top of page

Biomimétisme & Océan : Top 5 des inspirations marines

70% de la surface du globe mais seulement 13% des espèces connues : les océans abritent une biodiversité encore très méconnue ! Et pourtant la vie marine regorge d’ingéniosité pour faire face aux défis qu’elle rencontre. Venez découvrir notre top 5 des inspirations biomimétiques marines !



Les océans présentent un univers riche en contraintes et en défis : obscurité, pression, hydrodynamisme, respiration… Pour se développer, la vie océanique a innové et développé de nombreuses solutions qui peuvent nous être très utiles pour répondre aux défis que nous rencontrons.


Fabriquer du verre sous l’océan ? Rien de plus facile pour la diatomée !


Les êtres vivants qui viennent en premier à l’esprit lorsque l'on évoque l’océan sont des poissons, des mammifères marins, des mollusques… En réalité, une grande partie des êtres vivants qui peuplent l’océan sont invisibles à l'œil nu : 98 % de la biomasse des océans est constituée de plancton. Le plancton est un terme générique qui désigne les organismes généralement unicellulaires qui vivent en suspension dans l’eau des océans. Ces petits êtres vivants sont à la base de la vie sur terre puisqu’ils contribuent à hauteur de 50% à la production d’oxygène dans le monde ! En effet, une grande partie du plancton des océans est constitué de plancton végétal : c’est ce qu’on appelle le phytoplancton. Il transforme le CO2 dissous dans l’océan en oxygène par photosynthèse et contribue ainsi grandement à la vie telle que nous la connaissons. En effet, le CO2 de l’atmosphère est ainsi capté par le phytoplancton puis déposé sur les fonds marins lorsque ce dernier meurt. Il fait ainsi de l'océan un puits de carbone qui n'est alors pas rejeté dans l’atmosphère.


Diatomées vues au microscope

Parmi les millions d’espèces de plancton existantes, une division particulière tire son épingle du jeu pour le biomimétisme : c’est la diatomée. Les diatomées sont des algues jaunes ou brunes de l'ordre du dixième de millimètre. On les trouve dans les océans où elles représentent le principal constituant du plancton. Elles sont les vedettes d’un des épisodes de notre podcast, dans lequel nous présentons leurs propriétés étonnantes. L'une d'elle est leur capacité à produire du verre dans l’océan. Cette caractéristique, unique parmi les êtres vivants unicellulaires, leur permet de construire leur coque externe en silice, le frustule, une propriété unique parmi les êtres vivants unicellulaires.


Comment une si petite algue est-elle capable de former du verre dans l’océan alors que les hauts fourneaux, à partir desquels nous en produisons traditionnellement, nécessitent des températures de plus de 1000°C ? Son secret réside dans ce qu’on appelle le procédé “sol-gel” (pour solution-gélification). Ce procédé, qui s'opère donc dans les océans, consiste à prendre une solution de silice dissoute (comme l’eau des océans pour les diatomées) pour ensuite la fixer progressivement couche par couche et ainsi former des cristaux de silice (donc de verre). Cela ne permet pas en général de former des matériaux volumiques, mais plutôt des poudres qui servent à l’élaboration de revêtements et films fonctionnels.


En plus des avantages en termes énergétiques que procure cette fabrication de verre à température ambiante, chaque étape du procédé de synthèse peut être finement contrôlée, ce qui permet de maîtriser précisément la forme, la structure et donc les propriétés du matériau. On distingue ainsi de nombreuses applications, des revêtements anti-reflets aux films autonettoyants comme ceux que l'on retrouve sur le toit du dôme du Théâtre national de Pékin.


Théâtre national de Pékin

Dans le domaine médical, ces êtres monocellulaires océaniques sont aussi une source d'inspiration pour innover. En effet, l’encapsulation opéré par le frustule au fond des océans peut inspirer des solutions pour le transport de substances organiques dans le corps humain sans qu’elles soient détruites par le système immunitaire de l’homme. Ainsi, en contrôlant la porosité de la capsule en silice, une distribution précise du composé qu'elle renferme peut être opérée et les interactions avec l’environnement dans lequel elle évolue peuvent être modulées à souhait. Une des applications possibles est la lutte contre le cancer du pancréas : avec ces capsules de silice la recherche tend à introduire des nanomédicaments dans l’organe et détruire de l’intérieur les cellules cancéreuses ! Ainsi, dans un article publié dans Nature en 2015 (source en anglais), des chercheurs de l’Université de Géorgie ont montré qu’il était possible de faire transporter aux diatomées, trouvées entre autre dans nos océans, des médicaments chimiothérapeutiques peu solubles dans l’eau, donc difficile à transporter dans le corps humain. Ils ont aussi fixé des anticorps spécialisés sur la coque en silice afin de cibler uniquement les cellules cancéreuses. En plus d’être efficace, cette technique permet de s’affranchir des produits chimiques toxiques nécessaires à la fabrication de nanocapsules de silice synthétique.


L’océan : une inspiration pour des algorithmes plus intelligents


On estime que les océans sont peuplés de 3 500 milliards de poissons. Ces poissons peuvent se regrouper en bancs de plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’individus ! Mais comment arrivent-ils à se déplacer avec une telle cohésion de groupe sans se rentrer les uns dans les autres ?

C’est grâce à l'intelligence collective. Elle leur permet de réaliser ensemble des tâches d’une grande complexité, ce qu'ils ne pourraient faire avec leurs seules capacités individuelles. En effet, au milieu des océans, on trouve plusieurs enjeux importants au sein d’un banc constitués de milliers d’individus. Chacun doit :

  • pouvoir trouver de la nourriture sans dépenser trop d’énergie ;

  • rester au sein du banc pour ne pas être isolé et être ciblé par les prédateurs ;

  • garder une “distance de sécurité” avec ses voisins pour ne pas entrer en collision.


La solution pour réaliser tous ces objectifs sans hiérarchie claire au sein du banc ? La coopération. En communiquant avec ses voisins et suivant leur sillage, chaque individu peut déterminer la direction de l’océan dans laquelle il y a le plus de nourriture, mais aussi explorer de nouvelles pistes de nourriture sans s’isoler du groupe. Cela permet non seulement au banc de progresser en économisant de l’énergie, mais aussi d’optimiser son déplacement dans l’océan afin de trouver le maximum de nourriture et ainsi satisfaire l’appétit insatiable de ses membres.

L’aisance déconcertante avec laquelle les bancs de poissons trouvent le chemin optimal dans l’océan qui maximise la nourriture rencontrée tout en minimisant l’énergie dépensée a ainsi inspiré de nombreux algorithmes d’optimisation bio-inspirés. Des chercheurs de l’Université de Jadavpur en Inde ont ainsi imaginé en 2014 un algorithme d’optimisation inspiré des bancs de krill qui peuplent nos océans. Cet algorithme est meilleur que les autres algorithmes d’optimisation classiques à la fois en termes de temps et de complexité de calcul.


Son fonctionnement repose sur un principe simple : on vient explorer l’océan des solutions potentielles au problème d’optimisation avec un ensemble d’individus différents. Chaque individu peut communiquer seulement avec ses plus proches voisins. Par rapport à ses voisins, un individu peut soit être vu comme un meneur lorsqu’il est sur une bonne piste et ainsi influencer ses voisins, soit être vu comme un suiveur qui n’a pas de “bonne piste” à portée et qui va continuer d’explorer en suivant la piste du meneur le plus proche. A travers les itérations de l’algorithme, les positions de meneur et de suiveur peuvent varier pour un même individu, ce qui reflète la réalité au sein des bancs de poisson. Cela évite que tous les poissons s’engouffrent dans une fausse piste à cause d’un individu qui a été arbitrairement choisi comme meneur au début. C’est ce principe sous-jacent d’absence de hiérarchie fixée et de communication constante entre les différents individus qui permet aux bancs de poissons, ainsi qu’à l’algorithme qui s’en inspire, d’être aussi efficaces.


Cet algorithme peut s’appliquer à de nombreux problèmes divers et variés, et il a été évoqué lors du projet mené en collaboration par EDF et Bioxegy sur l’optimisation du placement de capteurs sur le réseau électrique français. C’est une des nombreuses preuves de l’omniprésence de l'inspiration tirée de l’océan chez Bioxegy, même dans des domaines où on l’attend moins comme l’algorithmique ! Les domaines d’application pour de tels algorithmes d’optimisation sont très nombreux, on les retrouve pour le positionnement d’éoliennes, le contrôle d’essaims de drones ou même pour la planification des tâches dans une usine !


Toujours debout sous l’océan, le challenge de la moule


On trouve dans les océans de nombreux organismes marins capables de maintenir une position fixe malgré les turbulences causées par les courants océaniques. Les organismes ayant choisi de rester immobile dans ce milieu turbulent ont ainsi fait preuve d’ingéniosité en développant des colles biologiques particulièrement efficaces.


La moule est un mollusque des océans remarquable par son accroche sur les rochers. C’est grâce à une protéine qu’elle secrète : la polydopamine. Une fois de plus, cela n’a pas échappé aux biomiméticiens, comme les chercheurs de l’université de Beijing, qui ont testé une colle à base de polydopamine. Cette colle est non seulement adhésive en milieu humide, mais elle résiste aussi à la moisissure et peut donc augmenter la durée de vie des colles ! D’un point de vue environnemental, cette colle étant constituée de soja et de farine de sang, elle permet de valoriser cette dernière, qui est un sous-produit provenant en général d’abattoirs de bovins et parfois utilisé comme engrais.


En dehors des nombreuses applications d’adhésifs bio-inspirés, c’est dans le domaine de la cosmétique que les moules de nos océans inspirent les chercheurs. En effet, en plus de coller malgré l’eau des océans, la colle de la moule est également résistante aux UVs ! Cela fait de la moule une candidate idéale pour une crème solaire bio-inspirée, comme nous vous en parlions dans le 6e épisode de notre podcast l'Incroyable Nature. Des chercheurs de l’Université de Guangzhou ont ainsi trouvé une formulation à partir de polydopamine et d’acide hyaluronique pour une crème solaire qui adhère particulièrement bien à la peau : même après un rinçage intensif, 87% des molécules actives de la crème restent sur la peau ! Fini les coups de soleil après une petite trempette dans l’océan ! La durée de protection de la peau est aussi particulièrement longue : elle tient 8h sur la peau, alors que les crèmes solaires qu’on trouve actuellement dans les commerces tiennent aux alentours de 3h !


La moule n’a cependant pas le monopole de l’adhésion, l’oursin est capable de coller et de décoller ses pieds, les podias, à sa guise pour explorer l’océan en quête de nourriture. En 2020, cela a inspiré des chercheurs de l’Université des Sciences de Lisbonne pour concevoir une colle bio-inspirée à partir de protéines efficace sous l’eau et biocompatible. Elle ouvre la porte à des nouvelles options pour refermer les plaies, autres que les traditionnels points de suture ! Mais l’oursin a également beaucoup d’autres propriétés très intéressantes que vous pouvez découvrir dans notre article qui lui est dédié.


L’oursin : petit mais vaillant habitant de l’océan


Pavillon à l’Université de Stuttgart. © Material District

En architecture, l’oursin a inspiré des étudiants de l’université de Stuttgart en Allemagne pour la conception de ce beau pavillon. Ils se sont concentrés sur la façon dont les plaques constituant le squelette (appelé le “test”) de l’oursin s'agencent pour créer cette structure particulièrement résistante et légère malgré la forte courbure. Les plaques de contreplaqué ultrafines (seulement 6.5mm !) constituant le pavillon en bois de près de 9 m de haut et 780 kg ont été usinées puis assemblées par des robots en reproduisant l’empilement des couches observé dans le squelette de l’oursin. Ce pavillon est un bel exemple de “lightweight design” bio-inspiré : on trouve en effet dans la nature de nombreuses structures alliant résistance et légèreté ainsi qu’économie de matière.


En plus de donner des idées aux architectes et designers, les "hérissons des océans" sont très prisés par les chercheurs comme Marie Albéric, Chargée de recherche au Laboratoire Chimie de la Matière Condensée de Paris (LCMCP), que nous avons eu la chance de rencontrer à l’occasion de l'épisode 7 de notre podcast l'Incroyable Nature. Une des caractéristiques intrigantes de l’oursin est sa longévité : il ne vieillit jamais ! Cela est dû à ses chromosomes d’ADN, et plus particulièrement à ses télomères. Ces derniers sont des petits “capuchons” préservant l’ADN et permettant la division cellulaire. Chez la plupart des êtres vivants, passé un certain nombre de cycles, la division cellulaire n’est plus possible : c’est la cellule qui vieillit. Or chez l’oursin, ces capuchons protecteurs ne s'abîment pas, il est ainsi capable de régénérer ses cellules, et ce quel que soit son âge ! Des chercheurs de l’Université d’Oregon ont ainsi découvert dans l'Océan Pacifique un oursin de plus de 200 ans, alors que la tortue des Seychelles, l’animal terrestre ayant la plus longue longévité ne vit “que” 187 ans !


Les baleines à bosse, ballerines des océans


La baleine à bosse est un autre habitant de l’océan souvent mis à l'honneur chez Bioxegy, et à raison. Elle se différencie des autres baleines par ses protubérances en forme de bosses situées sur ses nageoires, d’où son nom. On pourrait remettre en question l’esthétique de ces bosses, mais leur atout en termes d’hydrodynamisme est indéniable ! Malgré sa taille imposante d’une quinzaine de mètres de long, ce mammifère marin sait se montrer très agile dans l’océan pour capturer ses proies. Son agilité hors pair est due aux protubérances, qui permettent d’augmenter la portance et de retarder le décrochage sous l’eau. Cela a inspiré de nombreuses applications biomimétiques liées à la mécanique des fluides (hydrodynamisme et aérodynamisme principalement).


Dans le secteur aéronautique, c’est une équipe de chercheurs du Centre allemand pour l'aéronautique et l'astronautique qui s’est intéressée de près à ce géant des océans. Les pales d’hélicoptères étant soumises à des phénomènes de décrochage lorsqu’elles tournent à haute vitesse, des vibrations, désagréables pour les passagers, apparaissent et la manœuvrabilité est limitée. En reproduisant les protubérances des nageoires sur les pales de l’hélicoptère, les pilotes tests ont constaté que l’hélicoptère était effectivement plus maniable. Airbus Helicopters, leader mondial en fabrication d’hélicoptères civils s’est ainsi intéressé de près à cette solution facile à mettre en place sur tous ses modèles actuels : il suffirait de rajouter une série de petites bosses en caoutchouc de 6 mm d’épaisseur sur les bords des pales pour améliorer drastiquement les performances en vol !


En dehors du secteur évident de l’aéronautique, c’est dans celui de l’énergie qu’on trouve le plus d’applications biomimétiques inspirées de l’océan. En effet, la nature regorge de mécanismes optimisant les mouvements de flux, un des enjeux pour la production efficace d’énergie par des alternatives durables comme l’éolien au cœur du développement durable. L’entreprise Whale Power a ainsi imaginé des pales d’éolienne dotées de tubercules plus efficaces : elles produisent 20% d’énergie en plus que les technologies concurrentes. D’autre part, elles sont aussi plus silencieuses avec une diminution du bruit de 2 tiers , ce qui leur permet de mieux s’intégrer dans les territoires pour les éoliennes onshore. Enfin, du fait de la réduction des frottements avec l’air, l’usure des matériaux est réduite, ce qui résulte en une durée de vie plus longue de 3 à 6 ans.


Pale d’éolienne WhalePower

Enfin, à une échelle plus petite, la baleine à bosses est une alliée hors pair pour garantir une bonne qualité de l’air dans les transports en commun. L'air du métro se retrouve concentrée en particules fines, notamment issues de l'usure des plaquettes de frein des rames. Bioxegy a proposé des solutions pour améliorer la qualité de l’air souterrain par un système de ventilation bio-inspiré de la baleine à bosse, efficace et silencieux. L’entreprise Envira North commercialise déjà des ventilateurs équipés de protubérances sur les pales qui sont 20% plus silencieux et consomment 20% moins d’énergie que les alternatives sans protubérances. C’est une piste très prometteuse pour permettre une meilleure circulation de l’air au sein des tunnels souterrains du métro parisien en raccordant ces ventilateurs au réseau électrique existant, tout en garantissant le confort sonore des usagers.


Mais la baleine à bosse n’est pas la seule inspiration biomimétique venue de l’océan pour des systèmes de ventilation silencieux et efficaces. Les tourbillons qu’on retrouve à la surface des océans ont ainsi inspiré l’entreprise PAX dans la conception de ventilateurs aux pales courbées selon le ratio du nombre d’or. En reproduisant la courbure naturelle des tourbillons, les flux d'air sont plus réguliers, ce qui crée moins de vibrations et donc moins de bruit. Qui sait, peut-être que vous trouverez un jour dans votre salle de bains un sèche-cheveux silencieux bio-inspiré par une espèce de l’océan !


L’océan est donc le refuge de beaucoup d’espèces qui ont inspiré des technologies plus surprenantes les unes que les autres et qui répondent à des besoins contemporains (production d’énergie, chimie, enjeux environnementaux, aéronautique…). Il nous reste cependant une multitudes d'espèces océaniques à découvrir. L’essor de nouveaux sous-marins (autonomes ou non), comme Ulyx de l’IFREMER, rend ces découvertes de nouvelles espèces aux propriétés intéressantes possible. Cependant cette exploration ne sera fructueuse que si la fragile biodiversité des océans est préservée. Ceci est mis en péril par l'augmentation de la température des océans qui perturbe les écosystèmes comme les récifs coralliens. Il est donc de notre responsabilité de préserver nos océans, ces trésors sous-marin.

bottom of page