Au cœur des légendes de marins, la baleine à bosse aurait mérité une place de choix ! Cette espèce est aujourd’hui au centre de l’attention : inspirante pour les ingénieurs et intrigante pour les scientifiques, la baleine à bosse est également particulièrement appréciée du grand public !
La baleine à bosse : une grande sirène agile… et bavarde !
Malgré ses presque 15 mètres de long et 30 tonnes sur la balance, la baleine à bosse est un animal étonnamment rapide et agile. Elle est, par exemple, capable d’effectuer d’impressionnants bonds hors de l’eau, même visibles depuis les plages lorsqu’elle se rapproche des côtes. Ces bonds, ainsi que le caractère naturellement curieux des baleines à bosse, font la fortune des opérateurs touristiques qui proposent aux visiteurs de s’approcher et d’observer ces animaux dans leur milieu naturel.
Si la baleine à bosse est aussi agile dans l’eau, c’est entre autres grâce à ses nageoires très performantes. Ces dernières exhibent des formes très rondes à l’avant, telles des bosses (mais qui n’ont rien à voir avec son nom de baleine à bosse !). Appelées tubercules, celles-ci ont été étudiées par des chercheurs. Et contrairement à ce que nous pourrions attendre, elles apportent de vrais bénéfices hydrodynamiques à la baleine. En générant des vortex, elles permettent de canaliser le flux d’eau tout le long de sa nageoire, réduisant ainsi le décrochage (un phénomène aéro ou hydrodynamique qui fait perdre ses capacités à une aile ou une nageoire). Ce principe a été transposé dans de nombreuses applications bio-inspirées, notamment sur des éoliennes plus efficaces développées par WhalePower Corp, dont nous vous parlions déjà ici. Bien sûr, une technologie améliorant l’écoulement d’un fluide et limitant le décrochage est également très pertinente pour le secteur de l’aéronautique, qui a toujours cherché dans la nature des solutions à des problèmes techniques.
Les tubercules sur une nageoire de baleine à bosse.
Ces nageoires, surdimensionnées par rapport à celles d’autres cétacés, permettent ainsi à la baleine à bosse d’effectuer des acrobaties, en particulier les bonds dont nous parlions plus haut. Ces sauts ont un rôle dans la communication des baleines à bosses entre elles, en particulier lors de la parade nuptiale. Chez cette espèce, les mâles tentent d’impressionner la femelle en effectuant diverses manœuvres, à la fois sous-marines mais aussi en l’air, en sautant ou en battant la surface avec leurs nageoires. Cette phase de séduction est également accompagnée de chants mélodieux : le fameux chant des baleines. L’objectif exact de ces chants dans le cadre de la parade nuptiale n’est pas entièrement compris par les scientifiques à l’heure actuelle, mais ce qui est certain c’est que, en la matière, les baleines à bosse sont de vraies bavardes !
Les baleines à bosse : en bande organisée, personne ne peut les canaliser
La capacité des baleines à bosse à communiquer entre elles leur permet d’exhiber un certain nombre de comportements sociaux étonnants. Elles sont capables d’enseignement et d’apprentissage ! En effet, dans les années 80, lorsque les stocks de harengs ont diminué dans le Golfe du Maine, on a constaté que les baleines à bosse se sont mises à chasser d’autres petits poissons. Pour ce faire, les baleines locales ont développé une technique de chasse, le lobtail feeding, où elles battent la surface de l’eau avec leur nageoire caudale. Le but exact de cette manœuvre est encore mal compris, mais on suppose que cela pourrait aider à regrouper les poissons, facilitant leur capture. Quoiqu’il en soit, ce comportement s’est depuis propagé au sein des communautés de baleines à bosse du Maine, passant de génération en génération par un mécanisme de transmission entre pairs. Bien sûr, il est difficile de prouver de manière certaine qu’un comportement a été transmis d’une baleine à l’autre et non pas redécouvert par chaque individu. Cependant une étude menée en 2013 par Jenny Allen, chercheuse à l’Université de Saint-Andrews, fait aujourd’hui consensus et tend à montrer que l’apprentissage du lobtail feeding est bel et bien un phénomène social chez les baleines à bosse.
Mais la technique de chasse la plus incroyable chez les baleines à bosse est sans aucun doute la technique de la chasse à bulle, ou filet de bulle. Cette technique consiste, pour une ou plusieurs baleines, à encercler un banc de poisson avec une barrière de bulles qu’elles créent en soufflant par leur évent. Les poissons sont ainsi regroupés, ce qui permet aux baleines d’en avaler beaucoup en une seule bouchée. Des études ont mis en évidence que ce comportement n’est pas inné, mais là encore acquis socialement au sein de certains groupes de baleines. Cette technique de chasse est également intéressante car elle démontre la présence de comportements collectifs chez des animaux par ailleurs relativement solitaires. Elle a d’ailleurs inspiré des chercheurs de l’Université de Griffith, en Australie, qui ont publié en 2016 un algorithme d’optimisation inspiré de la chasse à bulles des baleines à bosse.
Vidéo tournée par l'Université d'Hawaï
montrant la technique de la chasse à bulle
La baleine à bosse, voyageuse extraordinaire et miraculée
Certains chercheurs supposent que la technique de la chasse à bulles des baleines à bosse est née, ou en tout cas s’est répandue, pour répondre à un besoin de survie. En effet, cette technique permet de nourrir efficacement plusieurs individus en une courte période de temps, limitant ainsi le risque d’être soi-même chassé.
Car dès le XVIIIe siècle, l’homme a chassé cette baleine pour sa forte valeur marchande. L’apparition du harpon explosif et l’ouverture de la première station baleinière à Grytviken en 1904 ont accéléré le déclin des populations de baleines à bosse, et on estime qu’environ 200 000 individus ont été chassés tout au long du XXe siècle. Devant l’effondrement du nombre d’individus (90% de la population tuée), un moratoire sur la chasse des baleines à bosse a été institué de 1986 jusqu’à aujourd’hui. Heureusement, depuis l’entrée en vigueur de ce moratoire, la population de baleines à bosse a presque doublé, passant de 20 000 individus à l’entrée en vigueur du moratoire à 35 000 individus aujourd’hui. Une espèce miraculée après le minimum de 450 individus atteint en 1950, à tel point qu’elle ne fait plus l’objet aujourd’hui que d’une “préoccupation mineure” pour l’UICN.
Ainsi, on comprend que les baleines à bosse aient développé la chasse à bulle pour se nourrir le plus rapidement possible et éviter de s’exposer aux baleiniers. Cette quête de nourriture est d’autant plus importante que cette espèce ne se nourrit que pendant la moitié de l’année ! En effet, les baleines accumulent un important stock de graisse en se nourrissant pendant les mois d’été (de mai à septembre environ), puis elles vivent sur ce stock de graisse pendant leur migration hivernale, lorsqu’elles partent se reproduire dans les eaux tropicales. Car la baleine à bosse est un animal migrateur ! Comme beaucoup d’autres cétacés, elle parcourt des dizaines de milliers de kilomètres chaque année : l’été, elle rejoint les eaux proches des pôles, où le krill dont elle se nourrit abonde lorsque la banquise fond. Elle peut ainsi festoyer et reconstituer sa réserve de graisse pour le reste de l’année. L’hiver, elle rejoint les eaux tropicales plus tempérées pour se reproduire et assurer la survie des baleineaux. Chose étonnante : contrairement à d’autres espèces de cétacés, notamment les cachalots, les chemins empruntés par les baleines à bosse lors de leurs migrations varient relativement peu d’une année à l’autre. Ce fait interroge les scientifiques, qui ne comprennent toujours pas à l’heure actuelle comment s'orientent précisément ces animaux. Certains évoquent une sensibilité au champ magnétique terrestre ou encore une perception très fine des températures de l’eau, mais personne n’a réellement réussi à déterminer le mécanisme de navigation des baleines.
Ce qui est certain c’est que, si nous avons encore beaucoup de choses à apprendre sur la baleine à bosse, nous n’avons pas attendu pour tirer des leçons de cet animal et pour s’en inspirer dans nos technologies : éoliennes, turbines et ventilateurs inspirés de ses nageoires, algorithme calqué sur sa stratégie de chasse… La baleine à bosse fait aujourd’hui indéniablement partie de ces espèces fortement associées à la notion de biomimétisme.
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