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Biomimétisme et Agriculture

Dernière mise à jour : 8 sept. 2022

Biomimétisme et agriculture : le point commun entre un blaireau, une feuille de canna, un scarabée du désert et une branche d'origan ? Ils sont tous à l'origine d'innovations en agriculture, grâce au biomimétisme ! A travers quelques exemples, goûtons le potentiel et la diversité du biomimétisme pour développer et guérir l'agriculture.


Quels outils bio-inspirés pour l’agriculture de demain ?

Depuis toujours, pour pouvoir réaliser de nombreuses tâches spécifiques qu’il ne peut pas réaliser naturellement, l’homme confectionne des outils. L’agriculture n’échappe pas à ce constat et depuis plus de dix millénaires, les hommes ont développé des outils pour labourer la terre ou découper des végétaux pour les récolter. Dans le contexte actuel, avec une demande de plus en plus importante, il est nécessaire d’avoir des outils très efficaces. Mais l’homme n’est pas le seul à avoir ce genre de problématique : nombreuses sont les espèces qui doivent creuser la terre ou être capable de découper des végétaux. De plus, leurs mécanismes, éprouvés par des millions d’années d’évolution sont redoutablement efficaces. Et une fois de plus, le biomimétisme a de quoi nous surprendre par sa richesse !


Lorsqu’il s’agit de creuser la terre, le blaireau est un exemple fascinant ! Cet animal peut déplacer jusqu’à 40 tonnes de terre au cours de sa vie pour aménager son terrier, qui peut atteindre une superficie de 2000m2 ! Des chercheurs chinois se sont intéressés à la griffe du blaireau afin de développer une nouvelle dent de roue de labour pour l’agriculture. En reproduisant la forme de la griffe sur les dents, on améliore grandement l’efficacité de l’outil, en termes de force à appliquer et d’usure lors du labour : un bel exemple de biomimétisme !


Une des autres problématiques en agriculture est la découpe des végétaux lors de la récolte ou de la taille. Et encore une fois, la nature a beaucoup à nous apprendre sur ce point. Les feuilles de végétaux, comme la feuille de Canna par exemple, doivent être toujours propres afin que la plante réalise au mieux la photosynthèse. Pour ce faire, les feuilles présentent une micro-texture de surface permettant de fortement réduire l’adhésion des différentes particules. En s'inspirant de cette micro-texture, le biomimétisme a pu développer des lames de sécateurs beaucoup plus résistants à l’usure !

Le blaireau, un formidable terrassier !

L’eau, une ressource essentielle mais précieuse

On le sait tous, pour pousser les plantes ont besoin en majorité d’eau et de soleil (les plantes sont composées à 95 % d’eau). L’accès à l’eau et sa collecte ont toujours été des enjeux cruciaux en agriculture, d’autant plus aujourd’hui avec les nombreuses problématiques liées à l'approvisionnement en eau. Mais encore une fois, la nature peut nous inspirer ! En effet, de nombreuses espèces vivent dans des conditions désertiques où la moindre trace d’humidité, même dans l'air, doit être valorisée et captée.


C’est notamment le cas du scarabée du désert (Onymacris unguicularis), vivant dans le désert de Namibie, réputé pour sa capacité à boire le brouillard ! Comment réalise-t-il cette prouesse ? Ses élytres (constituants de sa carapace) possèdent des rugosités qui permettent de condenser l’eau présente dans le l’air et la guider jusqu’à sa bouche. En biomimétisme, on peut s’inspirer de cette structure en agriculture pour développer une grille, qui présente ce type de rugosité et des surfaces hydrophobe et hydrophile, permettant de collecter l’eau présente dans l’air. Ce type de grille permet de collecter jusqu’à 11 L d’eau par m2 !

Le scarabée du désert, un animal capable de boire le brouillard ! Crédits : Hans Hillewaert

Engrais et pesticides ? Pas forcément néfastes…

Lorsque l’on aborde le sujet de l’agriculture, d’autant plus dans le contexte actuel, il vient assez rapidement le thème des engrais et/ou pesticides. En effet, avec une demande croissante, il faut être efficace dans les cultures. C’est le but des engrais qui stimulent la croissance des végétaux en apportant des éléments nutritifs en plus aux végétaux. Pour éviter les pertes, il faut que les cultures soient résistantes face à des organismes nuisibles (végétaux, insectes…).


Il est vrai que lorsque l’on traite des pesticides ou des engrais pour l’agriculture, on a généralement une vision très négative. On pense à des grandes firmes phytosanitaires qui commercialisent des produits aux effets néfastes, que ce soit pour les agriculteurs ou pour l'environnement. Cependant, dans la nature, les végétaux doivent aussi lutter face à d’autres organismes nuisibles et ont développé des mécanismes de défense très efficaces et respectueux de l’environnement.


Par exemple, l’entreprise turque Nanomik Biotechnology a développé une solution de fongicides et d’insecticides 100 % naturelle. Comment ? Certaines plantes, comme l’origan ou l’eucalyptus, lorsqu'elles sont attaquées par des champignons, produisent des composés qui sont capables de détruire les membranes des cellules des champignons. Ils ont développé un procédé d’encapsulation de ces composés, qu’ils répandent ensuite sur l’ensemble des cultures. Lorsque des champignons se développent à la surface des végétaux, les composés sont libérés et détruisent les cellules fongiques !


Sur les sujets des engrais agricoles, l’activité des sols et la décomposition des substances organiques permet dans la nature un apport suffisant en nutriments pour les végétaux. Parmi les éléments du sol, un est particulièrement important : les champignons mycorhiziens. Ces champignons forment une symbiose avec les plantes : elles lui apportent des sucres obtenues via la photosynthèse et les champignons transfèrent aux plantes des minéraux issus du sol, très importants pour le développement des végétaux. C’est ce procédé que développe l’entreprise française Mycophyto, en réintroduisant dans les champs ces champignons, en remplacement des engrais traditionnels !

L’origan, une espèce très efficace pour lutter contre les champignons

Vive la diversité !

Lorsque l’on parle d’agriculture aujourd’hui, on visualise des immenses champs en monocultures, dans lesquels des plants identiques se succèdent à perte de vue. Cependant, cette forme si bien rangée et ordonnée n’est pas du tout naturelle ! Dans n’importe quel écosystème naturel, le mot clé est le suivant : Diversité. En effet, cette diversité est nécessaire à la résilience du milieu et à sa bonne survie. Un milieu pauvre en biodiversité sera très fragile en cas d’attaque d’un prédateur ou d’une menace extérieure. Comment s’inspirer de la résilience de la biodiversité pour une meilleure agriculture ? Si différentes espèces sont cultivées de façon alternée, chaque parasite (spécifique) n’aura qu’une portée limitée, ce qui permettra au système de se régénérer. En étant dépendant d’une seule culture, on s’expose à de grands dommages potentiels. Un exemple frappant est la grande famine irlandaise au XIXème siècle due à l’épidémie de mildiou qui décima les cultures de pomme de terre !


Et le désastre de ces monocultures pour le reste du vivant n’a même pas encore été mentionné :

  • environnement pauvre en diversité et donc peu capable de fournir habitat et nourriture à différentes espèces

  • un usage des pesticides démultiplié pour palier aux fragilités du système

  • des populations humaines dépendantes de l’import et de l’export, car ne produisant plus localement leur consommation

Mais alors, pourquoi continuer comme ça ? A cette question, la réponse est souvent économique : ce système serait le plus efficace, avec une productivité agricole maximale. Cependant, de nombreux modèles nous prouvent aujourd’hui que ce n’est pas toujours le cas, et qu’une agriculture plus résiliente est possible, et celà notamment grâce au biomimétisme !


C’est l’objectif que s’est fixé le Land Institute. Cet institut américain a cherché à concevoir une communauté végétale qui fonctionne comme une prairie (système autonome et résilient) mais qui permet d’avoir des rendements suffisants pour mériter d’être cultivé. Après de nombreuses expérimentations, ils ont obtenus une communauté de 8 espèces, persistantes tout au long de l’année qui permet d’avoir des rendements comparables voire meilleurs que les cultures classiques. Le tout sans utiliser d’engrais ou de pesticides ! L’objectif est de s’inspirer de ce modèle afin de concevoir pour chaque lieu la meilleure communauté végétale en fonction de ses spécificités. Pour en savoir plus, vous pouvez lire le livre Biomimétisme - quand la nature inspire des innovations durables, écrit par Janine Benyus, dont nous vous parlions déjà dans cet article.

Les cultures mises en places par le Land Institute Crédit : The Land Institute

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