Le biomorphisme : la révolution des formes
Le biomorphisme, l’une des nombreuses sous-méthodes du biomimétisme, consiste à s’inspirer des formes de la nature, pour sa facette esthétique mais aussi pour ses performances.
Depuis le premier emploi des termes “biomorphique” ou "biomorphe" par Alfred CORT HADDON, dans son ouvrage Evolution in Art publié en 1895, le biomorphisme se retrouve dans diverses œuvres. Ce dernier revêt un caractère artistique mais aussi technique. Le biomorphisme répond à des objectifs de performance technologique, notamment dans les domaines de la mobilité ou de la construction !
Les acteurs des domaines du transport et de l’immobilier font face aux problématiques liées à la réduction de la consommation d’énergie et de ressources limitées.
En aéronautique ou en automobile (pour ne citer que ces deux secteurs), les pertes aérodynamiques entraînent une surconsommation de carburant qui implique de la pollution et des coûts supplémentaires. Minimiser ces pertes est donc un enjeu crucial pour ces deux catégories industrielles.
Dans le milieu de la construction, les coûts de matières premières et l’impact sur l’environnement sont des enjeux majeurs pour les bâtiments de demain. Réussir à développer des locaux, bureaux et habitations aux structures résistantes, légères et performantes sur le plan thermique (entre autres) sont des défis de tout premier ordre.
Or, les méthodes classiques de réflexion pour optimiser les solutions actuelles rencontrent leurs limites. La majorité des formes sont actuellement générées à partir d’une solution anthropo-pensée, dépendante des modalités de fabrication et des paramètres de performance.
Et si en réalité il fallait pousser les changements plus loin pour voir apparaître les effets bénéfiques ? En termes de ressources et de temps, il n’est pas possible de tester toutes les combinaisons possibles. Comment alors savoir si un changement drastique sera meilleur ?
Spécialiste du domaine, Bioxegy vous explique à travers quelques exemples pourquoi et comment le biomimétisme est une source de solutions et d'approches inédites pour penser le biomorphisme du futur.
Les formes naturelles sont apparues en tant que résultat de 3.8 milliards d’années d’évolution et de sélection naturelle.
L’intérêt du biomorphisme est de pouvoir proposer de nouvelles formes très différentes de celles que nous concevons habituellement. Les méthodes de conceptions industrielles, basées sur l'anthropomorphisme, ont favorisé l’émergence de formes simples et régulières : pavé, cube carré, rectangle, rond, sphère, … En reproduisant les formes et tendances retrouvées dans la nature, le biomorphisme permet de réaliser des changements drastiques vers des formes plus organiques : peigne, rainures, écailles, pavage hexagonal … Dans le vivant, ces formes sont apparues en tant que résultat de 3.8 milliards d’années d’évolution et de sélection naturelle.
Le biomorphisme peut être source d’innovations incrémentales ou disruptives. Grâce à cette approche, de nouvelles formes et géométries peuvent être conçues pour aboutir à des designs novateurs et améliorés.
Dans la nature, les formes de chaque être vivant sont des compromis afin d’optimiser l’ensemble des paramètres : maximiser la performance en minimisant les contreparties.
Par exemple, la forme des ailes d’oiseaux leur permet de planer avec un minimum d’effort et un minimum de masse. La forme des écailles permet aux poissons de réduire les frottements avec l’eau tout en les protégeant. Grâce à la forme de son bec et de son crâne, le martin pêcheur pénètre l'eau sans éclaboussures ni vagues, ce qui lui permet d’attraper ses proies sans trouble de la vision. Et il y a pléthore d’autres exemples de biomorphisme conçus à partir des deux millions d’espèces connues à ce jour (2022) !
En reprenant ces formes, il est donc possible de développer des systèmes à haute performance.
Quel est le rôle de Bioxegy dans le domaine du biomorphisme ?
Spécialiste en biomimétisme, Bioxegy a parfois recours à une approche biomorphique pour adresser une réponse à l’une des nombreuses problématiques industrielles et complexes. A travers quelques exemples, le biomorphisme achèvera peut-être de vous convaincre que c’est une méthode de réflexion pouvant aboutir à des résultats concrets.
La thermorégulation passive du cactus
Inspiration biologique : Les cactus torches vivent dans des déserts chauds et arides. Ils doivent par conséquent réguler leur température de surface pour limiter les pertes d’eau. Une particularité de ces cactus est la présence d’arêtes en excroissance.
Cette forme crée une différence de température entre l’intérieur et l’extérieur de leurs côtés. Cela crée non seulement un ombrage mais provoque aussi des flux convectifs d’air refroidissant.
Système technique biomorphique : L'hôtel Votu Brésil a décidé d’implémenter des planches sur toutes les façades des bâtiments, diminuant ainsi l’exposition aux rayons du soleil.
Ce biomorphisme, qui imite les côtes du cactus torche, limite l’exposition directe de 75% en moyenne et génère des courants d’air externes. La température de surface des vitres protégées est réduite de 6°C en été.
Les poissons-coffres : une inspiration pour certains véhicules
Inspiration biologique : Les poissons coffres sont des animaux étonnants : leur forme cubique (ou pavée) contraste avec les formes habituelles plutôt allongées des poissons et se heurte à nos conceptions conventionelles d’hydrodynamisme. Pourtant le poisson-coffre se déplace avec agilité dans le milieu aquatique, il est même capable de manoeuvrer dans toutes les directions.
Système technique biomorphique : Ces formes ont intrigué les ingénieurs de chez Mercedes-Benz, qui se sont penchés sur le développement d’une voiture-concept imitant la forme des poissons coffres. Les résultats sont surprenants : en plus de réduire les frottements, le volume disponible à l’intérieur de l’habitacle et du coffre est maximisé.
Les véhicules comme les voitures, les camions ou les bus sont soumis à une grande force de traînée du fait de leur large surface frontale, qui entraîne une grosse consommation d’essence et des coûts importants. L’air a des difficultés d’écoulement dans cette zone.
Un carénage pour voiture s’inspire de la forme du poisson-coffre pour guider l’écoulement d’air. Le coefficient de frottement est réduit par plus de deux (passant de 0,56 à 0,24) par rapport à un véhicule conventionnel Ce biomorphisme diminue donc l’effort pour avancer, réduit l’influence des vents latéraux et les fluctuations de pression sur les côtés dues à la séparation du flux d’air autour du carénage. La consommation d’essence est donc diminuée et la conduite plus agréable.
Repenser les éoliennes : un biomorphisme pour changer le mode de fonctionnement et de production d’énergie
Inspiration biologique :
Le kelp, aussi appelé fucus vésiculeux ou varech, est une sorte d’algue qui flotte et ondule en colonne grace à la présence de petites boules remplies d’air. Cela lui permet de se maintenir à la surface pour faire de la photosynthèse et se préserver de la sécheresse en se maintenant dans les courants. Le kelp sécrète aussi un mucus qui limite son évapotranspiration et c’est une des espèces de varech les plus longues, souples et résistantes mécaniquement.
Système technique biomorphique :
Les hydroliennes conventionnelles ressemblent aux éoliennes mais sous l’eau, elles sont entrainées par les courants marins. Seulement le mouvement rotatif des pales perturbent ces courants ainsi que la faune et la flore locale. Les scientifiques se sont donc intéressés à un changement de paradigme, un autre moyen de produire de l’électricité en captant l’énergie des courants ou des vagues.
Après une hydrolienne serpent et une autre à membrane inspirée des anguilles, ils ont conçu une hydrolienne en s’inspirant du kelp. Développée en Australie par les équipes de BioPower Systems, elle se fixe au sol dans les zones de moyenne profondeur (entre 30 et 50m) près des côtes et peut être directement reliée au réseau. Elle suit le mouvement et la direction des vagues en pivotant sur son socle pour une plus grande production énergétique et une moindre résistance. De plus, son design biomimétique la rend sans danger pour la faune locale. Ce dispositif est facilement détachable pour pouvoir réaliser un entretien à terre sans déplacer toute la structure. Haut de 25m, une unité permettrait de produire jusqu’à 1MW, soit comme une petite éolienne.
De même nos éoliennes peuvent être repensées grâce au biomorphisme.
Autres perspectives prometteuses du biomimétisme dans les secteurs industriels