammifères. Cette dernière bloque une grande quantité d’air dans des interstices et limite les pertes de chaleur par convection. En plaçant une fourrure synthétique sur la façade d’un bâtiment à isoler, ils ont réussi à améliorer l’isolation jusqu’à 50% par rapport à un processus d’isolation habituel. Cette amélioration se traduit par une baisse de la consommation énergétique et donc de l’empreinte carbone du bâtiment. Un exemple de biomimétisme dans l’industrie : un béton biosourcé L'industrie et la construction sont des secteurs fortement émetteurs de GES. Le biomimétisme peut apporter de nombreux exemples pour aider les industriels à réduire l’empreinte carbone de leurs produits. Par exemple, les procédés de fabrication de matériaux comme le ciment sont des sources d’émissions de dioxyde de carbone. Réduire l’empreinte carbone de ces matériaux est donc un enjeu majeur. Pour trouver une solution, on peut notamment s’inspirer de la synthèse des coraux. Des chercheurs l’ont étudiée pour mettre au point un béton neutre en carbone. Le calcaire nécessaire à sa fabrication est synthétisé par des bactéries. Le reste des matériaux est issu du recyclage. Le Biocement final est neutre en carbone, 100% recyclable et aussi résistant que le béton ! Du biomimétisme pour des transports plus verts : un exemple algorithmique Le transport est, lui aussi, fortement émetteur de GES. Pour diminuer sa fameuse empreinte carbone, il peut s’agir d’améliorer nos moyens de transport pour les rendre moins polluants, et bien sûr de limiter nos temps de trajets. Pour cela, le biomimétisme peut largement nous aider. Dans le vivant, les déplacements sont très coûteux en énergie. Chaque espèce doit donc optimiser ses déplacements pour limiter les pertes ou atteindre plus rapidement sa source de nourriture. C’est le cas par exemple du blob ou des fourmis. Pour réduire leur temps de trajet (et non, cette problématique n’est pas réservée qu’aux humains !) les fourmis sécrètent des substances olfactives que leurs congénères peuvent capter. En fonction de ce qui compose le chemin (nourriture, danger) la substance varie. De cette manière, en revenant au nid, la fourmi à tracé un chemin olfactif qui mène directement à la nourriture, permet d’éviter un danger, ou autre. Plus les fourmis empruntent ce chemin, plus la trace est importante : petit poucet vous avez dit ? Ce mécanisme a inspiré des algorithmes de gestion du trafic 15% plus efficaces que les algorithmes classiques. Ces algorithmes permettent de gérer de manière efficace le trafic en cas de retard, panne ou travaux et aident ainsi à limiter les temps de trajet et donc les émissions de GES. Réduire c’est bien mais soigner c’est mieux : un exemple de biomimétisme curatif ! Comment le biomimétisme peut-il servir à capter des GES ? Il existe une grande variété d’exemples pour récupérer, stocker ou consommer le CO2 de l’air. En voici quelques-uns : Des micro algues avides de CO2 Une start up du nom de Kyanos Biotechnologies a créé un appareil capable de capter et utiliser du dioxyde de carbone et autres polluants directement dans nos villes. L’air ambiant chargé en polluants entre dans le système et traverse une cuve contenant plusieurs souches de micro algues. Ces dernières vont bloquer les polluants, et même consommer le CO2 lors de leur photosynthèse, rejetant ainsi du dioxygène. Finalement, l’air sortant de la machine est en grande partie dépollué. Théoriquement, une seule machine peut traiter 200 000 mètres cubes d’air par an et donc stocker autant de CO2 qu’une centaine d’arbres. C’est une technologie très prometteuse qui n’est qu’un exemple parmi toutes les solutions que propose le biomimétisme pour capter et valoriser le CO2 de l’air. Pour les plus curieux, d’autres exemples biomimétiques peuvent être cités : des façades de bâtiments végétalisées (XTU architecte), aux vitres d’immeubles remplies de micro algues. Stocker le CO2 dans des polymères : encore un exemple issu du biomimétisme Une fois que les GES sont captés dans l’air ambiant, il s’agit de les utiliser ou bien de les stocker de manière durable afin qu’ils ne retournent pas dans l’atmosphère. Là encore, le biomimétisme peut être d’un grand secours. Un exemple provient de la société Algopack utilisant des algues brunes (ayant capté du CO2) pour fabriquer des plastiques 100% biosourcés. Ils font d’une pierre deux coups. D’une part, ils fixent le CO2 dans un plastique, donc il ne se retrouvera plus dans l’atmosphère. D’autre part, ils limitent l’utilisation de plastique pétrosourcé, particulièrement polluant. Encore un merveilleux exemple de ce que le biomimétisme propose pour réduire les émissions de GES. En conclusion, le biomimétisme offre une grande diversité d’exemples permettant de réduire notre empreinte carbone émise. Le vivant est une merveilleuse source d’innovation qui nous est d’un précieux secours dans la lutte contre le réchauffement climatique. Pour accompagner cette diminution des émissions de GES, chacun peut agir sur sa propre empreinte carbone : nous sommes finalement tous acteurs. Pour cela n’hésitez pas à lire nos conseils pour réduire votre empreinte écologique.
- Livres & Biomimétisme : Notre top 5 des livres sur le biomimétisme
Notre bibliothèque regorge de livres sur le biomimétisme, depuis l’ouvrage fondateur de Janine Benyus jusqu’à l’exploration du papillon Morpho avec Serge Berthier. Voici notre top 5 ! Le papillon Morpho, une espèce modèle pour toute une discipline L’éveil du Morpho raconte la rencontre et la passion d’une vie pour Serge Berthier, ce physicien pionnier du biomimétisme en France. Tout le récit est orienté autour de l’étude du papillon Morpho. À travers, entre autres, son voyage dans la forêt amazonienne, l’auteur présente des phénomènes optiques et applications thermiques, tout en les reliant à ce papillon, à la fois magnifique et inspirant. Ce livre, paru tout récemment en septembre 2021 est une pépite, telle le Morpho au lever du soleil. Le duo animal et végétal, tout sur le biomimétisme en deux livres Poulpe fiction - Quand l’animal inspire l’innovation et L’or vert - Quand les plantes inspirent l’innovation, parus respectivement en 2014 et en 2020. Voici deux livres au titre aguicheur, nous plongeant dans l’univers fascinant des innovations biomimétiques. Agnès Guillot et Jean-Arcady Meyer y parcourent le monde passionnant des technologies bio-inspirées, que ces dernières soient déjà commercialisées ou qu’elles soient tout droit sorties de l’imagination et des travaux de chercheurs. Ces deux livres, très bien structurés et très complets, sont très riches en exemples. Agnès Guillot est l’une des pionnières du biomimétisme en France. Chercheuse en robotique bionique, elle avait participé à une intervention BSmart avec notre CEO, Sidney Rostan. Le livre fondateur du biomimétisme : Biomimicry de Janine Benyus Biomimicry de Janine Benyus est le livre qui a posé les fondements et les principes du biomimétisme. Scientifique américaine, Janine Benyus publie cet ouvrage en 1997 avec pour but de faire connaître le biomimétisme et de présenter des techniques d’innovation s’inspirant des organismes vivants. Elle est aussi à l’origine de nombreux Ted Talks sur le sujet. Ses travaux ont inspiré Sidney Rostan et Simon de Myttenaere lors de la fondation de Bioxegy. Engineered Biomimicry, un livre pour les ingénieurs Engineered Biomimicry est un livre méthodologique sur l’application du biomimétisme à l’ingénierie publié en 2013 par Akhlesh Lakhtakia et Raúl José Martín-Palma. En anglais, il présente avec précision différents domaines de recherche biomimétique et leurs applications techniques, que ce soit pour des capteurs, de nouveaux matériaux ou de nouvelles couleurs. C’est un livre avec de nombreux détails scientifiques à destination d’un public averti de physiciens ou d’ingénieurs. Un parcours biomimétique initiatique Dans son ouvrage paru en 2015, Le Vivant comme modèle, Gauthier Chapelle nous livre son parcours, ses expériences et la naissance grandissante de son intérêt pour le biomimétisme. Très riche et très structuré sur les fondements du biomimétisme, l’auteur présente aussi de nombreuses applications technologiques concrètes. Gauthier Chapelle, de formation ingénieur agronome, est le co-fondateur de Biomimicry Europa, une structure associative porte-parole du biomimétisme en Europe. Il s’intéresse aussi à la question de la fin du monde et comment entrevoir de nouvelles alternatives pour notre société sur une planète qui s’emballe. Orienté en fonction des lectures de notre équipe, cet article présente notre avis, ni exhaustif, ni objectif, sur des ouvrages biomimétiques. Ces livres sont plutôt dirigés vers les transpositions techniques du biomimétisme. Notons toutefois que la nature est composée de plus de deux millions d’espèces connues. Pour le cheminement de l’innovation, il est aussi important d’avoir un bon socle de connaissances sur le vivant et de s’intéresser à des publications explorant la biodiversité.
- Le papillon morpho, les ailes du biomimétisme
Le papillon morpho est un des plus beaux papillons du monde, reconnaissable à ses grandes ailes bleues. Fascinant à bien des égards, le morpho intéresse les chercheurs depuis des décennies et ne semble jamais à court de secrets pour nous surprendre. Les exemples d’innovations inspirées des ailes de ce papillon sont très nombreux, et font du papillon morpho un champion du biomimétisme ! Le papillon morpho, un bijou d’ingéniosité et d’innovation Il existe plus de 100 000 espèces de papillons dans le monde. Ils sont à l’origine d’applications biomimétiques multiples et impressionnantes, comme nous l’avions montré avec l’exemple particulièrement éclairant des papillons de nuit. Le papillon morpho (dont il existe plusieurs dizaines d’espèces) est également à l’origine de nombreux exemples diversifiés de biomimétisme, dont cet article se limite à un aperçu. Le papillon morpho revêt une signification positive et magique selon certaines légendes amazoniennes, qui semble se confirmer au vu de la diversité des innovations scientifiques qu’il a inspirées aux chercheurs ! Le papillon morpho est originaire des forêts chaudes et humides d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale, une écorégion à la biodiversité foisonnante. C’est un papillon parmi les plus grands du monde, son envergure pouvant atteindre jusqu’à 20 cm ! L’espèce la plus représentée est le morpho bleu (Morpho menelaus), généralement appelé “morpho commun” ou simplement “morpho”. Ce papillon aux mille et un secrets renferme de nombreux trésors d’ingéniosité naturelle, qui inspirent et émerveillent les scientifiques. Ses ailes ont, par exemple, cinq fonctions distinctes à elles seules : voler, se chauffer, séduire les femelles, évacuer l’eau et empêcher les bactéries et poussières de s’y fixer ! Les innovations biomimétiques inspirées des ailes du morpho sont incroyables, qui sait jusqu’où son vol nous portera ? Quand le papillon morpho nous apprend à voler Le papillon morpho a une façon bien à lui de voler. Pour battre des ailes, il est important de pouvoir contrôler le flux d’air généré à chaque battement afin de diriger son vol. Dans le livre L’éveil du Morpho, le physicien Serge Berthier explique que le papillon morpho utilise pour cela la circulation de la lymphe, l’équivalent du sang chez les insectes. Lorsque la lymphe est envoyée en grande quantité dans les ailes, celles-ci se rigidifient. Le papillon morpho utilise alors ce phénomène lorsqu’il rabat ses ailes vers le bas afin de générer une force de poussée. Au contraire, lorsque ses ailes remontent, la lymphe se retire et les amollit, ce qui permet au papillon morpho de ne pas se faire propulser vers le bas. Cette technique a été transposée à des technologies modernes, notamment sur de petits drones à battement d’ailes imitant ce principe pour voler ! Papillon morpho et panneaux solaires Se maintenir à la bonne température Avant de voler, il faut pouvoir décoller ! Il est important pour le papillon morpho de pouvoir chauffer son corps au petit matin avant de s’élancer dans les airs. Il s’y prend en contractant alternativement des muscles au niveau de ses ailes, qui vont lui permettre de s’échauffer à la bonne température. Chez les êtres à sang chaud, l’afflux de sang permet de réguler la température. Cependant, le papillon morpho étant poïkilotherme, soit à sang froid, il est crucial pour lui de trouver des alternatives. Et là encore, il a plus d’un tour dans son sac : il peut ajuster ses écailles afin d’émettre des ondes infrarouges et libérer de la chaleur quand il fait trop chaud, et au contraire d’inhiber leur émission quand il fait froid pour conserver l’énergie solaire. Les écailles de l’aile du papillon morpho sont composées de chitine, une molécule dont la taille avoisine le nanomètre (milliardième de mètre). C’est elle qui est responsable de la régulation thermique du papillon. Après 40°C, les papillons ne peuvent pas transpirer. La chitine émet dans l’infrarouge au-delà de cette température pour refroidir le papillon morpho, et l’absorbe en-deçà pour le réchauffer. Un vrai bijou technologique ! D’après le Muséum National d’Histoire Naturelle, ainsi qu’un article du Monde, ce phénomène intéresse les chercheurs pour la conception de panneaux solaires photovoltaïques plus rentables, qui évitent le problème trop commun de la surchauffe. En effet, le rendement des panneaux photovoltaïques diminuant quand leur température augmente fortement, on a tout intérêt à les maintenir à une bonne température. Grâce au papillon morpho, on peut apprendre à créer des panneaux solaires qui se thermorégulent, en adaptant ce mécanisme aux températures adéquates pour la production d’énergie. Cet exemple d’innovation biomimétique nous offre également la possibilité de concevoir des écrans consommant moins d’énergie, des tissus autorégulants pour le textile, des photodétecteurs ou des capteurs infrarouges ! Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises... Le papillon morpho, aux couleurs de l'innovation La couleur structurelle et ses applications La raison pour laquelle le papillon morpho est si populaire auprès des chercheurs est sans doute l’origine de sa belle couleur bleue. La plupart des animaux doivent leur couleur à des molécules appelées pigments. Par exemple, le papillon cubain Eurytides celadon arbore des ailes teintées d’un bleu pigmenté. Le papillon morpho, lui, doit sa couleur à un phénomène tout à fait différent, lié à la structure de ses ailes ! On parle de couleur structurelle. Cette couleur structurelle est due à la périodicité des stries qui creusent les ailes du papillon morpho, ainsi qu’à un empilement de lamelles qui les surplombe, comme illustré ci-dessous : Cela a pour effet de faire interférer la lumière, et de ne réfléchir que le bleu. Cette couleur est beaucoup plus robuste que les pigments, qui ont tendance à se dégrader rapidement après la mort des individus. L’étude des couleurs structurelles fait partie d’un champ de la physique appelé photonique, très en vogue et riche d’exemples d’applications en biomimétisme. Par exemple, afin de lutter contre la contrefaçon, des moules ont été développés à partir des iridescences du papillon morpho. En reproduisant la structure des écailles de ses ailes en négatif sur l’intérieur du moule et en contrôlant la dimension des reliefs, un motif coloré unique est conféré au produit moulé, qui permet de l’identifier. Cette technique peu chère et très généraliste est un exemple efficace de biomimétisme inspiré du papillon morpho ! Un autre exemple est l’utilisation de cette structure pour détecter du gaz. En effet, les ailes du papillon morpho brillent d’une couleur différente en fonction du liquide ou du gaz dans lequel elles sont immergées en raison de la vitesse de propagation de la lumière en son sein. Cette particularité peut être utilisée conjointement à une caméra pour détecter la présence de gaz et leur concentration. Partons désormais en promenade pour découvrir encore d’autres surprises de ce lépidoptère si surprenant... Le papillon morpho, le fakir de la rivière La superhydrophobie des ailes du papillon morpho Un jour que le physicien Serge Berthier se trouvait en pleine forêt amazonienne pour étudier les papillons morphos, il en trouva un à la surface d’une rivière, les ailes sous l’eau. Quelle ne fut pas sa surprise quand il le vit s’enfuir en nageant (oui, il sait nager !) puis ressortir de l’eau les ailes parfaitement sèches ! Et en effet, malgré la forte humidité et les pluies abondantes en ces régions, les ailes du papillon morpho sont toujours sèches. Cela est dû à un phénomène appelé effet fakir, en référence à la faculté prêtée à ces derniers de tenir en équilibre sur une planche cloutée sans s’y enfoncer. En effet, les gouttes d’eau qui se trouvent sur les ailes du papillon morpho sont comme posées à leur surface, et ne s’y accrochent pas du tout, restant presque sphériques. C’est ce qu’on appelle la superhydrophobie : l’eau se replie sur elle-même plutôt que d’interagir avec les nanostructures des ailes dont la surface est très faible, et glisse dessus sans les mouiller. Cette propriété est très commune dans le monde du vivant, et est exploitée afin de créer des membranes filtrantes ou des revêtements capables de limiter les frottements avec un fluide dans un contexte industriel. Elle peut même servir à faire le ménage sans se fatiguer... Le caractère autonettoyant des ailes du morpho À la différence des mouches, qui nettoient leurs ailes et leurs yeux à l’aide de leurs pattes, celles du papillon morpho sont trop courtes pour lui permettre d’atteindre ses grandes ailes. Heureusement pour lui, il n’en a nul besoin ! En effet, les écailles qui les recouvrent s’imbriquent comme des tuiles, ce qui crée un déplacement des gouttes d’eau dans un sens, vers l’extérieur des ailes. Or, souvenez-vous, les gouttes n’adhèrent pas aux ailes du papillon morpho ! Elles glissent, et emportent sur leur passage les bactéries et les poussières qui s’y trouvent. Un vrai nettoyage au Kärcher, et sans effort ! Le biomimétisme n’a pas tardé à s’inspirer de cet ingénieux mécanisme pour créer des surfaces autonettoyantes, comme des vitrages reproduisant la texturation des ailes du papillon morpho par des techniques d’impression 3D, beaucoup plus économes que les vitres classiques. Tous ces exemples de biomimétisme inspiré des propriétés fabuleuses du papillon morpho montrent que le vivant et la biodiversité regorgent d’ingéniosité pour nous aider à répondre à nos besoins. Nous nous sommes intéressés aux ailes du papillon, mais que dire du reste de son corps ? Il reste nombre de propriétés fascinantes à explorer et transposer pour innover, à commencer par les crochets de ses griffes semblables à du velcro… Tant de promesses et de preuves d’application qui ne peuvent que nous encourager à protéger la biodiversité pour le profit de tous !
- Îlots de chaleur urbain : le piège brûlant de l’urbanisation
Les îlots de chaleur urbains, des zones urbaines où les températures sont anormalement élevées, représentent un risque, tant sanitaire qu’environnemental, grandissant avec le réchauffement climatique. Des solutions biomimétiques peuvent permettre de faire face à ces îlots de chaleur ! L’augmentation de la température en ville Ces dernières années, les canicules ont pu rendre la vie en ville désagréable voire dangereuse. Malheureusement, ces phénomènes sont voués à se multiplier et à s’intensifier comme le prévoit le dernier rapport du GIEC (multiplication par 10 des épisodes caniculaires). Par ailleurs, les populations ne cessent de se concentrer en ville. Ces deux aspects nous invitent de plus en plus à considérer le phénomène d’îlots de chaleur urbains, à en déceler les causes et à proposer des solutions. Mais qu’est ce qu’un îlot de chaleur urbain ? C’est une augmentation localisée dans les villes des températures maximales par rapport aux zones rurales ou forestières environnantes ou aux températures régionales moyennes. Le phénomène n’est pas nouveau ! Et il n’est pas a priori à imputer au changement climatique : déjà au XIXè siècle, le météorologue Luke Howard étudiait cette élévation de température dans les rues de Londres. Mais c’est surtout à partir des années 1960 avec le développement de l’informatique et de capteurs que le phénomène a été mieux compris. Cet article est l’occasion pour nous de vous présenter les causes identifiées de ce phénomène et de proposer des solutions ! En moyenne, la température en ville est supérieure de 1,5 à 5°C pendant la nuit. Le record actuel est détenu par Phoenix en Arizona, avec une différence s’élevant à 10°C la nuit, entre son centre et sa périphérie ! Cette élévation anormale représente alors un risque réel : outre la dangerosité des canicules, cette augmentation de température favorise l’augmentation de la pollution et peut occasionner des maladies graves. La chaleur, quand elle arrive en ville Îlots de chaleur urbains : sol en béton, soleil de plomb L’élévation de la température est beaucoup plus marquée la nuit. L’explication tient en plusieurs points : Urbanisation : les constructions urbaines absorbent bien plus d’énergie que si le milieu était resté naturel. La raison est simple : les matériaux utilisés (goudron, béton) sont souvent beaucoup plus sombres que la végétation. Ceux-ci réfléchissent moins la lumière du soleil et au contraire, l’absorbent. Or toute lumière qui est absorbée élève la température du matériau absorbé. Par conséquent, la nuit, les matériaux ayant chauffé toute la journée réchauffe l’air en émettant de l’énergie sous forme de rayonnement infrarouge. Perte de végétation : bien évidemment, la perte de végétation va de paire avec l’urbanisation. D’une part, les feuillages apportent de l’ombre donc réduisent la température au sol mais c’est surtout le phénomène d’évapotranspiration des plantes qui manque aux villes très urbanisées. Évapo quoi ? Évapotranspiration ! Vous le savez peut-être déjà, les végétaux réalisent la réaction chimique de la photosynthèse pour se développer et survivre. Elle fait réagir de l’eau puisée dans la terre par les racines et du CO2 présent dans l’atmosphère pour produire du sucre (pour se développer), du dioxygène (que nous respirons) et de la vapeur d’eau. C’est parce que les végétaux relâchent de l’eau sous forme de vapeur que l’on parle d’évapotranspiration, de la même manière que les humains transpirent de l’eau ! Pour donner un ordre de grandeur, on parle de trillions de tonnes d’eau qui sont évaporées par les plantes chaque année ! Pour effectuer la photosynthèse (et donc l’évapotranspiration), les plantes ont besoin d’énergie extérieure : rien de mieux que le rayonnement solaire ! Et le lien avec la température de la ville, dites-vous ? Dans un milieu rural, le rayonnement solaire est utilisé pour réaliser une réaction chimique dans le cas des végétaux (leur température ne monte pas) alors que, dans le cas d’un milieu urbanisé, le rayonnement est simplement absorbé par les matériaux. En définitive, dans le cas d’un milieu rural, l’énergie est donc utilisée pendant la journée et n’est pas restituée sous forme de chaleur pendant la nuit. Plus généralement, les surfaces imperméables (béton, bitume…) emmagasinent bien plus la chaleur que les sols naturels. Intensification des activités humaines et concentration en ville : les industrie, moteurs, chaudières, systèmes de climatisation, eaux chaudes circulant dans les égout, etc sont particulièrement concernés. L’impact des activités humaines est non négligeable mais bien plus faible que l’augmentation de la température due à l’urbanisation et à la perte de végétation. En comparaison, l’irradiation solaire est de l’ordre de 800 W/m² contre quelques dizaines W/m² pour les activités humaines, soit un facteur de presque 100. Cette faible puissance peut tout de même générer une augmentation de température de l’ordre d’un degré dans des villes comme Tokyo. Ce ne sont que des ordres de grandeur mais cela permet de prioriser les recherches et les actions à mener pour résoudre le problème des îlots de chaleur ! Chaleur et urbanisme Incroyable mais vrai ! En 2013, un rétroviseur d’une voiture londonienne a partiellement fondu seulement à cause de la réflexion des rayons lumineux sur un bâtiment. En effet, sa façade concentre particulièrement la lumière en raison de sa courbure. Cet épisode qui peut paraître anecdotique nous invite surtout à appréhender le phénomène à une échelle plus fine : comment la forme, la taille et l’organisation des bâtiments au sein de la ville ont une influence sur la formation des îlots de chaleur ? Au cours des dernières décennies, la multiplication des capteurs météorologiques dans les villes a permis de comprendre avec finesse le phénomène d’îlot de chaleur urbain. Des projets météorologiques de grande envergure ont ainsi vu le jour dans des grandes villes telles que Toulouse, Marseille ou encore Paris. En particulier, la collecte d’informations issus de systèmes météo personnels et connectés permet de mesurer avec précision la variation de température en fonction de la localisation dans une ville. En particulier, il a été remarqué que les phénomènes d'îlot de chaleur urbain sont variables selon les villes. C’est ce à quoi s’est intéressé une équipe de chercheurs du MIT et du CNRS. Ils ont notamment développé les concepts de villes cristallines et liquides, en s’inspirant de la différence à l’échelle atomique des structures d’un cristal et d’un liquide : le premier est ordonné alors que le second est désordonné. Les villes “cristallines”, à l’image de la majorité des villes américaines comme New York, ont une structure “quadrillée” (rues droites parallèles et perpendiculaires) et emmagasinent plus la chaleur que les villes “liquides” comme Londres, dont la structure est bien plus chaotique et désorganisée. La raison est assez simple : la chaleur se "réfléchit" davantage dans une structure rectiligne et ordonnée comparé à une structure désordonnée. Une autre explication aux îlots de chaleur, qui explique également la différence d’intensité du phénomène selon les villes, est la hauteur des bâtiments. Outre la plus grande superficie de matériaux de construction qui emmagasinent davantage la chaleur, les hauts bâtiments empêchent l’air de se refroidir la nuit. En effet, la nuit, l’air est en moyenne brassé jusqu’à une altitude 5 fois inférieure qu’en journée. Par conséquent, les hauts bâtiments émettent de la chaleur en infrarouge qui réchauffe l’air et les bâtiments voisins alors que l’air de la ville se renouvelle beaucoup moins. En définitive, le refroidissement est plus lent qu’en campagne. En conclusion, les gains en précision des mesures et des capacités de modélisations ont permis d’affiner la compréhension du phénomène d’îlot de chaleur urbain et de prendre en compte l’urbanisation comme un paramètre déterminant du phénomène. Le biomimétisme, un courant d’air frais dans vos étés chauds ! Combattre le coup de chaud grâce à des matériaux plus isolants Le principe de cette solution est direct : si les matériaux du bâti captent moins la chaleur, le phénomène sera amoindri. Pour cela, on peut utiliser des matériaux qui sont de meilleurs isolants thermiques ! Certains chercheurs proposent de concevoir des murs isolants inspirés de la structure des ailes de manchots ! Pourquoi le manchot, vous dites ? Le manchot papou vit dans un environnement aux températures extrêmes, il a donc besoin de conserver de manière efficace la chaleur. Il est capable de jeûner pendant 120 jours pour couver les œufs sans mourir de froid. Une façade avec une structure en couches inspirées des plumes des manchots permet d'améliorer l'isolation thermique. Plus précisément, le mur a une structure en couches successives : lorsqu'il y a 2 couches à des températures différentes, chaque couche intermédiaire va réduire la quantité d'énergie perdue par radiation de la source chaude vers la source froide. L'alternance entre des couches extérieures verticales et des couches intermédiaires horizontales reproduit la structure des plumes du manchot : les plumes s'agglomèrent entre elles par les petites plumes de duvet à la base des plumes principales qui s'emmêlent. L’intérêt de cette solution est que la chaleur est moins emmagasinée et que la climatisation est moins utilisée pour refroidir les habitations. Par conséquent, moins de chaleur est rejetée à l’extérieur des bâtiments et l’élévation de la température à l’échelle de la ville est amoindrie. Végétaliser : quand la ville se met au vert En réponse à la perte drastique de végétation dans les villes, une solution simple et efficace serait… de rajouter des végétaux dans les villes ! Les villes seraient rafraîchies en créant de l’ombre portée et en favorisant le phénomène d’évapotranspiration. C’est d’ailleurs une tendance dans certaines villes : 20 000 arbres ont été plantés dans Paris entre 2014 et 2020. Une solution, proposée par XTU architecte, est de recouvrir les façades de bâtiments de micro-algues. Ceci a pour effet de créer un tampon d’isolation thermique et donc de diminuer la consommation énergétique jusqu’à 50%. En plus de cela, ces façades améliorent la qualité de l’air urbain ! Comme vous le savez sûrement, l’air que nous respirons en ville contient de nombreux polluants néfastes pour notre santé : les oxydes d'azote, les particules fines, les composés organiques volatils. En particulier, les seuils suggérés par l’Organisation Mondiale de la Santé et l’Union Européenne sont régulièrement dépassés pour ces trois catégories de polluants. Il faut donc agir rapidement ! En l’occurrence, les algues dégradent les polluants organiques et dépolluent ainsi l’air urbain. Ces façades ont donc une double fonction : rafraîchir la ville avec le phénomène d’évapotranspiration et dépolluer ! Une autre solution vient tout droit de l’entreprise Urban Canopee qui propose des structures végétalisées pour rafraîchir la ville ! Leur mobilier feuillu permet d’apporter de l’ombre et de la fraîcheur dans les quartiers où les sols sont imperméables, rendant impossible la plantation d’arbres naturels. Miroir, mon beau miroir, dis-moi qu’il fait moins chaud dehors ! Une piste innovante pour refroidir les bâtiments est le refroidissement radiatif passif ! Pour comprendre le mécanisme derrière ces technologies il nous faut s’entendre sur un point : comme dit précédemment, chaque corps (humain, bâtiment..) porté à une température émet de l’énergie sous forme de rayonnement électromagnétique. Mais le rayonnement électromagnétique, c’est vaste non ? Oui ! Mais le corps n’émet pas un rayonnement de même intensité pour tous les types d’ondes électromagnétiques (définies par leurs longueurs d’onde). En particulier, la longueur d’onde pour laquelle le rayonnement est d’intensité maximale dépend de la température du corps ! Ceci étant dit, les corps à température ambiante émettent essentiellement dans l’infrarouge (longueur d’onde supérieure à 800 nanomètres). Or, en raison de la composition chimique de l’atmosphère, les rayons infrarouges ne sont que très peu absorbés par les atomes qui la composent. Conclusion : les corps émettent des rayons qui sont transmis par l’atmosphère et qui réchauffent donc l’espace. Eux, se refroidissent ! C’est pourquoi on parle de refroidissement radiatif passif. Cette stratégie de refroidissement est présente dans la nature ! Un exemple édifiant est celui du papillon comète de Madagascar et son cocon. Ces papillons vivent dans un environnement très chaud et humide. La température de leurs cocons ne peut pas être trop élevée au risque de tuer les nymphes à l’intérieur. Deux mécanismes leur permettent de refroidir la température interne à leur cocon : la réflexion des rayonnements du soleil et la réémission de l’énergie par rayonnement infrarouge (le refroidissement radiatif passif donc). L’Université de Colombia s’est inspirée de ce papillon pour concevoir un fin revêtement reproduisant la structure en nanofibres lacunaires du cocon. Le revêtement favorise les deux principes évoqués ci-dessus : réflexion des rayonnements solaires et émission dans l’infrarouge. Mais ce n’est pas un exemple isolé. De nombreux revêtements inspirés d’animaux qui vivent dans des environnements très chauds fonctionnent sur ce principe. De tels revêtements permettent de refroidir les bâtiments, jusqu’à 19% pour les plus performants d’entre eux. De la même manière que les façades végétalisées, cette solution présente un avantage majeur : concilier urbanisation et fraîcheur urbaine en utilisant le bâti pour refroidir les villes. L'urbanisme : la cause et la solution ? Nous avons vu ci-dessus que l’aménagement des villes a un réel impact sur la rétention de la chaleur dans les villes. Deux pistes de réflexions ont donc été identifiées : Favoriser les “villes liquides” désorganisées par rapport aux "villes cristallines" quadrillées. Éviter la création de hauts bâtiments qui limitent la circulation des flux d’airs et qui se refroidissent plus lentement Ces deux exemples sont des premières pistes qui invitent à approfondir les recherches en termes d’urbanisme pour affiner la compréhension du phénomène et s’adapter pour les futurs aménagements. Les villes se réchauffent de plus en plus comparées aux zones rurales qui les entourent ! Les îlots de chaleur représentent une conséquence négative réelle de l’urbanisation. Alors que les causes du phénomène sont plutôt bien identifiées, il reste encore beaucoup d’axes à développer en termes de construction et d’architecture, d’urbanisme et de matériaux. Cela tombe bien, le biomimétisme est une source inépuisable d’innovations dans ces domaines !
- L’empreinte écologique, ce que l’on emprunte à la planète
Se déplacer à vélo, préférer les douches aux bains, faire le tri, manger local et de saison... nous sommes de plus en plus nombreux à appliquer de petits gestes avec un même objectif : réduire notre empreinte écologique. Face à des défis environnementaux de plus en plus complexes, chaque geste compte, et chacun peut agir au quotidien. Le calcul de l’empreinte écologique le montre bien, et si vous n’y croyez pas alors cet article est fait pour vous ! L’empreinte écologique, qu’est-ce que c’est ? L’empreinte écologique en quelques mots L'empreinte écologique, ou empreinte environnementale, est un indicateur qui comptabilise la pression exercée par les hommes sur la nature : elle mesure la quantité de surface terrestre bioproductive nécessaire pour produire les biens et services que nous consommons, et pour absorber les déchets produits par nos activités. Avant d’aller plus loin, les espaces bioproductifs, qu’est-ce que c’est ? Les surfaces biologiquement productives, ou bioproductives, sont les zones terrestres ou maritimes ayant une activité photosynthétique (pour en savoir plus sur la photosynthèse, vous pouvez lire notre article à ce sujet) et de production de biomasse importante. La productivité biologique, ou bioproductivité, de ces espaces correspond à leur production biologique par hectare par an, et se mesure généralement en termes d’accumulation de biomasse (matières organiques vivantes pouvant être transformées en chaleur, en biocarburants, en électricité). En d’autres mots, l’empreinte écologique, c’est se demander quelle surface de sols et d’espaces marins il faudrait à un individu isolé pour vivre (se nourrir, se loger, s’habiller, se débarrasser de ses déchets, etc) de manière durable. Cette surface est exprimée en hectares globaux (hag), c'est-à-dire des hectares ayant une productivité moyenne. Mais concrètement, notre empreinte écologique, combien pèse-t-elle ? Calculer l’empreinte écologique revient à évaluer la superficie de la Terre pouvant nous fournir des ressources durablement, c’est-à-dire la totalité des espaces bioproductifs, et en déduire un partage équitable des ressources entre chaque être humain. On peut donc calculer les ressources naturelles consommées par des pays, des individus, ou des entreprises, et estimer si leur consommation s’inscrit dans ce partage équitable, ou pas. Le postulat de l’empreinte écologique est que la capacité de régénération de la Terre, en particulier des ressources naturelles, pourrait (et devrait) être le facteur limitant des activités de l’économie humaine qui surexploite la biosphère depuis des années. Selon les estimations actuelles, il y a environ 12 milliards d’hectares de sols et d’espaces marins bioproductifs, ce qui correspond à une allocation d’environ 2 hectares par être humain. Pour mieux visualiser l’empreinte écologique, on peut s’imaginer le nombre théorique de planètes Terre qu’il faudrait à une population ou un individu donné si toute la population mondiale avait un mode de vie et de consommation identique. Par exemple, si tout le monde consommait autant que les Européens, il nous faudrait l’équivalent de 3,4 planètes Terre. Et si l’on consommait tous comme des Américains, il en faudrait 5,6 ! Chaque année, le think tank indépendant Global Footprint Network calcule le "jour du dépassement", qui est le point à partir duquel l'humanité a consommé plus que les ressources naturelles disponibles pour que la Terre puisse se régénérer. Pour le dire plus simplement, c’est le jour à partir duquel l’humanité a dépassé son “budget” annuel en ressources naturelles. En 2021, le “jour du dépassement" (“Overshoot day” en anglais) était le 29 juillet… Oui, actuellement, l’humanité est à découvert ! Dites-nous ce que vous consommez, nous vous dirons quelle est votre empreinte écologique. L’empreinte écologique concerne aussi bien les particuliers que les entreprises ou les instances gouvernementales. C’est un défi commun à tous, dont les postes de dépense sont nombreux. Pour les particuliers, l’empreinte écologique repose essentiellement sur les habitudes de consommation. Les facteurs sur lesquels un individu peut choisir de diminuer son impact sont nombreux : l’alimentation, les modes de transport, le type d’habitation, la consommation en eau et en énergie, les déchets émis, et tous les autres achats de biens et services de consommation. Bien évidemment, le coût environnemental de chacun de ces éléments est lié à la manière dont ils ont été produits et fournis, et donc directement lié à l’empreinte écologique des entreprises les commercialisant. Et comment cette empreinte écologique est-elle calculée ? Sensiblement sur la même base que pour les particuliers, en se concentrant cette fois sur les méthodes de production, et non de consommation. Les coûts de transport, par exemple, dépendent de ce que l’entreprise produit localement, ou au contraire de ce qu’elle importe et/ou exporte. Bien entendu, d’autres éléments sont à prendre en compte, notamment : les matériaux utilisés pour produire (matériaux polluants ou au contraire faciles à recycler), l’énergie utilisée, la consommation d’eau, les ressources consommées, etc. Finalement, l’empreinte écologique d'un individu est corrélée à celle des entreprises qui lui fournissent tous ses biens et services de consommation. Vous décidez d’aller faire un peu de shopping le week-end ? Gare à votre empreinte écologique ! Préférer des vêtements neufs aux vêtements de seconde main pourrait vous coûter bien plus cher que vous ne le pensez. En effet, l’industrie de la fast-fashion est extrêmement polluante : elle consomme de grandes quantités d’eau et relâche de nombreux produits polluants dans la nature. 20% des cours d’eau de notre planète seraient pollués par des colorants textiles et 10% des pesticides mondiaux sont utilisés pour la production de coton. L’industrie textile génère aussi beaucoup de transports puisque sa chaîne de production est souvent éclatée entre différents pays, ce qui libère du CO2. L’habillement n’est qu’un exemple parmi d’autres, mais il en va en réalité de même pour la quasi-totalité de nos habitudes de consommation. Vous avez envie d’en savoir plus sur votre coût en tant qu’individu ? Sur le site de Global Footprint Network vous pouvez calculer votre empreinte écologique ! Bien entendu, les instances gouvernementales ont également un rôle à jouer : sur une empreinte carbone moyenne de 7 tonnes pour les Français, 1,1 tonnes sont imputées aux services publics. D’une part, elles peuvent prendre des mesures équivalentes à celles des entreprises dans tous les domaines relevant des infrastructures et services publics. D’autre part, les États ont un pouvoir important d’incitation ou au contraire de punition, pour orienter les entreprises et les particuliers vers des modes de consommation plus durables. Savoir calculer son empreinte écologique c’est bien, savoir comment la réduire c’est mieux ! Manger mieux pour alléger son empreinte écologique Lorsque l’on mange mal, il n’y a pas que sur la balance que ça pèse lourd ! La nourriture industrielle n’est généralement pas recommandée pour votre santé, mais elle a aussi un coût élevé pour l’environnement. En effet, qui dit nourriture industrielle, dit production intensive : actuellement, l’ensemble des industries agricole et agroalimentaire totalise 25 % des émissions de CO2 dans le monde. Cela en fait le secteur avec le plus gros bilan écologique, et avec le deuxième plus gros bilan carbone derrière le secteur des transports. Cela s’explique par de très nombreux facteurs, allant de la production jusqu’à la grande distribution. Voici quelques éléments du bilan écologique de l’agro-alimentaire : La consommation de viande La production d’1 kg de porc émet autant de CO2 que la production de 80kg de pommes de terre et nécessite 15 000 L d’eau ! La part carnée de l’alimentation des français consomme 22% de l’empreinte écologique de leur alimentation. Le gaspillage alimentaire En France, 40% des fruits et légumes produits sont jetés avant même d’atteindre leur commercialisation, majoritairement pour des raisons esthétiques ou de calibrage (les fameux “fruits et légumes moches" !). Le conditionnement et la mise en vente Les emballages et le transport pour notre alimentation représentent plus de 250kg de CO2 émis par an, soit 1/7 de notre empreinte carbone alimentaire. L’agriculture intensive L’usage d’intrants ou la sélection des espèces avec le plus haut rendement sont des techniques d’optimisation des productions agricoles qui ont des conséquences particulièrement néfastes sur la biodiversité. Entre 1 et 2% des insectes disparaissent chaque année : un taux d’extinction huit fois plus rapide que celui des mammifères, des oiseaux et des reptiles ! C’est un tableau bien sombre que l’on vous dresse, on vous l’accorde. Mais pas de panique : à chaque problème sa solution ! Laissez-nous vous donner quelques pistes : Consommer des produits locaux et de saison, de préférence issus de l’agriculture biologique : les coûts de transport sont réduits, la consommation d’eau souvent moindre car les productions sont plus petites, et l’on y trouve moins de pesticides. Diminuer (voire arrêter) sa consommation de viande : se tourner vers des alternatives végétales, ou privilégier des viandes locales venant de petites productions lorsque l’on en consomme. Pour éviter le gâchis, récupérer les invendus, et se tourner vers les “fruits et légumes moches”, qui n’en sont pas moins délicieux ! Des entreprises comme Too Good To Go ou Phenix sont même déjà là pour vous faciliter la tâche. Acheter ses produits en vrac, afin de réutiliser les mêmes récipients, et réduire un maximum les emballages plastiques. Ce sont de petites habitudes, mais elles peuvent avoir un impact énorme ! Bien sûr, les entreprises peuvent faciliter la tâche aux consommateurs en changeant leurs modes de production pour des circuits courts, en réduisant l’usage d’emballages plastiques, etc. Les producteurs agricoles peuvent également avoir recours à des alternatives durables pour remplacer les pesticides. En choisissant les bons modes de transport, tout roule pour l’empreinte écologique Depuis maintenant des années, les transports sont au cœur des problématiques environnementales, et pour cause : il s’agit de l’activité qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre (GES), soit 31% des émissions françaises en 2019. Des modes de déplacement des particuliers aux importations et exportations de marchandises, les transports sont un des principaux fronts de lutte contre le réchauffement climatique. Dans les grandes villes, les solutions pour réduire son empreinte écologique liée aux transports sont multiples : transports en commun, vélo, trottinette, skateboard, rollers, ou tout simplement marche… D’ailleurs, nombreux sont les citadins qui font le choix de ne pas ou ne plus avoir de voiture : seulement 34% des parisiens en ont une ! Les transports urbains c’est une chose, me direz-vous, mais comment fait-on sur de plus longues distances ? Tout comme il est recommandé de privilégier les transports en commun en ville, vous pouvez préférer le train à la voiture pour les longs trajets. Et si vraiment vous ne pouvez pas vous passer de voiture, pas d’inquiétude, les voitures électriques ou hybrides sont de plus en plus développées. De nombreuses entreprises du secteur automobile s’engagent pour produire des moyens de transport plus durables : en 2016 déjà, Valeo et Siemens s’alliaient pour co-créer une entreprise (Valeo Siemens eAutomotive GmbH) proposant aux constructeurs des composants et systèmes pour véhicules électriques : moteurs électriques, prolongateurs d’autonomie, chargeurs embarqués, etc. Cette année, Volkswagen puis Ford ont annoncé des investissements de plusieurs milliards dans des infrastructures pour construire des véhicules électriques. Et les entreprises ne sont pas les seules à s’engager : l’État aussi apporte sa pierre à l’édifice. Lundi 30 août 2021, l’Agence de l’Innovation pour les Transports (AIT) a lancé le programme Propulse, doté de 4 appels à projets, dont un intitulé “Transports durables”. Ce dernier sélectionnera jusqu’à dix projets, permettant ainsi à des initiatives innovantes du secteur privé de bénéficier de l’appui de l’AIT. Encore une fois, le développement durable est l’affaire de tous ! Consommer moins d’eau, c’est mettre son empreinte écologique à sec En France, un ménage consomme en moyenne 146 litres d’eau par jour, soit l’équivalent d’une petite baignoire. Pour les plus curieux, vous pouvez vous amuser à calculer la consommation de votre foyer sur le site du groupe Suez, ou sur Eau de Paris. En moyenne, 93% de cette consommation est dédiée à l’hygiène et au nettoyage : douches et/ou bains (40%), robinets présents dans la maison, chasse d’eau (20%), lave-vaisselle et lave-linge (22%)… les postes de dépenses en eau sont nombreux ! Et si vous avez le malheur d’avoir une fuite d’eau chez vous, vous augmentez considérablement votre consommation : un robinet qui goutte consomme 4 litres d’eau par heure. Toutefois, il existe de nombreux moyens de faire attention à notre utilisation de l’eau. La majorité des appareils ménagers sont désormais adaptés et proposent des options consommant moins d’eau : les programmes de lavage plus écologiques pour les lave-vaisselles et lave-linges, les doubles boutons sur les chasses-d’eau, etc. Bien sûr tous les gestes quotidiens tels que privilégier les douches aux bains sont aussi à intégrer dans nos habitudes de vie. Comme nous l’évoquions déjà plus tôt en parlant de fast-fashion, il est difficile d’aborder les questions de consommation d’eau sans se pencher également sur celle des industries. Le secteur du textile consomme et pollue, mais il est loin d’être le seul. En tête de liste, on retrouve notamment l’industrie agroalimentaire : l’empreinte eau de 200g de bœuf est la même que 47 douches de 8 minutes ! Cependant, ni la consommation des ménages, ni la consommation des industries ne constituent un poste de dépense majeur en eau en France. Vous vous demandez d’où proviennent les plus grosses dépenses en eau ? Vous allez être surpris : il s’agit des barrages hydroélectriques ! 96% de l’eau douce prélevée en France chaque année sert à les alimenter. Et sur les 4% restants, 50% de l’eau est utilisée pour le refroidissement des centrales thermiques. Et oui, en consommant de l’électricité, vous consommez indirectement de l’eau ! Qui dit faible consommation d’énergie, dit faible empreinte écologique Et justement, en parlant d’électricité, que peut-on dire de notre consommation d’énergie ? Parmi les plus gros postes de dépense d’énergie en France on trouve les transports, qui constituent près de 30% de l’énergie consommée, et en première place… le secteur résidentiel et tertiaire, qui représente quasiment 50% ! Presque toutes les activités domestiques et de services consomment de l’énergie en grande quantité : éclairage, chauffage, appareils électroménagers, et surtout les appareils électroniques, dont le nombre par personne ne cesse de croître. Bien sûr, l’impact de cette consommation n’est pas le même selon le type d’énergie consommée. On distingue les énergies fossiles des énergies renouvelables. Parmi les énergies fossiles, le gaz, le fioul et le charbon ne représentaient plus que 14% de la consommation française en 2018. Une bonne nouvelle, mais à nuancer, dans la mesure où le nucléaire représente encore plus de 65% de notre consommation. Les énergies renouvelables, elles, fournissent près de 20% de la consommation française : 12% pour l’hydraulique, 6% pour l’éolien, et un peu moins de 2% pour le solaire. Que peut-on faire pour limiter notre empreinte ? D’une part, essayer d’alimenter son logement avec des énergies renouvelables, dans la mesure du possible. D’autre part, en tant qu’individu, le premier réflexe à avoir est de maximiser les appareils à basse consommation, et penser à laisser le moins d’appareils possible branchés ou en veille. Pour les entreprises, il s’agit bien sûr de construire des bâtiments avec une meilleure isolation, un meilleur agencement afin de consommer moins d’énergie en chauffage, climatisation, ou en éclairage. Mais pour ça, pas besoin de se casser la tête, le vivant regorge de solutions ! Les frères Teva Vernoux et Nicolas Vernoux-Thélot, respectivement biologiste et architecte, l’ont bien compris : ils se sont inspirés de différents phénomènes naturels pour concevoir des bâtiments avec de meilleurs rendements énergétiques (luminosité, isolation, ventilation naturelle). Par exemple, en s’inspirant de la phyllotaxie des plantes (étude de la disposition et de l'arrangement des feuilles d'un végétal), ils ont imaginé une maison avec une exposition optimisée à la lumière naturelle. Réduire ses déchets pour mieux réduire son empreinte écologique Un dernier élément, et pas des moindres, qui alourdit considérablement notre empreinte écologique est l’émission de déchets. Le plastique, et surtout les microplastiques, et les rejets de produits chimiques polluant les sols et les espaces marins sont des sources de pollution considérables pour l’environnement. Et si vous n’étiez pas encore convaincus, vous serez surpris d’apprendre que tout ce qui vient polluer nos océans et nos sols vient aussi nous polluer directement. D’après une étude de l’Université de Newcastle commandée par la WWF, nous ingérons chaque semaine 5 grammes de microplastiques, soit l’équivalent d’une carte bancaire ! Peu appétissant, n’est-ce pas ? Actuellement, seul 9 % du plastique mondial est recyclé. Même dans les pays développés, le taux de recyclage du plastique collecté par les ménages est souvent très inférieur à 50 %. Par ailleurs, le recyclage de ce plastique est souvent minime par rapport à ce que l’on croit, et ne fait que retarder le rejet vers les décharges. Pour diminuer la pollution liée aux déchets, les gestes du quotidien comptent tout autant que les changements faits par les grandes entreprises : c’est une lutte commune à tous ! En tant qu’individu, on peut tout simplement commencer par réduire ses emballages comme expliqué plus tôt au sujet de notre alimentation. On peut également faire le tri, et penser à utiliser des produits de nettoyage moins polluants, qui feront moins de dégâts en étant relâchés dans les sols ou les espaces maritimes. Concernant les déchets à plus grande échelle, l’ADEME ou Agence de la Transition Écologique, distingue six types de traitement différents, de celui à privilégier le plus, à celui à privilégier le moins : la réutilisation, le recyclage, la régénération, la valorisation, la valorisation énergétique, l’élimination. Bien évidemment, la qualité de traitement des déchets dépend de la qualité des infrastructures et des systèmes mis en place. Finalement, notre empreinte écologique n’est ni plus ni moins que la somme de ce que nous empruntons chaque jour à la planète pour vivre, par rapport à ce qu’elle peut réellement nous donner. Il va de soi qu’à l’heure actuelle, notre empreinte écologique dépasse largement les ressources naturelles à notre disposition, notamment au vu de notre nombre. Cependant, nous pouvons agir sur presque toutes nos habitudes de consommation, autant en tant que particulier qu’en tant qu’entreprise, et réduire cet impact bien plus vite que nous le pensons ! L’empreinte écologique n’est qu’un indicateur, qui a bien sûr ses limites, mais qui permet de se rendre compte, en temps réel, de l’impact de chaque individu sur l’environnement. C’est un encouragement à agir, et nous sommes désormais nombreux à vouloir faire mieux !
- Le Saviez-Vous ? #57
🐜 Les champions incontestés de la biodiversité chez les animaux sont les insectes, avec plus d'1 million d'espèces décrites sur les 1,5 millions d'espèces animales au total ! 🧽 Vous saviez que les éponges de mers, bien qu'elles ne ressemblent pas à l'image qu'on se fait des animaux, en sont aussi ? Longtemps considérées comme des végétaux, les éponges constituent un des plus anciens groupes d'animaux ! ⚖️ Bien qu'ils correspondent à la grande majorité des espèces décrites, les animaux ne constituent que 0,4% de la masse totale des êtres vivants sur terre ! Ce sont les plantes, avec 82%, qui remportent de loin la 1ère place. 🔎 Ce gigantesque nombre d'espèces, animales ou végétales, représente une quantité de sources d'inspirations absolument incroyable pour le biomimétisme ! 👉 Envie d'en savoir plus sur les animaux et la biodiversité ? N'hésitez pas à lire notre article sur la biodiversité : https://www.bioxegy.com/post/biodiversité
- Le Saviez-Vous ? #56
🌾 Comment se nourrir autrement ? C'est une des plus grosses problématiques du développement durable, à laquelle il faut répondre par une autre question : comment produire autrement ? ⚗ La transformation des systèmes de production actuels est très importante et passe par de nombreuses modifications. Une des plus urgente est la réduction de la quantité de pesticides utilisés pour se débarrasser des populations de bio agresseurs. 🌍Les problématiques liées à l’usage de pesticides ne cessent de se multiplier et sont d’ordre environnementales et sanitaires ! ♻️Heureusement, depuis plusieurs années des solutions alternatives aux pesticides existent et continuent à être développées. 🔬 Les trichogrammes, des petites guêpes parasitoïdes de moins d’un millimètre, sont utilisées pour lutter contre certains ravageurs des cultures ! 🌽 Lâchés dans les champs de maïs, les trichogrammes vont, en bons parasites, pondre leurs oeufs à l’intérieur des œufs de pyrales, un ravageur très connu des producteurs de maïs. Les larves des trichogrammes se développent ensuite en dévorant les œufs de pyrales. 🐝 Les trichogrammes sont très utilisées dans la lutte biologique et remplacent l’usage de pesticides en volant au secours de nos cultures ! 👉 Envie d'en savoir plus ? Allez jeter un œil à notre article sur les alternatives aux pesticides : https://www.bioxegy.com/post/alternatives-aux-pesticides
- La biodiversité, alliée incontournable de l’humanité
La biodiversité, la diversité du monde vivant, est une source intarissable d’apprentissages. Pour assurer l’avenir de notre planète, et le nôtre, la biodiversité constitue une force majeure, que l’on ne peut pas négliger. La ou les biodiversités ? Les naturalistes s’intéressent depuis des siècles à la biodiversité, la diversité des êtres vivants avec lesquels nous partageons la Terre. Des savants de la Grèce antique cherchaient déjà à comprendre comment fonctionne et s’organise le monde du vivant. Aristote, considéré par certains comme le père de la biologie, a consacré une partie de son œuvre à l’étude du vivant et a notamment réalisé une des premières classifications systématiques des êtres vivants. Il aura tout de même fallu attendre le XVIIIème siècle et le travail de Carl Von Linné pour que les bases du système moderne de classification des espèces soient posées. Cette classification fonctionne avec différents groupes, hiérarchisés aux niveaux de granularité variables. Les êtres vivants sont ainsi classés par Règne, Embranchement, Classe, Ordre, Famille puis Genre et espèce, avec un certain nombre de niveaux intermédiaires selon les besoins. C’est d’ailleurs aussi à Linné que l'on doit la combinaison de deux mots latins pour désigner les espèces, le premier correspond au Genre et le second, l’épithète spécifique, sert pour identifier l’espèce au sein du genre. Par exemple, si on enlève les niveaux intermédiaires de classification, l’espèce humaine appartient au règne des Animalia, à l’embranchement des Chordata, la classe des Mammalia (les mammifères), à l’ordre des Primates, la famille des Hominidae et enfin au genre Homo, avec le qualificatif Sapiens (signifiant sage), ce qui nous donne l’homme moderne. Les êtres vivants sont ainsi regroupés selon les caractères qu’ils partagent ou selon leur proximité génétiques au sein de cette grande classification du vivant. Cela dit, le terme de biodiversité est en fait très récent, le concept ayant été popularisé dans les années 80 à la suite d’un colloque et d’un rapport intitulé “BioDiversity” qui a permis de diffuser et généraliser le terme. On parle souvent de biodiversité, mais qu’entend-on exactement par ce mot ? La diversité biologique, ou biodiversité, est définie lors de la convention de Rio de Janeiro en 1992 comme “la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes.” Concrètement, on peut considérer plusieurs niveaux d’organisation au sein de la biodiversité : diversité des écosystèmes (écologique), des espèces (spécifique) et des gènes (génétique). C’est aussi lors de cette convention qu’est porté pour la première fois à l’international le constat de la dégradation du patrimoine naturel à l’échelle planétaire. Depuis l’apparition de la vie il y a 3,8 milliards d’années et l’augmentation rapide de la biodiversité lors de l’explosion cambrienne (de la biodiversité) il y a 500 millions d’années, elle a subi 5 extinctions de masse, lors desquelles au moins la moitié des espèces disparaissent. La plus grande de toutes, (l’extinction permienne) a eu lieu il y a près de 250 millions d’années et a causé la disparition de 95% des espèces vivantes. A l’inverse des 5 extinctions mentionnées, la 6ème extinction de masse à laquelle nous assistons est beaucoup plus rapide que les dynamiques biologiques. C’est une extinction anthropogénique, elle est directement liée aux activités humaines. La biodiversité, toute de chiffres vêtue Et vous, vous en comptez combien ? L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), une ONG qui recense les espèces et publie chaque année la liste des espèces en danger, estimait en 2021 à 2,12 millions le nombre d’espèces identifiées et nommées. Cette estimation du nombre d’espèces décrites présente plusieurs points faibles. Le premier point faible est que la biodiversité à l’échelle planétaire est très complexe à étudier car il y a un nombre considérable d’espèces à décrire et à intégrer dans la classification du vivant. Une estimation très souvent citée place à 8,7 millions (+ ou - 1,3) le nombre d’espèces sur terre, mais les estimations s’étalent entre 3 et 100 millions, et nous n’aurons probablement jamais fini ce gigantesque travail d’identification du vivant. Le second point faible réside dans le fait que cette étude des espèces vivantes est réalisée par des êtres humains, qui ont la fâcheuse tendance à ne pas être parfaits et commettre des erreurs. Une proportion non négligeable des espèces décrites le seraient en fait plusieurs fois, et auraient donc des synonymes, c’est-à-dire que la même espèce existe sous des noms différents. Une étude parue en 2013 dans la revue Science estimait que 20% des espèces décrites alors étaient en réalité des synonymes pas encore identifiés, réduisant de 1,9 millions de l’époque à environ 1,5 millions le nombre réel d’espèces décrites. Les milieux de vie parfois difficiles d’accès des êtres vivants compliquent également la tâche, il est beaucoup plus simple d’étudier des mammifères vivant en milieu terrestre que de s’intéresser à des êtres unicellulaires vivant au fond des océans, comme nous le disions dans notre article Biomimétisme & Océan. Enfin, compte tenu de nos capacités limitées pour identifier les espèces vivantes et de l'accélération de la disparition des espèces, des êtres vivants vont inévitablement disparaître avant même que nous n’ayons réalisé leur existence et nous n’aurons jamais pu les observer de leur vivant. Les coléoptères, champions de la biodiversité ? Les champions de la biodiversité animale sont les invertébrés, qui pourraient représenter jusqu’à plus de 90% des espèces animales. Au sein des invertébrés, c’est la classe des insectes qui remporte la palme d’or de la diversité spécifique, avec plus de 1 million d’espèces décrites, soit près de la moitié des êtres vivants identifiés. Encore plus précisément, les coléoptères sont très souvent cités comme l’ordre d’animaux à la diversité spécifique la plus élevée. Cette perception est peut-être biaisée par le fait que leurs couleurs magnifiques en ont fait des animaux prisés des collectionneurs entomophiles depuis l’époque de Darwin. Forcément, ces accumulations de spécimens sont venues accompagnées de connaissances facilement disponibles pour les scientifiques, ce qui explique le très grand nombre d’espèces de coléoptères décrites. Mais d’après une étude réalisée par des chercheurs de l’université d’Iowa en 2018, ce serait en fait l’ordre des hyménoptères, contenant fourmis, abeilles et autres guêpes, qui comportent le plus grand nombre d’espèces. En effet, cet ordre contient un très grand nombre d’espèces d’insectes définies comme parasitoïdes, dont le parasitisme mène éventuellement à la mort de l’hôte. Ces guêpes parasitoïdes pondent leurs œufs directement dans l’hôte et les larves n’ont qu’à se servir sur le buffet à volonté que constitue ce dernier. Ces guêpes sont souvent très petites, avec des adultes mâles mesurant parfois 0,2 millimètres de long, soit plus petits que certains êtres vivants unicellulaires comme l’amibe protée (Amoeba proteus). Inévitablement, leur petite taille complique grandement leur étude. Des modèles mathématiques basés sur le nombre d’espèces de ces guêpes qui ont pour hôtes les coléoptères répartis dans 4 genres ont été appliqués aux 4 ordres d’insectes aux plus grands nombres d’espèces. Ces modèles suggèrent que les hyménoptères auraient en fait entre 2,5 à 3,5 fois plus d’espèces que les coléoptères, avec entre 880 000 ou plus de 1,150 millions d’espèces selon l’estimation. Qui pèse le plus lourd dans la balance ? Si l’on s’intéresse à la répartition de la matière organique, la biomasse, entre les différents être vivants, on réalise que les êtres humains ne sont qu’une infime partie de la masse des êtres vivants avec qui nous partageons la Terre. Ce sont les plantes qui remportent, et de loin, la première place du classement, car elles composent plus de 82% de la biomasse terrestre. Viennent ensuite les bactéries avec presque 13% de la biomasse. Alors qu’à eux seuls les insectes comptent pour presque 50% des espèces décrites, les animaux ne constituent en fait que 0,4% de la biomasse totale ! Vous pensez que l’humanité correspond à quel pourcentage de la biomasse totale des animaux ? En réunissant les 8 milliards d’êtres humains, on atteint seulement 2,5% de la biomasse animale. Encore plus impressionnant, l’humanité ne correspond qu’a 0,01% de la biomasse terrestre totale ! L’humanité, bien que son activité soit visible presque partout sur notre belle planète, ne représente donc presque rien dans la balance de la biomasse terrestre. Biodiversité et humanité, une relation à deux vitesses Vous avez dit combien ? La biodiversité possède une valeur intrinsèque, indépendante des bénéfices qu’elle nous procure : elle est composée de tous les êtres vivants, qui ont un droit inaliénable d’exister. Il est donc de notre devoir moral et éthique de la protéger. La biodiversité est bénéfique pour elle-même, un mélange d’espèces plus riches aura tendance à produire plus de biomasse et mobiliser plus de ressources, constituant un système plus productif qu’un mélange d’espèces plus restreintes. La biodiversité nous rend évidemment des services culturels liés à son esthétisme, au potentiel spirituel, historique ou identitaire de certains milieux naturels. Ces services sont liés à la valeur patrimoniale de la biodiversité, qui appuient encore la nécessité de la protéger. Cependant, en tant qu’êtres humains, nous avons beaucoup de mal à considérer la biodiversité pour sa valeur intrinsèque ou patrimoniale, et notre vision anthropocentrée de la biodiversité aura tendance à plus s’intéresser à la valeur de ce qu’elle peut nous apporter. C’est la valeur utilitaire de la biodiversité. Cette valeur utilitaire est liée aux ressources qu’on prélève au sein de la biodiversité et aux services qu’elle fournit à l’humanité. C’est au sein de la biodiversité qu’on prélève de nombreux matériaux qu’on utilise dans des industries diverses comme la construction, les textiles, mais elle constitue également notre nourriture via ce qu’on appelle les services d’approvisionnement, c’est à dire les cultures, l’élevage de bétail, … La régulation de la qualité de l’air par la capture du dioxyde de carbone et l’émission de dioxygène, le contrôle de l’érosion et/ou la régulation des eaux constituent des services dits de régulation. Il est évident qu’estimer la valeur financière de tous les services que nous rend la biodiversité est une tâche très compliquée, mais une étude estime entre 125 et 140 trillions la valeur économique totale de tous les services que la biodiversité nous rend, soit plus de 1,5 fois le PIB mondial ! La biodiversité, alliée insoupçonnée contre le changement climatique Malheureusement, malgré le très grand nombre de services que nous rend la biodiversité, nous ne sommes pas toujours bien intentionnés envers elle. En effet, les activités humaines engendrent des modifications néfastes pour la biodiversité. La destruction des habitats naturels, par exemple pour augmenter la surface de terres agricoles conduit à une fragmentation des habitats, fortement nuisibles aux êtres vivants. La surexploitation des ressources, notamment avec la surpêche, menace directement la biodiversité. De plus, les activités humaines et le changement climatique qu’elles engendrent font peser une très forte pression sur la biodiversité planétaire. Une étude publiée dans Nature explique que la perte de biodiversité pourrait ne pas suivre une pente douce, mais plutôt une série de rapides chutes en escalier. Les espèces vivantes peuvent supporter des températures supérieures jusqu’à un certain seuil. Si ce seuil est dépassé, une grande proportion d’espèces se retrouvent alors exposées à des conditions pour lesquelles elles ne sont pas adaptées, et les écosystèmes pourraient s'effondrer brutalement, conduisant à des pertes irrémédiables de biodiversité. Un rapport produit par l’IPBES (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services) estime qu'à peu près 1 million d’espèces d’animaux et de plantes sont menacées d’extinction dans les prochaines décennies. Bien que la biodiversité soit directement menacée par le changement climatique, elle pourrait également constituer une alliée de poids pour lutter contre celui-ci. Malheureusement, comme le rappelait Sidney Rostan, le CEO de Bioxegy, dans La Tribune, elle est encore trop peu présente dans les discours politiques, dont celui de Joe Biden pour les élections américaines en 2020. En effet, la biodiversité et son état sont directement liés aux dérèglements climatiques comme les sécheresses, les émissions de gaz à effet de serre… En somme, lutter contre le changement climatique, c’est lutter pour la protection de la biodiversité. Permettre aux écosystèmes de se développer pour exploiter leurs potentiels de pièges de carbone, de protection contre les inondations ou pour refroidir les villes par exemple, permettrait de lutter efficacement contre le changement climatique tout en permettant au minimum le maintien de la biodiversité. Par exemple, les mangroves dont nous vous en parlions dans un de nos précédents posts, protègent les côtes contre l’érosion et sont aussi très efficaces pour piéger du dioxyde de carbone en grande quantité ! La biodiversité, collègue précieuse pour l’innovation Chez Bioxegy, on s'intéresse de près aux êtres vivants et on s’inspire de leurs prouesses pour concevoir des innovations, à la fois performantes et durables. Comme on vous en parlait il n’y pas si longtemps, le biomimétisme peut mener aux développement d’innovations dans de nombreux secteurs (comme le sport ou les drones, pour ne citer que ces deux sports sur lesquels nous avons écrit récemment). Le lien entre biodiversité et biomimétisme est donc évident, car c’est elle qui constitue notre base de données de solutions naturelles efficaces pour répondre aux problématiques variées auxquelles nous faisons face dans nos projets d’innovation. L’inspiration peut aussi résider directement dans l’étude de la diversité entre les espèces. Par exemple, les chiroptères, l’ordre des chauve-souris, est un ordre de mammifères avec une très grande diversité, représentant à peu près 20% des espèces de mammifères, avec plus de 1400 espèces connues. Elles présentent également une aire de répartition planétaire à l’exception de quelques îles isolées et des calottes polaires. Les chauve-souris sont donc adaptées à des environnements très différents et présentent une très grande diversité. Cette diversité se retrouve notamment dans leurs organes qui leur servent à émettre ou détecter les ultrasons grâce auxquels elles se repèrent dans l’espace ou détectent leur nourriture, qu’il s’agisse d’animaux, de fruits ou de fleurs. L’étude de la forme des oreilles ou des museaux en forme de feuilles d’un grand nombre d’espèces de chauve-souris en liant ces formes à leur fonction, pourrait permettre de définir des règles de design. La chauve-souris que nous vous présentons en image possède par exemple des organes adaptés à la chasse à la grenouille. Si une telle base de donnée était suffisamment développée, elle pourrait permettre d’accélérer le développement d’innovations en acoustique en permettant d’identifier des formes particulièrement adaptées pour réaliser la fonction souhaitée. Bien que ce genre d’études en soient encore à leurs début, elles montrent que le biomimétisme ne repose pas forcément sur l’inspiration d’une espèce en particulier, mais qu’il peut également avoir lieu en recensant, en étudiant et en comprenant les différences de formes et de fonctions entre différentes espèces pour optimiser rapidement des solutions technologiques en fonction du but visé. Ce genre de raisonnement pourrait être appliqué à de nombreux autres sujets, comme la réduction des frottements, les formes aéro ou hydrodynamiques... En effet, nombreux sont les êtres vivants qui sont soumis aux frottements lors de leurs déplacements ou à l’abrasion par la projection de particules comme du sable (on peut par exemple citer le poisson des sables (Scincus scincus) ou de nombreux insectes vivant en milieux désertiques). Si l’on recensait les différentes structures naturelles permettant de réduire et de résister aux frottements en fonction des conditions, cette grande source de connaissance pourrait être utilisée pour développer rapidement des solutions adaptées à tous types de problèmes. Un autre constat que l’on peut réaliser est que dans le biomimétisme, quelques organismes modèles sont sous la lumière des projecteurs, à l’image de la feuille de lotus, énormément étudiée, qui a inspiré de nombreuses innovations grâce à ses propriétés d’hydrophobie. Malheureusement, à se focaliser sur un nombre très restreint d’organismes, on passe probablement à côté d’un gigantesque réservoir de solutions adaptées à différentes contraintes. Il faudrait en quelque sorte biodiversifier le biomimétisme et être capable de s’appuyer sur un nombre beaucoup plus grand d’espèces, de tracer des liens entre les adaptations aux mêmes contraintes pour des individus très divers afin d’en extrapoler des règles de conception solides et éprouvées plusieurs fois dans le vivant. Ces règles pourraient permettre le développement accéléré de solutions ultra-performantes, car déjà testées et approuvées plusieurs fois par le vivant ! La biodiversité de la Terre est si vaste qu’elle en devient difficile à appréhender. Bien qu’elle soit mise à mal par le changement climatique, elle est une alliée de taille pour réduire ses impacts à l’échelle mondiale. C’est aussi une source d’innovation dont les seules limites sont nos capacités d’observation, d’étude, d’imagination et de créativité ! Nul doute que la biodiversité deviendra dans les années à venir une des références en innovation, car elle permet le développement de solutions qui sont à la fois efficaces et durables.
- Portrait de chercheur : Ally Aukauloo
“Le biomimétisme a été pendant fort longtemps une science fondamentale où les scientifiques puisent leur inspiration de la nature afin de résoudre des énigmes scientifiques . Bioxegy était le chaînon manquant pour connecter ce domaine et la recherche appliquée. Bioxegy s’impose comme une plateforme privilégiée pour relier la recherche fondamentale et les applications industrielles pour un monde durable.” Ally Aukauloo, Professeur à l'Université Paris-Saclay Quelques mots sur Ally Aukauloo et son parcours. Ally Aukauloo est professeur de chimie à l’université Paris-Saclay, conseiller scientifique au CEA et membre senior de l’Institut Universitaire de France. C’est auprès de ces deux institutions qu’il réalise ses travaux de recherches sur la Photosynthèse Artificielle. Après une thèse en chimie sur des nouveaux analogues porphyriniques (un catalyseur ou accélérateur de réaction chimique) dans une collaboration entre les Universités de Dijon, de Cologne et de Houston, il a commencé sa carrière d’enseignant chercheur dans le domaine du magnétisme moléculaire. En 2000, après un séjour à l'université de Stanford, où il a travaillé sur des modèles de cytochrome c oxydase (là aussi il s’agit d’un catalyseur d’origine naturel), il s'est orienté vers la chimie bioinorganique en se concentrant sur la photosynthèse artificielle. Il a dirigé pas moins de 16 thèses tout au long de sa carrière et est actuellement directeur de 4 thèses de chimie ! Quelques mots sur sa thématique de recherche et les sujets traités par son équipe La compréhension des mécanismes naturels permettant d’utiliser l’énergie solaire était considérée comme une curiosité de laboratoire il y a quelques dizaines d'années. Comprendre comment la nature utilise l’énergie solaire, l’eau et le CO2 pour synthétiser des molécules riches en énergie n’apparaissait pas comme un enjeu capital, et pourtant ! Dans le contexte environnemental actuel, avec en particulier l’élévation de la teneur en CO2 dans l’atmosphère, cette recherche se présente comme la voie de production d’un vecteur énergétique propre. Les équipes du CEA Saclay et l’Université Paris-Saclay s’intéressent à cette problématique depuis les années 80. Maintenant que c’est une thématique d’intérêt majeur, ils poursuivent leurs efforts dans la compréhension de captage de l’énergie solaire pour l’oxydation de l’eau et la réduction du CO2 à l’aide des catalyseurs bio-inspirés ou de nouveaux matériaux semiconducteurs. Mais en clair : qu’est-ce que ça signifie ? La nature a mis au point des machines moléculaires très sophistiquées capables de capter l’énergie solaire pour réaliser des transformations chimiques très énergivores. À savoir : 1) l’oxydation de l’eau en O2 libérant des électrons et protons 2) la fixation de ces derniers sur le CO2 conduisant à des molécules riches en énergie. Dit autrement, la photosynthèse consiste à convertir l’énergie solaire, l’eau et le CO2 en molécules riches en énergie. Pour en apprendre plus sur la photosynthèse, n'hésitez pas à aller lire notre article ! La photosynthèse artificielle consiste à mimer les grands principes du système naturel qui se décompose comme suit : 1) Capter l’énergie solaire 2) Convertir cette énergie sous forme d’un potentiel chimique 3) Catalyser les réactions d’oxydation de l’eau, de réduction du CO2 ou encore production de H2 2 approches sont mises en oeuvre pour atteindre ces objectifs : la chimie moléculaire et les matériaux semi-conducteurs organiques. Selon la voie moléculaire, l’idée est de confectionner des catalyseurs synthétiques capables de reproduire les performances des catalyseurs naturels qui restent encore inégalées. Les matériaux semi-conducteurs organiques peuvent à priori réaliser la photo-décomposition de l’eau en O2 et H2 ! C’est une nouvelle voie de recherche qui offre de nouvelles perspectives vers la fabrication des dispositifs pour la production d’un carburant propre. Les avancées de ses recherches et leurs potentiels industriels La recherche pour la production et l’utilisation d’une énergie propre et durable est une priorité internationale. Plusieurs initiatives chinoises, japonaises, européennes et américaines autour de la photosynthèse artificielle ont été mises en place avec un focus sur les procédés industriels. Le Joint Center for Artificial Photosysnthesis à Caltech USA en est un exemple de taille. En France, l’Agence Nationale de la Recherche accompagne cette recherche à la fois au niveau fondamental et en collaboration avec des industriels. Paris-Saclay est un acteur majeur dans cette quête. Les récentes avancées d'Ally et ses équipes sont nombreuses et variées : ils développent des catalyseurs pour la réduction sélective du CO2, l'utilisent comme ingrédient dans la préparation de molécules d'intérêt pharmaceutique. Ils s'intéressent aussi à la photocatalyse pour l'oxydation de molécules organiques utilisant de l'eau et du dioxygène. Finalement, ils étudient la photodécomposition de l'eau en O2 et H2 à l'aide de nouveaux matériaux semiconducteurs nanostructurés organiques. Rien que ça ! Ces résultats posent les jalons vers le développement d'une énergie propre et des procédés industriels durables. Pour en savoir plus … « S’inspirer de la nature pour produire de l’énergie. Photosynthèse artificielle à l’Université Paris-Saclay », http://msh-paris-saclay.fr/numero-8-de-la-collection-actes-de-la-msh-paris-saclay-energies-nouvelles-et-societe/ Un nano-polymère pour la photosynthèse artificielle : https://www.cea.fr/drf/Pages/Actualites/En-direct-des-labos/2020/Un-polymere-photo-synthese-artificielle.aspx, https://inc.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/un-polymere-conjugue-nanostructure-pour-la-photosynthese-artificielle Du CO2 au CO et leur valorisation dans le marquage des médicaments : https://www.inc.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/du-co2-au-co-et-leur-valorisation-dans-le-marquage-des-medicaments Un catalyseur spectaculaire pour la réduction du CO2 : https://www.inc.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/un-catalyseur-spectaculaire-pour-la-reduction-du-co2 Valorisation du CO2 - optimisation d’un catalyseur bio-inspiré : https://www.cea.fr/drf/Pages/Actualites/En-direct-des-labos/2020/Valorisation-du-CO2--optimisation-un-catalyseur-bio-inspire.aspx La photosynthèse artificielle, une technologie pleine d'espoir : https://www.lesechos.fr/thema/transition-energetique/la-photosynthese-artificielle-une-technologie-pleine-despoir-1236485
- Les animaux de compagnie, meilleurs amis de l'innovation
Bien que chouchoutés par leurs maîtres, les animaux de compagnie ne sont pas moins intéressants que les animaux sauvages. Ils ont, eux aussi, des caractéristiques morphologiques ou comportementales qui font d’eux des animaux bien adaptés à leur environnement ! Nous avons sélectionné 5 exemples d’innovations biomimétiques inspirées de vos animaux de compagnie préférés. Vous savez voir dans le noir ? Nous on a donné notre langue au chat Ça, on est sûr que vous connaissez ! Pas besoin d’avoir un chat chez soi pour savoir que ces félins ont des yeux bien particuliers. Ils sont en effet nyctalopes, c’est-à-dire qu’ils ont la possibilité de voir dans le noir. Quelle chance ! L’explication se trouve en regardant la structure de leurs yeux. Ils possèdent une couche de cellules (du nom savant tapetum lucidum) située après la rétine qui réfléchit la lumière, d’où leurs yeux brillants dans le noir. La rétine capte alors beaucoup plus de lumière et permet aux félins d’avoir une bonne vision à faible luminosité. Il n’en a pas fallu plus pour motiver des innovations biomimétiques. Un inventeur du siècle dernier, Percy Shaw, s’est laissé séduire par cette ingéniosité du vivant. Un soir où les lumières bordant la route qu’il emprunte sont hors service, il évite de près de sortir de la route par manque de luminosité. Le hasard faisant bien les choses, il remarque une paire de yeux de chat le fixant dans la nuit noire. À la suite de cette expérience, Percy Shaw invente des dispositifs réfléchissants à déposer le long des routes pour guider les conducteurs. Le principe est assez simple : une boule en verre réfléchissante délimite la route au passage des voitures dont les phares sont allumés. En plus de cela, la boule accumule l’eau de pluie et permet de nettoyer la saleté occasionnée par le passage des voitures sur le dispositif. Le dispositif est opérationnel quelles que soient les conditions météorologiques ! Le lapin, un animal aux dents affûtées La deuxième innovation est tout droit inspirée des lapins, qui font le bonheur de certains d’entre nous. Connus pour leurs deux paires de dents affûtées, les lapins mordent dans des substances dures, comme le bois, pour se nourrir. En quoi cela inspire-t-il des chercheurs ? Aussi surprenant que vrai, ses dents s’auto-affûtent en continue lorsque le rongeur mâche. Pour cause, la face extérieure des dents de lapin est constituée d’émail dur alors que la face intérieure est composée de dentine ductile. C’est cette configuration qui permet de laisser toujours affleurer une fine couche coupante. Fini les aiguiseurs de couteaux ! C’est du moins l’ambition de chercheurs venant de l’université de Fraunhofer en Allemagne. Ils s'inspirent directement des dents des lapins : ils ont conçu une lame constituée d’une part d’une fine face extérieure dure, et d’autre part d’une couche intérieure plus ductile (en restant tout de même très dure !). Coupe après coupe, la couche ductile recule peu à peu afin de laisser affleurer la face dure et coupante. Résultat : les lames conservent leur tranchant au fil des coupes et ont moins besoin d’être remplacées. Comme un poisson dans l’eau ! Avec près de 500 millions d’années de sélection et de mutation derrière elles, les nageoires des poissons sont parmi les plus beaux fruits de l’évolution. Elles leur permettent de se déplacer rapidement tout en assurant une consommation sobre en énergie ! Leurs oscillations couplées aux mouvements d’ondulation du corps du poisson sont la clé pour se propulser efficacement dans l’eau. Les poissons possèdent plusieurs nageoires, chacune ayant une fonction bien précise : Les nageoires dorsales sont situées à l’arrière du poisson et aident les poissons à tourner et s’arrêter brusquement ; La queue, aussi appelée nageoire caudale, est la nageoire la plus importante pour la propulsion du poisson ; La nageoire anale stabilise le poisson ; Les nageoires pectorales et pelviennes jouent aussi un rôle de stabilisation et permettent au poisson de se diriger. L’entreprise Wavera s’est inspirée de la nage ondulante des poissons pour concevoir une pompe nouvelle génération. Celle-ci est composée d’une membrane discoïdale flexible ondulant sous l’action d’un moteur : son oscillation, à la manière d’une nageoire de poisson, propulse le fluide depuis son côté excité vers le bout libre de la membrane. Cette pompe innovante a de nombreux avantages par rapport aux pompes classiques : elle est petite et légère, elle a un faible besoin de maintenance et elle permet d’économiser jusqu’à 30% de consommation électrique. L’algorithmique, une affaire de chiens domestiques Vous avez peut-être pu le remarquer, les dogues allemand domestiqués défendent fermement leur territoire contre de potentielles intrusions de dogues errants. Puissants et rapides, ils patrouillent leur territoire et se battent contre tout dogue intrus. Mis à part leur sonorité, algorithmique et dogues domestiques n’ont a priori pas grand chose en commun… Et pourtant... Pour commencer, qu’est ce qu’un algorithme ? C’est tout simplement une suite finie claire d’instructions et d’opérations permettant de résoudre un problème donné. Une recette de cuisine est un exemple d’algorithme qui permet de résoudre un problème, et pas des moindres : de bien manger ! Bref, les algorithmes sont très présents dans nos quotidiens, et surtout dans les technologies que nous utilisons. Une catégorie d’algorithmes omniprésente dans l’industrie en général est celle qu’on appelle les algorithmes d’optimisation. Que ce soit dans le domaine des transports pour trouver l’itinéraire le plus court, en économie pour réduire les coûts ou encore dans le secteur de l’aéronautique pour obtenir un rendement maximal des moteurs, ces algorithmes sont une aide exceptionnelle dès qu’il s’agit de maximiser ou minimiser une certaine quantité. Mais quel rapport avec les dogues ? Figurez-vous qu’il existe un grand nombre d’algorithmes bio-inspirés ! Certains sont appelés algorithmes génétiques car ils s’inspirent des mécanismes de brassage génétique ayant lieu au cours des générations d’une population d’une même espèce. Souvent confrontés à des environnements hostiles, les êtres vivants cherchent à avoir les gènes les plus avantageux pour maximiser leurs chances de survie. C’est là que se trouve la transposition biomimétique pour ces algorithmes d’optimisation : la quantité optimale recherchée et évoquée ci-dessus se calcule par itérations, de la même manière que les gènes se modifient à chaque génération par des mécanismes d’évolution (sélection naturelle, mutation, crossover). Plus précisément, la redistribution des gènes au sein des nouvelles générations d’une espèce dépend des stratégies de reproduction de celle-ci (monogamie, polygamie…), chacune motivant des algorithmes bio-inspirés différents ! C’est là qu’interviennent les dogues : eux-aussi ont leur propre stratégie de reproduction et elle est basée sur les rivalités entre dogues domestiques et errants. C’est ainsi que l’Université de Pondichéry a conçu un algorithme inspiré des dogues allemands. Nous vous épargnons les détails du mécanisme pour cette fois-ci, mais nous vous les révélerons plus longuement dans un prochain article. Avec le serpent, pas de frictions, que des innovations ! Et oui, des serpents comme animaux de compagnie, ça existe ! Bien qu’ils en effraient certains, ils sont tout de même fascinants. Une de leurs caractéristiques inspirantes est leur capacité à se déplacer sur tout type de surface et dans tout type de climat. Leur agilité est entre autres due à deux propriétés morphologiques importantes : leurs écailles et leur squelette. D’une part, les écailles ont une structure particulière permettant de limiter les frottements. Plus étonnant encore, les serpents n’ont pas le même coefficient de friction (c’est-à-dire la force nécessaire pour commencer le déplacement) selon les directions et ont la capacité de lisser certaines parties de leurs corps pour mieux glisser. D’autre part, le squelette du serpent est composé de beaucoup de vertèbres qui lui confèrent une flexibilité hors du commun. Celles-ci lui permettent différents modes de déplacement dans différentes directions. Les serpents peuvent avancer par ondulations latérales, ondulations rectilignes et microcontractions, ou encore par accordéon. Cette incroyable mobilité a inspiré des chercheurs en robotique. De nombreuses recherches ont particulièrement porté sur la conception d’un robot imitant son anatomie. Par exemple, l’Université de Mumbai a réalisé un prototype d’un robot-serpent composé de 5 parties, chacune pilotable indépendamment. Très flexible, ce serpent a été pensé pour l’inspection des zones difficiles d’accès pour les hommes, notamment les pipelines et autres conduits. Avec son système embarqué composé de capteurs de température et de gaz ainsi qu’une caméra, les robots-serpents sont peut-être les outils d’inspection et de maintenance du futur ! Finalement, pas besoin de vivre dans un environnement contraignant pour inspirer des innovations performantes et durables ! Que ce soit dans leur comportement ou dans les technologies qu’ils inspirent, nos animaux de compagnie préférés n’ont pas fini de nous surprendre et nous inspirer !
- L’araignée, dans la toile de l’innovation
L’araignée est une chasseuse aguerrie, elle peut compter sur ses caractéristiques physiques et sa soie pour capturer ses proies ! Elle n’en demeure pas moins un mystère par de nombreux aspects et ne cesse de fasciner et d'inspirer des chercheurs du monde entier pour concevoir de nombreuses innovations biomimétiques. L’araignée, une prédatrice aussi redoutable que redoutée Les araignées sont des prédateurs invertébrés, ce qui signifie qu’elle ne possède pas de colonne vertébrale, comme l’on peut s’en douter. Au sein de la classification des espèces, pour les plus curieux d’entre vous, les araignées font partie de l’embranchement des arthropodes et appartiennent à la classe des Arachnides. Bien qu’appartenant à la même classe, on recense 48 800 espèces en 2020, dont 1700 en France. Chaque espèce possède des caractéristiques très variables, à commencer par la taille : les araignées peuvent mesurer de 0,2 mm à 30 cm ! Ces dernières sont donc un réservoir de biodiversité extrêmement riche. Du frisson dans le dos à la phobie, nous n’aimons généralement pas les araignées. Des chercheurs sont même parvenus à démontrer que la peur des araignées serait héréditaire. Si le dicton veut que la petite bête ne puisse pas manger la grosse, les araignées sont pourtant redoutables. Prédatrices hors pair, elles se nourrissent d’une grande variété de proies : insectes, vers de terre, escargots, petits vertébrés, voire parfois d’autres araignées. La tarentule géante, Theraphosa blondi, est même capable de manger des souris et des lézards. Mais comment font-elles ? Les araignées peuvent compter sur leurs stratégies de chasse et d’attaque très performantes pour s’attaquer à des animaux qui font jusqu’à 10 fois leurs tailles. Ensuite, pour capturer leurs proies, elles utilisent les propriétés de la soie qu’elles tissent. Par exemple, la veuve noir d’Amérique du Nord, qui mesure en moyenne 1,7 cm, capture et consomme des serpents, certes juvéniles, mais mesurant environ 26 cm ! Elle les piège dans une toile et les paralyse avec un venin toxique pour pouvoir les dévorer en toute sérénité. L’araignée, un animal “sous pression” Les araignées ont une anatomie particulière : elles n’ont pas un squelette osseux comme nous autres mammifères mais un hydrosquelette. Cela signifie que l’articulation de leurs 8 pattes ne se fait pas via des contractions musculaires, mais repose sur la présence d’un liquide physiologique, appelé hémolymphe. Le principe est simple : la variation de la pression de ce liquide permet l’extension de la patte. Ce mécanisme est un réel atout lorsque les araignées chassent. Par exemple, les araignées sauteuses, comme leur nom l’indique, peuvent sauter jusqu’à plusieurs fois leur taille ! Elles sont bien plus agiles dans leur déplacement ce qui leur permet de capturer plus facilement leurs proies. La soie d’araignée : quand tisser des liens devient un art Bien qu’au cœur des thématiques de recherches de nombreux scientifiques, la soie d’araignée regorge de mystères irrésolus. Pour être très rigoureux, nous devrions parler des soies au pluriel, compte tenu de la multiplicité des types de soie existant et de leurs usages. Malgré le fait qu’elles aient la même composition chimique, à savoir des protéines agencées en une fibre très fine, les soies d’araignées diffèrent sur de nombreux points. Une même araignée peut être amenée à en produire plusieurs types, en fonction de ses besoins. Voyez plutôt : Pour se déplacer, les araignées ont recours à une soie sèche. Par exemple, les araignées à écorce de Darwin (Darwin’s bark spiders, ou Caerostris darwini), que l’on trouve dans les forêts de Madagascar, construisent les plus grandes toiles orbitales jamais mesurées. Celles-ci peuvent atteindre 2,8 m² de surface suspendue à des ponts allant jusqu’à 25 m de long au-dessus des rivières et ruisseaux. Cette soie sèche est aussi utilisée par certaines araignées comme un fil de cheminement qui assure leur sécurité en cas de chute. Pour la chasse, certaines araignées tissent une soie criblée de perles visqueuses pour adhérer aux proies. Les araignées bolas utilisent cette soie et la couplent à une technique de chasse incroyable, digne d’un film d’action ! Elles disposent d’une perle d’un liquide gluant à l’extrémité de leur soie et l’agitent à la manière d’un bolas pour capturer des proies volantes. Grâce à cette technique spéciale, elles sont spécialisées dans la chasse aux papillons de nuit. Les écailles détachables permettent généralement aux papillons de se défaire des toiles ; mais qu’à cela ne tienne, les araignées bolas ont leur propre lasso ! La couche extérieure semi-liquide de la “perle” s’infiltre directement sous les écailles, et la partie plus visqueuse est accrochée au fil élastique, ce qui permet de supporter le poids et les mouvements des papillons. Pour tisser leurs toiles (toutes les araignées ne le font pas !), les araignées produisent plutôt une soie gluante permettant de fixer la proie à la toile dès qu’elle s’y pose. Les toiles elles-mêmes présentent une vraie diversité : certaines sont géométriques (elles peuvent atteindre 2 mètres dans le cas des Néphiles géantes de Madagascar), d’autres sont irrégulières et prennent la forme de nappes ou encore de dômes... Pour protéger leurs progénitures, les araignées tissent en général une toile plus cotonneuse. Un exemple spectaculaire et encore incompris est la structure circulaire tissée par certaines araignées d’Amérique du Sud. Du nom de silkhenge, en référence à Stonehenge, ces structures protégeraient les œufs des attaques des fourmis ou permettraient de piéger des acariens qui viendraient nourrir les petites araignées à leur naissance. Les soies ont encore beaucoup d’autres usages : les femelles, par exemple, y déposent des phéromones pour attirer des mâles. Quoiqu’il en soit, les soies sont capitales pour la survie ou la reproduction des araignées. A cet égard, l’évolution les a doté de propriétés, notamment mécaniques, très intéressantes : légèreté, élasticité, résistance… L’araignée et ses yeux télescopes Les araignées n’ont pas une très bonne vue, bien qu’elles soient parfois dotées de 8 yeux. Ces derniers possèdent des propriétés leur permettant de chasser et de se déplacer efficacement. Par exemple, les yeux des araignées sauteuses surnommées “yeux télescopes" permettent de détecter une proie sur une grande distance. La détection des proies repose sur la structure des yeux : leurs rétines sont composées de 4 couches photoréceptrices permettant d’évaluer avec précision les distances, même très importantes. Les yeux des araignées sont une source d'inspiration très riche pour les chercheurs spécialisés en optique. Une caméra reproduisant la composition multicouche des yeux des araignées a été développée. Cet exemple est loin d’être isolé, car les araignées sont une source d’inspiration biomimétique inépuisable. L’araignée, une source d’inspiration biomimétique inépuisable Lorsque l’on évoque araignées et biomimétisme, il paraît évident de parler de la soie, et croyez-nous on aurait bien tort de ne pas le faire. Pourtant, les fils de soie ne sont pas la seule inspiration biomimétique issues des araignées... L’hydrosquelette des araignées : une source d’inspiration pour de nouveaux systèmes d’actuateurs Le fonctionnement de l’hydrosquelette des araignées peut servir de modèle pour la conception d’actuateurs, des systèmes permettant de réguler la pression d’un fluide afin d’agir sur un autre système. De la même manière que pour les pattes des araignées, l’articulation contient une poche de fluide qui peut se comprimer et ainsi plier l’articulation grâce à des fils imitant les tendons. L’université du Colorado a développé une technologie particulièrement performante : des actuateurs bio-inspirés des articulations d’araignées, qui sont jusqu’à 4 fois plus rapides que les actuateurs classiques et qui consomment jusqu’à 140 fois moins d’énergie. Cette technologie pourrait être utilisée dans la robotique ou encore dans le domaine médical pour la conception de nouvelles prothèses. L’incroyable résistance de la soie d’araignée Bien que très fine (environ 10-5 m soit 0,01 mm), la soie d’araignée doit résister à des conditions extérieures très variables telles que la pluie, la rosée, l’hygrométrie ou encore le vent. En parallèle, la soie doit rester flexible/élastique pour capturer les proies sur la toile ou à la manière des bolas. Cette ambivalence a suscité l’intérêt de nombreux chercheurs qui sont parvenus à quantifier certaines propriétés. Sa résistance en traction, qui est le rapport entre la force nécessaire pour rompre un fil et la section du fil, est l’une des plus élevée : environ 1000 Méga-Pascals. Celles de l’acier et du kevlar se situent respectivement à 500 Méga-Pascals et 3000 Méga-Pascals. La soie dispose donc d’un excellent rapport légèreté/résistance, inspirant la conception de nombreux matériaux et ce, dans des domaines industriels variés (aéronautique, aérospatial, automobile…) Des toiles d’araignées pour protéger les oiseaux... C’est la solution originale imaginée par l’entreprise Ornilux. Dans la nature, les oiseaux constituent une menace pour les araignées : ils volent dans leurs toiles et les détruisent, les empêchant de capturer des proies. De ce fait, certaines araignées sont dotées de fils de soie qui réfléchissent les UV (perceptibles par les oiseaux). Cette caractéristique apporte une solution à un problème plus urbain : les collisions d’oiseaux avec les vitres de bâtiments. Ces collisions sont une des principales sources de mortalité aviaire. Il est donc essentiel de concevoir des solutions architecturales respectueuses de la biodiversité qui nous entoure. En reproduisant le système de réflexion des UV des fils de soie, Ornilux a ainsi mis au point des revêtements réfléchissant à poser sur les vitres. L’obstacle est donc signalé aux oiseaux, tout en restant invisible pour l'œil humain (qui lui ne perçoit pas les UV !) Vous n’aimez peut-être toujours pas les araignées, mais nous espérons que vous êtes désormais convaincus de l’immense richesse qu’elles représentent dans le domaine du biomimétisme. Les différentes espèces d’araignées possèdent des caractéristiques aussi surprenantes les unes que les autres, et n’ont pas fini de nous surprendre en inspirant des technologies innovantes, performantes et durables !
- Le Saviez-Vous ? #55
🦇 Les chauves souris, contrairement aux idées reçues, ne sont pas toutes mangeuses de sang. L'appellation vampire ne désigne en réalité que 3 espèces (sur les 1 400 existantes) qui se nourrissent de sang. Pas de panique, elles ne visent pas les hommes mais plutôt des insectes ou des fruits. 🍇 ☘ Ces petits animaux, qui sont signes d'un écosystème en bonne santé, ne font d'ailleurs rien comme tout le monde. ✋ Voler avec les mains ! Leurs ailes sont en réalité des mains avec une membrane entre chaque doigt. 🙃 Vivre la tête en bas : c'est le monde à l'envers ! En effet elles passent une majeure partie de leur vie accrochées la tête en bas et ce sans dépenser d'énergie ! 👂 Voir avec les oreilles ? C'est possible grâce à l'écholocalisation. Elles utilisent des vibrations qu'elles produisent avec leurs cordes vocales afin de cartographier leur environnement. Caractéristique à l'origine de nombreuses innovations biomimétiques : par exemple, des sonars s'inspirant de leur morphologie.
- Le Saviez-Vous ? #54
🦎 Les quelques 4 600 espèces de lézards sont réparties à la surface du globe, dans des écosystèmes très variés ! 🏔️ Certaines espèces, comme le lézard vivipare, vivent jusqu'à 3 000m d'altitude, et sont donc confrontées à un froid glacial. Il en faut plus pour les décourager, car leur sang et leurs tissus ont des propriétés antigel exceptionnelles. ☀️ À l'inverse, d'autres lézards se la coulent douce au soleil et vivent dans des environnements arides. C'est le cas du diable cornu qui utilise sa peau pour s'hydrater. La structure de celle-ci favorise la condensation de l'eau présente dans l'air et lui permet aussi d'absorber l'humidité du sol. Le diable cornu peut ainsi boire jusqu'à plus soif ! 🏠 Les écailles des lézards jouent aussi un rôle central dans le contrôle de leur température corporelle. Elles sont d'ailleurs à l'origine d'innovation biomimétiques en urbanisme, qui permettent de refroidir passivement les bâtiments et diminuer leur consommation énergétique. 🌊 En dernier mais pas des moindres, nous avons aussi le Basiliscus plumifrons, appelé le lézard Jésus-Christ. C'est l'un des seuls animaux pouvant se déplacer sur l'eau, grâce à sa vitesse lorsqu'il court sur ses deux pattes arrières.
- Le Saviez-Vous ? #53
🦁 SI je vous dis : "Dans la jungle, terrible jungle, le lion est mort ce soir !" ça vous dis quelque chose ? Et pourtant c'est bien difficile à croire car il en faut pour abattre une telle bête ! 🏋️ Avec ses 225 kilos, le lion est un monstre de muscles qui n'a rien à envier à nos athlètes. 3,7m au saut en hauteur, 10m au saut en longueur et une pointe de vitesse à 60Km/h. Heureusement qu'il ne participe pas au JO ! 🎶 Il est même très bon chanteur ! Ses cris s'entendent jusqu'à 5km. Même pas besoin de se casser les cordes vocales. 🥩 Le lion avale 7 kilos de viande par jour et peut aller jusqu'à 40 kilos en une fois ! 🐾 Et même avec tout ça dans le ventre il est aussi discret qu'une souris, grâce à ses coussinets, comme les chats. Situés sous ses pattes, ils lui permettent de se rapprocher de ses proies sans être entendu. Des coussinets qui ont un fort intérêt dans le domaines du biomimétisme. Peut-être un matériaux d'avenir pour amortir les vibrations !
- Fourmi-dables innovations !
Chasseuses, agricultrices, guerrières, bâtisseuses ou médecins, les fourmis sont de véritables couteaux suisses. Les capacités des colonies de fourmis, très analogues à celles des sociétés humaines, sont des sources d’inspiration pour des innovations biomimétiques. Les fourmis, une civilisation proche de la nôtre La fourmi est un insecte social de la famille des Formicidés. Tout comme l’homme, elle vit en communauté. Les 25 000 espèces différentes de fourmis qui peuplent notre monde depuis 120 millions d’années forment des colonies qui résident dans des habitats appelés fourmilières. La plupart des colonies sont dirigées par une reine qui est le seul individu capable de se reproduire. Cette unique dirigeante a pour mission de donner naissance à toutes les fourmis de sa colonie. On appelle cela l’eusocialité. Cette tâche est difficile car une fourmilière peut compter de quelques dizaines d’individus à des centaines de millions. Avec une telle quantité d’habitants, une très grande organisation pour nourrir et loger tout le monde. Heureusement, l'organisation est une des spécialités des fourmis. Ce sont de fabuleuses architectes. Les fourmilières sont des réseaux complexes de galeries qui permettent une circulation de l’air et des individus optimales. Des salles aux fonctions spécifiques sont réparties dans ce réseau : la pouponnière avec les fourmis juvéniles, le garde-manger ou encore la chambre royale où réside la reine. En ce qui concerne la nourriture, les fourmis ne sont pas difficiles. Elles mangent de tout. Des insectes, des œufs, des plantes, des fruits, nos restes, tout y passe pour nourrir la fourmilière toujours grandissante. Mais certaines fourmis ont trouvé des méthodes d’alimentation qui ressemblent fortement aux nôtres. Que se soit au niveau de l’organisation en société, de la communication ou bien de certaines pratiques, les fourmis nous ressemblent beaucoup. Les fourmis ont la main verte Les fourmis ont inventé l’agriculture bien avant l’homme. Elles ont développé plusieurs techniques : Cultiver des champignons Depuis 50 000 ans, les fourmis coupeuses de feuilles, ou champignonnistes, domestiquent des champignons. Elles entretiennent avec eux une relation dite symbiotique. C'est-à-dire que la fourmi comme le champignon ne peuvent pas survivre sans l’autre. Le champignon est nourri par les fourmis qui lui coupent des feuilles et il est logé dans la chaleur de la fourmilière. La fourmi ,en contrepartie, se nourrit des protéines que crée le champignon en dégradant les feuilles. Élever des pucerons Encore une relation symbiotique que les fourmis entretiennent. Il s’agit d’élever non plus des champignons mais des pucerons. Ces fourmis éleveuses récupèrent les pucerons et les protègent contre leurs prédateurs. En échange de cela, leurs protégés sécrètent un miellat riche en sucre dont les fourmis se nourrissent. Il s’agit du même principe d’élevage que l’homme a mis en place avec les abeilles. Planter et cultiver des plantes Baptisée Philidris Nagasau, cette espèce de fourmi recueille des graines de Squamellaria. Elle les dépose ensuite dans des petites fissures qu'elle trouve dans les arbres. Les plantules forment alors des espaces creux qui sont constamment visitées par les fourmis. Ces dernières défèquent dedans pour fertiliser la jeune plante et l'aider à pousser. Ces chambres creuses grandissent et fournissent espace et protection aux colonies de fourmis. Pour guérir, rien de mieux qu’un remède de fourmi ! Nous ne sommes pas non plus les seuls à guérir nos malades et nos blessés. Les fourmis savent le faire aussi et depuis bien longtemps. Les fourmis ont un tempérament guerrier : elles se battent lors de raids, de guerres ou de combats. Et évidemment elles peuvent se blesser. Une patte arrachée, une partie du corps écrasée, tout peut leur arriver. Certaines perdent la vie mais les blessés peuvent avoir une seconde chance. En effet, il existe une espèce de fourmis qui est capable de guérir les malades : la fourmis Matabele d'Afrique. Lors de combat, certaines d’entre elles ramènent les blessés au nid et les lèchent. Cette action nettoie la plaie et enlève les débris. Les chercheurs supposent que la salive des fourmis infirmières possède un antibactérien qui aide à la guérison. En tout cas, le résultat est bien là. Sur la totalité des fourmis Matabele blessées, celles qui ont reçu des soins survivent à 90%. Au contraire, 80% de celles n’ayant pas reçu de soins meurent. Une grande efficacité avec des produits 100% naturels dans leur origine et leur production. La fourmi, impressionnante, certes, mais pas sans défauts ! Les fourmis nous étonnent par leurs pratiques ingénieuses et si similaires aux nôtres. Malheureusement, comme nous, elles n'ont pas que des qualités. L’homme a aboli l’esclavage, pas la fourmi ! Certaines fourmis, comme l'homme, pratiquent l’esclavagisme. C’est le cas par exemple des fourmis amazones. Ces dernières profitent des batailles contre d’autres colonies de fourmis pour voler des œufs (la fourmi se développe en 4 stades: l'œuf qui devient une larve puis une nymphe qui est un état intermédiaire entre la larve et l’adulte). Elles ramènent ces œufs d’autres fourmis dans leur nid. Lorsqu’elles éclosent, ces jeunes fourmis pensent être chez elles et travaillent pour leurs oppresseurs. Mais tout ne va pas forcément bien pour les esclavagistes. Il arrive que les esclaves se rebellent. Elles s’en prennent alors à la progéniture des oppresseurs. Lors de la rébellion, plus de la moitié des larves de fourmis esclavagistes peuvent mourir. La fourmi, belliqueuse et victorieuse La plupart des fourmis sont des combattantes. Elles chassent, se battent pour leur territoire ou dévalisent d’autres colonies. C’est le cas des célèbres fourmis légionnaires. Ces dernières sont des fourmis nomades avec un cycle bien précis. Elles s'installent 20 jours sur un territoire en formant des bivouacs avec leurs propres corps. Puis elles migrent vers un autre territoire durant 15 jours, traversant tous les obstacles y compris les cours d’eau. Durant cette phase de déplacement, les fourmis légionnaires forment un flux inarrêtable de fourmis, dévorant tout sur leur passage. Cette migration a un nom qui reflète parfaitement la situation: Marabunta (Amérique hispanique) ou “plaie des fourmis”. Les fourmis légionnaires aiment les combats et se nourrissent de viande. Elles n’hésitent pas à dévaliser les autres colonies, à s’en prendre à nos animaux d’élevage et même à dévorer des Hommes. Ces fourmis ne sont que des exemples du caractère belliqueux des fourmis. Ce sont des espèces qui, comme nous, se battent et pillent. Comme l’illustrent les paragraphes précédents, les parallèles entre les comportements des fourmis et des caractéristiques souvent considérées propres à la société humaine sont nombreux. Ces organismes fascinants sont donc des sources d’inspiration extraordinaires pour des applications variées. La fourmi : autant de secrets que de sources d’innovation ! Un algorithme inspiré des fourmis ? Pour s’organiser lors de leur recherche de nourriture, ou bien la découverte de leur environnement, les fourmis utilisent un moyen de communication extrêmement performant. Il s’agit des phéromones. Lors de leur déplacement les fourmis sécrètent les substances olfactives que leurs congénères peuvent capter. En fonction de ce qui se trouve sur le chemin (nourriture, danger), la substance n’est pas la même. De cette manière, en revenant au nid, la fourmis à tracé un chemin olfactif qui mène directement à la nourriture, à un danger ou autre. En empruntant ce chemin, les autres fourmis sécrètent elles aussi la substance, ce qui renforce la trace. Cette méthode de communication est si efficace qu’elle a inspiré un algorithme de gestion du trafic ferroviaire. Cet algorithme génère des solutions du problème qui sont symbolisées par des trajets de fourmi donc des pistes de phéromones. À chaque itération de l’algorithme, une fourmi change son trajet. Pour cela, elle utilise les pistes de phéromone des autres fourmis. Plus la piste de phéromone est puissante (plus il y a de fourmis qui empruntent ce trajet) plus il y a de chance que cette portion du trajet soit la plus rapide possible. La fourmi préférera passer par là. Si la solution trouvée par cette fourmi est plus pertinente que la précédente, elle est retenue et son trajet devient une piste de phéromone pour les suivantes. Sinon elle n’est pas retenue et une autre fourmi change de trajet. À la fin, l'algorithme renvoie le trajet optimal, c'est-à-dire la solution la plus pertinente. Cet algorithme est 10 à 15% plus efficace qu’un algorithme classique de recherche de trajet le plus court. La fourmi, plus efficace qu'un GPS Dans le désert, les phéromones s’évaporent trop vite. Les fourmis doivent donc trouver un autre moyen pour se déplacer. L’évolution a fourni aux fourmis du Sahara un moyen de se déplacer et se repérer dans le désert. Premièrement elles s'orientent grâce à la polarisation de la lumière dans le ciel. Cela agit de la même manière que le suivi des étoiles dans le ciel la nuit. Elles suivent cette carte du ciel invisible pour nos yeux. Deuxièmement, elles observent le paysage. En fonction de la vitesse à laquelle se déplacent les objets dans leur champ de vision lorsqu’elles avancent, elles sont capables de déduire la distance qu’elles ont parcourue. Troisièmement, elles comptent leurs pas. Cela leur donne une information plus précise sur la distance parcourue. Cette technique d’orientation a été utilisée pour créer des systèmes de GPS bio inspirés pour les robots. Équipé de caméras et capteurs détectant la polarisation de la lumière, un robot est capable de s’orienter dans l’espace et de mesurer la distance parcourue. L’AntBot, un robot qui a été mis au point sur le modèle d’une fourmi, mesure son cap avec une précision de 0,4° par temps clair ou nuageux grâce à ce système. Pour la fourmi, le Soleil ne lui fait ni chaud ni froid Les fourmis argentées du Sahara nous réservent une petite surprise. Vivant dans le désert, elles doivent être capables de réguler leur température pour ne pas brûler sous le soleil. Pour se faire, l’évolution leur a fourni une incroyable protection : des poils. De forme triangulaire, ils tapissent leur dos et reflètent la lumière du soleil, qui ne les réchauffe donc pas. En plus de cela, ces poils permettent de refroidir la fourmi en diffusant sa chaleur sous forme de rayonnements thermiques. Cette adaptation a donné des idées à des chercheurs. Ils ont reproduit ces poils sur des tissus de protection thermique solaire. Ces tissus sont donc capables de refléter la lumière du soleil à hauteur de 97% et de diffuser la chaleur en rayonnant. Il en résulte une diminution de la chaleur du tissu de 18% par rapport à un tissu non traité. Une avancée pour la protection des satellites par exemple. Des millions d'années avant nous, les fourmis ont inventé ce que nous pensons être propre à l’espèce humaine: agriculture, médecine, élevage. Ce sont des insectes extrêmement ingénieux, innovants et pleins de ressources qui ont colonisé de nombreux espaces de notre planète. Il reste sans aucun doute de nombreuses choses à découvrir sur les fourmis. Une source d’innovation biomimétique énorme.