Les algues ne sont pas juste des déchets visqueux sur la plage ou de jolies plantes au fond des mers. Les algues jouent un rôle essentiel dans la nature et la biodiversité. Plus encore, c’est une matière qui peut être valorisée dans de nombreux secteurs et pour des applications très diverses.
Algues & biodiversité : une longue histoire
La journée mondiale de la vie sauvage est une journée de célébration de la faune, de la flore, et des avantages que leur conservation nous procure. C’est l’occasion de vous parler de plantes aquatiques bien connues et au potentiel sous-estimé : les algues !
L'histoire des algues
Les algues comptent parmi les premiers végétaux apparus sur Terre. On estime que la première algue est née il y a plus d’un milliard d’années. Depuis, les algues ont bien évolué, en forme comme en nombre.
Tout d’abord, elles peuvent être de différentes tailles. Les plus connues du grand public sont les macroalgues : ce sont des grandes algues vertes, brunes ou rouges qu’on retrouve souvent dans des eaux peu profondes et parfois échouées sur nos plages. Mais il ne s’agit pas que de quelques espèces, la base de données Algeabase recense près de 9000 espèces de macroalgues !
Flottant dans l’eau et invisibles à l'œil nu, les microalgues sont de taille microscopique. Pourtant, elles sont présentes en grande quantité dans les océans comme dans les sources d’eau douce. Bien que seulement une centaine de milliers d'espèces de microalgues soit recensée, on estime qu’il y en a en réalité plusieurs millions !
Deux différentes échelles : les macroalgues et les microalgues - Crédits :
Les fonctions des algues
Dans certains cas particuliers, les algues peuvent être considérées comme des plantes invasives, c'est-à-dire qu’elles peuvent nuire à l’environnement, aux écosystèmes, à l'économie ou à la santé humaine. Un exemple d’algue envahissante est celui des ulves en Bretagne qui s’échouent en grandes quantités sur les plages bretonnes : on parle de “marées vertes”. La putréfaction de ces algues est pour l’homme une nuisance visuelle, mais surtout olfactive. Elle dégage de l’hydrogène sulfureux, source d’odeur nauséabonde mais également produit néfaste pour les espèces vivants dans l’écosystème.
A ces exceptions près, les algues sont en réalité très utiles aux écosystèmes dans lesquels elles se trouvent. Les microalgues sont d’abord le premier maillon de la chaîne alimentaire, une nourriture pour de nombreux poissons dans les océans. Les macroalgues quant à elles sont un habitat pour certaines espèces. Enfin, les macroalgues comme les microalgues se développent par photosynthèse. Elles ont donc comme propriété intéressante de stocker le carbone ainsi que de produire de l’oxygène. Selon l’encyclopédie Britannica, les algues seraient à l’origine de 30 à 50% de l'oxygène produit à l’échelle mondiale !
Les algues : une ressource extraordinaire multi-secteur
Les algues ont un potentiel économique gigantesque, le site Fortune Business Insight analyse ainsi le marché des algues comme un marché en pleine expansion, déjà évalué en 2020 à plus de 14,1 milliards d’euros ! La demande en algue est croissante dans de multiples secteurs que nous allons vous faire découvrir dans la suite de cet article.
Les algues gardent l’homme en bonne santé
Les algues peuvent être exploitées de manière à avoir un impact positif sur la santé humaine.
Les algues peuvent être valorisées de multiples façons notamment dans l’industrie pharmaceutique. Des substances peuvent être extraites de certaines algues et exploitées pour leurs bienfaits sur le corps humain. La fucoxanthine par exemple est au cœur de diverses études. Elle peut être extraite d’algues brunes et utilisée à des fins médicales, dans la lutte contre le cancer ou contre l’obésité par exemple. Les algues sont également de bonnes candidates pour prévenir ou ralentir des maladies neurodégénératives. Elles sont neuroprotectrices car elles ont des propriétés permettant d’emprisonner ou transformer des métaux lourds et polluants chimiques nocifs pour le cerveau pour ensuite les éliminer. Mais des chercheurs chinois de l’Institut des matériaux médicaux de Shanghai ont également mis en lumière que les algues peuvent influencer la composition du microbiote intestinal et ainsi prévenir la maladie d’Alzheimer, une maladie aujourd’hui incurable et qui touche pourtant beaucoup de personnes âgées.
Plus largement, les algues sont connues pour être source de quantités de vitamines et de minéraux, et sont exploitées pour produire des compléments alimentaires.
Ce n’est pas tout, les algues permettent aussi d’innover dans la fabrication et l’usage de médicaments : l’alginate, composé à base d’algue, permet d’encapsuler des produits, des substances actives, des substances biologiques,... L’encapsulation de substance active dans l’alginate présente de nombreux avantages. Elle permet par exemple de libérer les molécules dans le corps de manière ciblée, contrôlée et prolongée. Cette technologie permet d’imaginer une posologie du médicament simplifiée : la prise d’une capsule permet l’administration de la substance active de manière continue et sur une longue période, alors que la prise de médicament absorbé directement par l'organisme implique une prise du médicament par petite doses, de manière discontinue. Cette innovation change non seulement la donne pour les personnes qui doivent prendre beaucoup de médicaments, mais elle permet également de personnaliser les thérapies et de doser finement la quantité de substance active à libérer selon la personne malade. La technologie d’encapsulation permet également de développer des médicaments innovants. L’entreprise Treefrog Therapeutics, par l’encapsulation de cellules souches, a pour ambition de débloquer l'accès aux thérapies cellulaires pour des millions de patients, pour des maladies comme celle du Parkinson. Une révolution dans le monde pharmaceutique !
Les algues sont également une matière de grand intérêt pour l’industrie cosmétique. On peut faire un parallèle entre les contraintes vécues par les algues et le stress que peut subir notre peau : les algues doivent lutter contre la déshydratation, les rayons UV, les bactéries, les lésions physiques,… Ainsi, les algues sont sources de divers produits cosmétiques comme des crèmes hydratantes produites à partir d’algues laminaires, ou des crèmes solaires à base d’extraits d’algues rouges.
Enfin, par leur propriétés de biofiltration et de stockage du CO2, les algues ont le potentiel de purifier l’air et de le dépolluer. Plusieurs sociétés comme Fermentalg ou Kyanos Biotechnologies développent différentes formes de mobilier urbain pour dépolluer l’air des grandes métropoles.
Des algues dans les champs jusqu’à nos assiettes
Si les algues sont les premiers maillons de la chaîne alimentaire dans leur milieu naturel, elles peuvent être des maillons plus loin dans cette chaîne : dans l’industrie agro-alimentaire pour l’alimentation animale et humaine notamment.
En agriculture, les algues sont d’excellents fertilisants biologiques. Plus qu’une source de nutrition pour les plantes, les algues peuvent même avoir un rôle de protection et permettre de lutter contre certaines maladies de plantes. L’entreprise Immunrise Control développe ainsi un bio-pesticide à base de microalgues pour lutter contre des champignons pathogènes de la vigne (mildiou et botrytis).
L’algue est également une matière très répandue dans le secteur de l’alimentation. Elle se trouve parfois directement dans nos assiettes sous une forme peu transformée, comme le wakame ou les algues nori qui enveloppent les maki japonais. Mais elles sont également cachées dans certains additifs alimentaires ! L’agar-agar est utilisé comme épaississant alternatif à la gélatine, et la spiruline est un colorant alimentaire, unique colorant bleu naturel autorisé dans l’alimentation.
Bien que la consommation d’algues ne soit pas encore pleinement démocratisée dans le monde, les algues peuvent être une source de nutriments importante dans notre alimentation. D’autant plus que la production ou transformation de ces produits est rapide et à faible impact environnemental. Les algues sont une ressource alimentaire intéressante, dans un monde ou des tensions et des pénuries alimentaires sont présentes et sont amenées à grandir.
Les algues : une source insoupçonnée d'énergie
Produire une énergie verte est certainement un des enjeux majeurs du XXIème siècle. Les algues permettraient-elles une transition d’un or noir à un or vert ?
Des biocarburants produits à partir de végétaux terrestres (céréales, betterave, colza, soja,…) existent déjà sur le marché des carburants verts, comme le bioéthanol (pour les moteurs à essence) produit à partir de glucides fermentés ou le biodiesel produit à partir d’huiles végétales. Malheureusement, ces carburants sont produits à partir de matières premières utilisées également dans l’industrie-agroalimentaire. Cette concurrence peut amener à des tensions entre les deux marchés et pose une problématique majeure pour l’intensification de l’usage de ces agrocarburants. Les microalgues offrent une bonne alternative en matière de biocarburant pour pallier ce problème. De l’huile peut être extraite de microalgues pour produire de la même façon qu’avec les huiles végétales du biodiesel. Les microalgues contiennent également des sucres qui peuvent servir à produire du bioéthanol par fermentation. La production d’algocarburant est par ailleurs bien plus écologique que celle d’agrocarburant car l’activité agricole intensive est source de pollution et nécessite jusqu'à 30 fois plus de superficie pour atteindre de quantité similaire en algocarburant.
Pour produire de l’énergie, les microalgues peuvent également être méthanisées. A l'issue de ce procédé est formé du biogaz qui peut servir à produire de l’électricité ou de la chaleur par exemple. Une utilisation originale de ce potentiel d’exploitation des algues est d’ailleurs mise en place à Hambourg : il s’agit de l’AlgenHaus (la maison aux algues).. La façade de ce bâtiment est couverte de photobioréacteurs, panneaux dans lesquels poussent des microalgues. Le gaz produit à partir de ces algues alimente le bâtiment en chaleur, qui est alors complètement autonome en chauffage.
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