Le vivant n’a de cesse de fournir au secteur de l’énergie, et notamment de l’éolien, des techniques ingénieuses pour améliorer les performances. Voici cinq exemples d’éoliennes bio-inspirées sélectionnés par nos équipes, issus de toutes les strates du vivant !
1. Un accessoire pour éolienne doublement biomimétique
C’est en voyant un fruit de l’érable, une samare, tomber lentement au sol en tournoyant que le fondateur de Biome Renewables a eu l’idée de développer PowerCone : un accessoire pour éolienne. En effet, la forme des samares est optimisée pour que les flux d’air restent collés le long de leurs “ailes” : la valeur minimale de la vitesse du vent nécessaire pour mettre la samare en rotation est plus faible. En appliquant ce principe à l’équipement pour éoliennes, le rendement (conversion de la puissance du vent en une puissance électrique) de celles-ci est amélioré.
PowerCone s’inspire aussi du bec du martin-pêcheur. Cet oiseau est capable de plonger dans l’eau presque sans une éclaboussure. Cette prouesse aérodynamique a inspiré la conception du fameux TGV japonais, le Shinkansen. Pour Biome Renewables, la reproduction de cette forme sur son dispositif a permis de diminuer les fuites d’air au niveau de l’axe du rotor en améliorant la distribution du fluide vers les pales.
Le résultat de cet accessoire doublement biomimétique ? Une augmentation jusqu’à 13% de l’énergie produite annuellement par une éolienne, une réduction considérable du bruit, et une diminution des contraintes sur les pales (qui ont donc une plus grande durée de vie). Tout cela sans construire une autre éolienne mais bien à l’aide d’un simple accessoire.
Credits : Biome Renewables
2. Une éolienne optimisée pour les météos extrêmes prenant exemple sur le cocotier
Les cocotiers, espèces tropicales, sont fréquemment soumis à des vents extrêmes pouvant parfois prendre la forme d’ouragans. Malgré cela, il est rare de retrouver un de ces arbres ou même leurs branches étalés sur le sol. Cette quasi invincibilité n’est pas due au hasard. Elle est issue de la structure flexible et résistante du tronc, qui n’en demeure pas moins léger pour autant, et de la capacité des branches à se déformer. En cas de vent violent, l’arbre se courbe dans le sens du flux d’air et les branches se regroupent et s’alignent avec ce dernier. La surface de contact avec le vent et donc les contraintes sur le cocotier sont ainsi réduites.
Le comportement de cet arbre a inspiré des ingénieurs-chercheurs de l’Université de Virginie qui ont développé des rotors segmentés ultra-légers capables de se déformer (SUMR) afin de s’adapter à la force du vent, à destination d’éoliennes off-shore avec des pales de 200 mètres de long (capables de produire 50 mégawatt). Ces éoliennes ont alors une masse 25% plus faible que les éoliennes traditionnelles de même diamètre et leurs pales sont 60% moins contraintes donc moins sujettes à la rupture. De plus, cela permet une utilisation sur des intervalles de vitesse et force de vent où aujourd’hui les éoliennes sont mises hors service. Cela permettrait, selon les données des concepteurs, de diviser par 2 le coût de production de l’électricité d’origine éolienne sur zones côtières.
3. S’inspirer de la samare pour concevoir une éolienne à axe vertical
Si l’on veut augmenter la part de l’éolien dans le mix énergétique mondial, il faut en augmenter les capacités de production qui tournent aujourd’hui autour des 3 mégawatts à l’année par dispositif. Ce n’est possible qu’en augmentant significativement leurs dimensions ce qui est source de problématiques techniques liées à la résistance et la durabilité des éoliennes qui sont nécessairement plus lourdes. Des ingénieurs du cabinet d’architecture et de design industriel Grimshaw ont donc décidé de pivoter de 90° l’axe de rotation du rotor donnant naissance à l’une des premières éoliennes à axe vertical de sa génération.
Credits : Aerogenerator X, Grimshaw
Pour réussir à multiplier le rendement de celle qui se fait appeler Aerogenerator X, les samares ont encore une fois servi de source d’inspiration. Plus exactement, c’est le mouvement hélicoïdal de la chute de ces fruits qui a servi de modèle pour la création de ces éoliennes aux pales allégées. Elles ont été montées de façon à former un “V” dont les branches sont surmontées de voiles aérodynamiques (voir image) donnant à l’ensemble une envergure d’environ 275 mètres et une hauteur de 100 mètres. Le bénéfice obtenu est bluffant puisque l’Aerogenerator X est capable de produire 10 mégaWatt annuels soit plus de 3 fois plus qu’une éolienne classique généralement 2 fois plus haute.
Source : A. Guillot, J.-A. Meyer. L’Or Vert, Quand les plantes inspirent l’innovation. pp 79-80. CNRS Editions. 2020
4. Optimiser l’agencement d’un champ éolien en observant les bancs de poissons.
Les poissons vivant en bancs ne se placent pas au hasard les uns par rapport aux autres. Ils adoptent un arrangement minimisant les turbulences (et donc la gêne) générées par leurs voisins dont ils tirent plutôt profit du sillage. Ils fournissent ainsi 80% d’effort en moins que s’ils étaient seuls : ils font ainsi preuve d’intelligence collective.
Dans les champs d’éoliennes, une disposition trop rapprochée des dispositifs à axes horizontaux perturbe fortement les rendements. Des chercheurs à l’Institut de Technologie de Californie (CalTech), ont étudié l’impact sur les éoliennes à axe vertical qui s’est révélé bien moindre que celui sur les dispositifs traditionnels. De plus, ils ont cherché à reproduire l’agencement des poissons dans les bancs et les vortex générés par le mouvement ondulatoire de leur queue (en faisant tourner les éoliennes dans des directions opposées deux à deux). Les résultats sont encourageants, la puissance produite a été multipliée par 10 pour une même surface terrestre comparée à des éoliennes à axe horizontal.
5. Des pales d’éolienne inspirées des nageoires des baleines à bosse
Les ballets des baleines à bosses sont un spectacle fascinant pour quiconque ayant la chance d’y assister. Il n’en paraît rien à première vue mais ces mammifères marins sont extrêmement agiles. Ils sont capables d’atteindre les 25 km/h malgré leurs 30 tonnes et d’effectuer des virages serrés pour chasser leurs proies selon une technique appelée “chasse à bulle”. Pour réaliser ces performances, les baleines à bosses disposent de protubérances, de bosses, sur le bord d’attaque (avant) de leurs nageoires pectorales. Grâce à ces appendices qui peuvent paraître disgracieux, des calculs hydrodynamiques et aérodynamiques ont montré que le fluide était ainsi mieux canalisé et redirigé. Résultat : les turbulences sont diminuées et l’efficacité aérodynamique (ou finesse, ratio portance/traînée) est améliorée. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : une diminution de 32% de la traînée et de 6% du bruit initialement causé par les turbulences.
Credits : Whale Power Corporation
Impressionnés par cette découverte, Frank Fish, Philip Watts, et Stephen Dewar, ont lancé le développement de pales bio-inspirées pour différentes applications. Ils ont d’abord appliqué le concept sur des ventilateurs pour ordinateur avant d’atteindre l’échelle des pales d’éolienne. Le résultat : une augmentation de la portance des pales d’environ 40%. Cette technologie permet de plaquer le flux d’air et donc de retarder le décrochage. L’éolienne peut capter le vent venant de directions plus larges et donc tourner plus souvent. WhalePower Corporation, entreprise commercialisant cette innovation, a augmenté de 20% les performances des éoliennes traditionnelles.
Bonus : Et si les éoliennes pouvaient battre des ailes ?
Pour cet exemple bonus, oubliez tout ce que vous savez sur les éoliennes. Et si dans le futur celles-ci battaient des ailes ? Le rêve ne semble pas si éloigné que cela puisqu’une entreprise tunisienne, Tyer Wind, avait imaginé un tel concept en 2016. L’idée ? Reproduire la capacité de vol sur place des colibris. Ces derniers en sont capables en battant très rapidement des ailes avec un mouvement précis. L’énergie du vent est convertie en énergie électrique à partir d’un mouvement beaucoup moins ample que celui des turbines actuelles. Les premiers prototypes sont constitués d’ailes d’1,50 mètres de long couvrant une superficie légèrement supérieure à 1 mètre carré. Malgré le caractère concluant des premiers tests, l’entreprise n’est aujourd’hui plus sur le marché. Elle aura cependant permis d’innover de façon disruptive, marque de fabrique du biomimétisme, dans ces technologies pour lesquelles les changements n’étaient jusqu’alors qu’infimes. Le flambeau est donc à reprendre, à bon entendeur…
Credits : Tyer Wind
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