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Design et biomimétisme : quand efficience rime avec élégance !

Dernière mise à jour : 16 nov. 2023

En règle générale, s’inspirer de la nature pour du design ressemble plutôt à une approche artistique que technique. Et pourtant, le vivant a su imaginer des conceptions sobres et efficaces qui peuvent largement inspirer le design industriel !


Du design à la fonction, la nature en pleines formes !

Le design biomimétique : une combinaison structure-fonction épatante


Nous avons l’habitude de dire que le biomimétisme consiste à s’inspirer du savoir-faire du vivant, développé à travers 3,8 milliards d’années d’évolution, pour concevoir de nouvelles technologies. Bien que le terme design se traduise littéralement par “concevoir”, dans son usage français courant “design” se réfère plutôt à un travail sur les formes ou l’apparence, souvent à visée esthétique. Mais dans son sens anglais originel, “design” englobe bien un travail sur la forme y compris à visée technique ! Le lien entre design et technologie apparaît alors bien plus clairement. Mais comment le biomimétisme nous aide à créer des designs innovants plus performants ?


En réalité, il est simpliste de vouloir scinder forme et fonction. Et la nature l’a bien compris ! L’utilisation de formes particulières pour réaliser des fonctions biologiques est omniprésente dans le vivant. Cette combinaison structure-fonction est essentielle pour permettre aux plantes et animaux de survivre : la sélection naturelle a ainsi éliminé les designs les moins efficaces au cours du processus évolutif. Qui plus est, le vivant ne peut pas compter sur une grande diversité de méthodes pour assurer ses fonctions essentielles : pas de chimie complexe, pas de forte source de chaleur, peu d’électricité, une faible diversité de matériaux disponibles… En somme, les nombreuses formes et structures répondent toutes à des fonctions variées, et cela avec peu de diversité de matériaux de base !


Ainsi, la nature nous fournit un vivier de solutions astucieuses, basées en grande partie sur des structures et designs efficaces. Le biomimétisme a alors su exploiter ces designs lorsque nos technologies modernes ont touché leurs limites. Les exemples biomimétiques classiques de la feuille du lotus, des écailles du requin, de la bardane ou du martin-pêcheur démontrent bien cette affinité entre biomimétisme et design en liant structure et fonction.


L’oiseau de paradis, une fleur à nos fenêtres ?


L’oiseau de paradis est un autre exemple moins connu de combinaison structure-fonction dans le vivant. Ne vous laissez pas avoir par son nom, cet “oiseau” est en fait une plante originaire du sud de l’Afrique ! Sa fleur a la particularité de présenter de longs pétales élancés bleu-violets, qui servent de perchoirs aux oiseaux qui viennent se nourrir de nectar. Les pétales se courbent sous le poids de l’oiseau, et leur design en gouttière s’ouvre alors, révélant l’étamine et déposant le pollen sur les pattes du visiteur. C’est ainsi que l’oiseau de paradis dissémine son pollen pour se reproduire.

Une fleur d’oiseau de paradis. On voit bien les longs pétales bleus qui protègent l’étamine.
Une fleur d’oiseau de paradis. On voit bien les longs pétales bleus qui protègent l’étamine.

On constate bien la double fonction du design de ces pétales : premièrement leur forme allongée incite les oiseaux à s’y poser, mais surtout ce design “en gouttière” qui s’ouvre mécaniquement sous la flexion n’expose le pollen qu’en temps utile. Ce design de pétale qui s’ouvre et se ferme grâce à une simple flexion a inspiré un design de volet mécanique “Flectofin” par l’Université de Stuttgart, qui est notamment employé dans le pavillon thématique One Ocean lors de l’Expo 2012 Yeosu.

Pavillon One Ocean par soma architecture. La façade peut s’ouvrir et se fermer grâce à un design de volet inspiré de l’oiseau de paradis.


Pavillon One Ocean par soma architecture. La façade peut s’ouvrir et se fermer grâce à un design de volet inspiré de l’oiseau de paradis.




Pavillon One Ocean par soma architecture. La façade peut s’ouvrir et se fermer grâce à un design de volet inspiré de l’oiseau de paradis. © soma architecture © Kim Yong-Kwan


Des designs plus audacieux grâce aux innovations biomimétiques

Si le biomimétisme nous permet d’imaginer de nouveaux designs combinant structure-fonction, il peut également nous permettre de repousser nos limites techniques pour explorer des designs toujours plus libres !


Lightweight design : la Dame de Fer et son fémur


À partir du XIIe siècle, l’ogive gothique et son fameux arc brisé ont remplacé progressivement la voûte romane arrondie et permis de construire des cathédrales plus grandes et plus lumineuses. Les progrès du lightweight design, c’est-à-dire le compromis masse-résistance des structures, ont ainsi permis de créer de nouvelles architectures. De même, le développement de la métallurgie puis des alliages a donné naissance aux gratte-ciels modernes.

Comparaison entre une voûte romane, arrondie, et une voûte en arc brisé, pointue.
Comparaison entre une voûte romane, arrondie, et une voûte en arc brisé, pointue.

Comparaison entre une voûte romane, arrondie, et une voûte en arc brisé, pointue. © Wikimedia Commons


Et ça tombe bien, le vivant est spécialiste du lightweight design ! Après tout, quelle espèce n’a pas intérêt à être à la fois résistante et légère pour se protéger ou fuir ? Même les arbres doivent porter leurs branches pour s’étendre suffisamment loin et capter la lumière. Nos propres os, grâce à leur structure poreuse, sont une merveille de résistance mécanique : ils sont environ 10 fois plus résistants que le béton ! Ainsi les os, et le fémur en particulier, dont la forme aide à mieux répartir les contraintes de compression, ont inspiré Maurice Koechlin pour le design de la Tour Eiffel. Le biomimétisme a ainsi permis à la Dame de Fer d’être la plus haute tour du monde pendant plus de 40 ans. Petite anecdote : la structure de la Tour Eiffel est tellement aérée qu’elle est plus légère que le cylindre d’air qui la contient !

Depuis, de nouveaux alliages plus légers ont permis de repousser encore plus haut les limites architecturales. Qui plus est, divers travaux récents démontrent que le biomimétisme a encore tout son rôle à jouer en terme de lightweight design. On comprend alors pourquoi les architectes se lancent de plus en plus dans des designs bio-inspirés !


Expérience utilisateur : touchons du bois ?


Plus récemment, l’entreprise Woodoo a créé un matériau très particulier qui permettra peut-être de repenser l’expérience utilisateur (UX design) de certains produits du quotidien. En effet, grâce à son procédé, l’entreprise est capable de produire un “bois transparent” très utile pour imaginer des écrans camouflés !

Le matériau étant compatible avec des systèmes tactiles, il pourrait être utilisé à l’avenir dans des designs de voitures ou en domotique par exemple !


Concept de design d’intérieur de voiture par Woodoo. Le bois “transparent” permet de faire apparaître les boutons lumineux en-dessous.
Concept de design d’intérieur de voiture par Woodoo. Le bois “transparent” permet de faire apparaître les boutons lumineux en-dessous. © Woodoo

Design et couleurs : 50 nuances de papillon


Nous vous en parlions déjà dans cet article, mais la couleur peut servir à des usages très divers dans le vivant. Chez l’homme, la couleur de nos poils ou de notre peau provient d’un pigment : la mélanine. Mais d’autres couleurs, en particulier le bleu, n’existent pas sous forme de pigment ! Pourtant on trouve du bleu chez un tas d’espèces comme le paon, le papillon Morpho ou encore certaines mygales.


Un papillon Morpho, et son bleu vif structurel.
Un papillon Morpho, et son bleu vif structurel.

En réalité, la couleur de ces espèces est dite structurelle, car elle provient en fait de phénomènes complexes d’interférences optiques qui sont dus à la structure même des plumes, des écailles ou des poils de ces espèces ! Ces interférences empêchent la réflexion de certaines couleurs et renforcent celle d’une couleur particulière : en l’occurrence le bleu.

En reproduisant ce phénomène, certaines entreprises comme Cypris Materials créent des peintures qui, en séchant, produisent les structures adéquates pour créer ces interférences. Et bien entendu, on ne se limite pas qu’au bleu ! Idéal pour des designs colorés sans produits chimiques !


Generative design : construire en s’inspirant du vivant


Une autre manière d’associer biomimétisme et design consiste à reproduire la démarche itérative avec laquelle le vivant évolue vers des solutions viables. Le développement des techniques de fabrication additive facilite également le recours à ces méthodes de generative design.


Design par algorithme, comment ça marche ?


Peut-être avez-vous déjà tracé des rosaces à l’aide d’un compas ? Pour ce faire il suffit de suivre des règles simples : on trace un premier cercle, puis on trace des arcs de cercle de même rayon dont le centre est situé sur le cercle initial. Il s’agit là d’un exemple de design génératif, ou “generative design” dans la langue de Shakespeare, c’est-à-dire un design créé à partir d’un ensemble de règles précises et répétables.

Ce type de forme peut donc être très facilement généré par ordinateur ! Il est ainsi possible d’imposer des règles de design quelconques puis de créer automatiquement plusieurs formes qui respectent ces règles. Combiné avec des simulations (par exemple mécaniques), on peut alors tester rapidement toutes ces formes et d’en sélectionner une (par exemple la plus résistante). Il est même possible d’utiliser des techniques d’optimisation plus fines pour explorer différents designs de façon plus rapide et efficace !

Et le biomimétisme dans tout ça ? Et bien, il peut intervenir principalement de deux façons :

  • Premièrement, il peut permettre d’imaginer les règles à employer pour créer un design qui résout un problème donné : on parle d’heuristique. Par exemple, s’inspirer de la division en branches des arbres peut permettre de créer des formes efficaces pour soutenir une structure lourde avec une faible emprise au sol. C’est ainsi qu’a été conçu l’aéroport de Stuttgart par exemple !

  • De façon plus abstraite, la manière d’explorer différents designs de façon intelligente pour obtenir rapidement une solution la plus efficace possible. On rentre alors dans le domaine des algorithmes bio-inspirés, qui mériterait un article à lui seul !

Aujourd’hui, par abus de langage, le generative design se réfère souvent au fait d’utiliser des méthodes algorithmiques pour créer des formes et résoudre un problème d’ingénierie. La méthode rappelle ainsi l’évolution des espèces et sa démarche itérative. De plus, les formes obtenues par generative design sont souvent beaucoup plus complexes que celles conçues à la main, et peuvent “croître” pour répondre à des contraintes spécifiques à la manière du vivant !


L’aéroport de Stuttgart et ses piliers inspirés des arbres pour supporter une large canopée à partir d’une faible surface.
L’aéroport de Stuttgart et ses piliers inspirés des arbres pour supporter une large canopée à partir d’une faible surface. © licence CC

Un blob et un os sont dans un avion…

Nous avons déjà mentionné les incroyables propriétés des os en terme de lightweight design. Ces performances ont ainsi inspiré Airbus pour concevoir des cloisons poreuses plus légères pour leurs A320. Mais le plus intéressant est la façon dont ces cloisons ont été dessinées. Vous l’avez deviné : par generative design !

L’idée est simple : on trace un maillage de lignes droites qui relient les bords de la cloison et on essaye d’en retirer le plus possible dans notre design final, sans dégrader les performances mécaniques de la pièce, un peu comme un jeu de Mikado ! Comment ? En s’inspirant du blob, Physarum polycephalum de son nom latin, une espèce unicellulaire capable d’explorer son environnement à la recherche de nourriture, créant ainsi des réseaux complexes mais optimisés entre différentes sources. Cette espèce fascinante est capable de créer des architectures efficaces et résilientes, alors qu’elle n’a même pas de cerveau ! Si vous voulez plus d’information, on vous conseille ce documentaire d’ARTE avec la chercheuse Audrey Dussutour.

Ainsi, le blob peut permettre de relier différents points du contour des cloisons (les “sources de nourriture”) avec un ensemble de lignes le plus restreint possible. En construisant leur design de cloison à partir de cet ensemble de poutre droites, elles-mêmes poreuses à la manière des os, Airbus a ainsi réduit de près de 30kg le poids de cette pièce (soit 45% du poids initial) ! De quoi économiser 465 000 tonnes de CO2 tous les ans.

Plusieurs designs de cloison à partir d’un ensemble de lignes initiales. Leur répartition s’inspire de l’exploration de l’environnement par le blob.

Plusieurs designs de cloison à partir d’un ensemble de lignes initiales. Leur répartition s’inspire de l’exploration de l’environnement par le blob. © Airbus & David Benjamin/The Living

Conclusion


Ainsi, il est évident que le biomimétisme est un outil incontournable pour penser de nouveaux designs à la fois plus performants, plus écologiques et plus originaux, notamment par le recours aux algorithmes de generative design bio-inspiré. S’inspirer du vivant peut également ouvrir la voie à des designs plus disruptifs, qui ouvrent des possibilités nouvelles en terme d’esthétique, d’interactivité, de fonctionnalités, etc. Vous comprenez bien pourquoi on en est fans chez Bioxegy ?


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