L’oursin est un animal marin qui rappelle bien souvent un mauvais souvenir. Malgré son aspect hirsute, l’oursin regorge pourtant de particularités biologiques fascinantes : anatomie, génétique inaltérable... Une opportunité à saisir (avec précaution) pour le biomimétisme ?
L’oursin, un vocabulaire à connaître sur le bout des doigts !
L’oursin nous paraît bien connu : c’est une petite boule de piquant sur laquelle il faut éviter de marcher. C’est pourtant une classe extrêmement diverse : on en dénombre plus de 1000 espèces différentes, réparties dans tous les océans. Cet animal marin, qui a déjà permis à la biologie de faire bien des progrès, représente également une mine d’or pour le biomimétisme. Jetons-y un œil de plus près !
L’oursin est un animal qui n’aime pas faire comme les autres : son anatomie, cabinet de curiosités en soi, dispose de son propre champ lexical. Un véritable dictionnaire !
Si les oursins que l’on observe sont bien souvent immobiles, accrochés à des rochers en bord de mer, leur mode de vie n’est pourtant pas complètement sédentaire. En effet, ils se déplacent lentement, à l’aide d’une multitude de petits pieds appelés podias. Ceux-ci se terminent par des ventouses gonflables, capables de sécréter des protéines collantes. Elles alimentent les recherches sur des colles biomimétiques. Loin de ne servir qu’à la locomotion, les podias permettent également aux oursins de respirer !
Pour se déplacer, les oursins peuvent également faire appel, en guise d'échasses, à ce que nous appelons communément leurs piquants ; en réalité, ces protubérances ont pour nom exact “radioles”. L’évolution a donné naissance à des espèces d’oursins de forme et longueur de radioles très diverses : le genre (éteint) des Tylocidaris en avait par exemple des en forme de massue !
Si les oursins ne disposent pas de mains à proprement parler, nombreux sont ceux qui sont munis de petites pinces, affublées du nom de pédicellaires, et dont les tailles et fonctions sont variables. Certaines espèces utilisent leurs pédicellaires en guise de simples pinces, pouvant mener les aliments à leur bouche : celle-ci, que l’on appelle Lanterne d’Aristote, fait face au sol et est munie de 5 dents. D’autres oursins ont fait de leurs pédicellaires de redoutables armes venimeuses leur permettant de chasser ou de se défendre. Le plus toxique de ceux-ci est l’oursin-fleur : un simple contact avec la peau d’un humain peut s’avérer mortel !
Le squelette de l’oursin est appelé test. Les oursins dits réguliers possèdent un test parfaitement arrondi ; leur Lanterne d’Aristote se situe au centre de leur face ventrale. Leur régime végétarien, basé sur des algues comme le varech, leur confère un rôle crucial dans la régulation de la biodiversité marine. Chez les oursins irréguliers, le test est aplati et leur Lanterne d’Aristote a “migré” depuis le centre de leur face ventrale vers un côté, formant un “avant” et un “arrière”. On dit de ces oursins qu’ils sont fouisseurs, car ils vivent enterrés dans le sable ou dans les sédiments, desquels ils puisent leurs nutriments.
L’oursin, un formidable bâtisseur à la pointe de la technologie
L’oursin fourmille de propriétés remarquables, qui sont autant d’opportunités d’innovation pour le biomimétisme. Les secteurs de l’architecture et de la construction portent ainsi une attention particulière aux propriétés de son test, édifice conjuguant solidité et élégance !
Le test, tout comme les radioles des oursins, est composé d’un savant assemblage de minéraux et de molécules organiques, que l’on nomme stéréome. Celui-ci allie des cristaux de carbonate de calcium, conférant des propriétés de solidité et de dureté, à des protéines organiques jouant le rôle d’un liant souple et léger. L’alternance de ces couches dures et souples confère une grande résistance au stéréome de l’oursin, qui fait figure de parfait modèle biologique pour le développement de ciments bio-inspirés.
La forme prise par le stéréome pour donner sa courbure au test est également une source d’inspiration pour les ingénieurs. Le test de l’oursin est formé d’une association de plaques hexagonales appelées assules, dont les bords s'entrelacent à l’aide d’excroissances en forme de peigne. Ces jonctions particulières assurent souplesse et adaptabilité des assules à la courbure du test de l’oursin. Des étudiants de l’Université de Stuttgart s’en sont inspirés pour réaliser un dôme en bois, formé d’une association de plaques polygonales aux bords reproduisant ces formes de peignes. Il allie alors légèreté, solidité, facilité de fabrication et d’assemblage ... et esthétisme !
Les plaques en bois utilisées pour réaliser ce pavillon s’inspirent de la structure en peigne du bord des assules des oursins. © ICD / ITKE Université de Stuttgart
L’oursin, un fascinant partenaire de recherche pour l’homme
Si le grand public préfère se tenir à une distance raisonnable des oursins, les chercheurs en biologie les côtoient de près depuis plus d’un siècle, dans leurs laboratoires. L'étude approfondie de l'espèce a permis de réaliser de nombreuses découvertes dans les domaines de l’embryologie, de la biologie génétique ou encore de la recherche contre le cancer !
L’oursin est un parfait sujet de recherche grâce à son mode de reproduction particulier : mâles et femelles relâchent leurs gamètes dans la mer, où ceux-ci se rencontrent pour la fécondation. Ainsi, une femelle peut pondre plusieurs dizaines de millions d’ovocytes en une fois, ce qui facilite leur récupération en grande quantité. De plus, il est facile d’observer les premières étapes de développement des embryons d’oursins au microscope : ceux-ci sont transparents et disposent d’un faible nombre de cellules.
A leur éclosion, les oursins sont dans un état larvaire appelé pluteus, lui aussi transparent. Leur forme dite en “tour Eiffel” présente une symétrie bilatérale : il dispose d’un côté droit et d’un côté gauche identiques. Après plusieurs semaines, le pluteus complète son développement et adopte la forme sphérique de l’oursin que l’on connaît : c’est la métamorphose. Il acquiert alors une symétrie pentaradiale : il dispose de 5 côtés identiques répartis autour de son axe central. L’étude de ce développement a permis de poser les jalons des connaissances actuelles en embryologie et d’établir la théorie chromosomique de l’hérédité !
Par ailleurs, les oursins renferment un mystère sur lequel l’homme tente encore de faire lumière : ils auraient trouvé la recette de la jeunesse éternelle ! En effet, ils ne témoignent d’aucune marque de vieillissement avec le temps, gardant intactes leurs capacités à régénérer leurs tissus (podias, pédicellaires, radioles) et à se reproduire tout au long de leur vie.
C’est en s’intéressant au génome des oursins que les scientifiques ont trouvé les premières pistes d'explications. Les télomères, extrémités de tous les chromosomes du vivant non porteuses d’information génétique, sont aujourd’hui suspectés de raccourcir au cours du vieillissement. Or, ce raccourcissement ne semble pas s’observer chez l’oursin !
Ces propriétés fascinantes restent cependant indépendantes de l’espérance de vie des oursins, ceux-ci étant victimes de prédation et de maladies. Selon les espèces, les oursins peuvent espérer vivre quelques années... ou plusieurs centaines !
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